FRANCE
Présentation de la Revue Nationale Stratégique 2022
Mercredi 9 novembre, le Président Macron a présenté la Revue Nationale Stratégique (RNS) 2022 depuis le porte-hélicoptères Bixmude à Toulon. Publié par le Secrétariat Général de la Défense et de la Sécurité Nationale, le document, partiellement public, esquisse les grandes lignes de la défense nationale à l’horizon 2030 pour que la France reste « une puissance d’équilibre ». Parmi les points principaux de son discours, le président a notamment insisté sur la nécessité pour les armées françaises de se préparer à un conflit majeur, de « disposer dans les 5 ans d’une cyberdéfense de premier rang mondial » et de renforcer la « capacité autonome » de la France en matière de renseignement. Preuve du changement d’époque et de l’importance croissante des menaces hybrides, le domaine « d’influence » est devenu la sixième « fonction stratégique », en complément des cinq fonctions préexistantes « connaissance », « anticipation », « prévention », « dissuasion », « protection » et « intervention ». Pour mener à bien ces objectifs, la RNS 2022 explique que la France se fixe d’atteindre au minimum le niveau de 2% du PIB consacré aux investissements de défense. Concernant les opérations de l’armée française, ce discours a aussi été l’occasion de marquer officiellement la fin de l’opération Barkhane au Sahel et la réduction des effectifs de Sentinelle. Enfin, Emmanuel Macron a réitéré ses appels aux pays partenaires de la France, en annonçant un sommet bilatéral sur la défense avec le Royaume-Uni début 2023, et en rappelant son attachement à une défense aérienne européenne.
- La RNS 2022 s’inscrit directement dans la lignée de la revue stratégique de 2017 et de la boussole stratégique européenne publiée plus tôt dans l’année. En plus d’avoir proposé un approfondissement du dialogue avec le Royaume-Uni lors de son discours du 9 novembre, le Président Macron a rappelé au Premier Ministre Australien que l’offre française de sous-marins conventionnels restait « sur la table ». Enfin, malgré les regains de tensions entre l’Allemagne et la France, le ministère de la défense allemand et Airbus ont annoncé que les négociations pour le lancement de la construction d’un démonstrateur de l’avion du futur (SCAF) étaient en cours.
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EUROPE
Mission d’assistance européenne à l’Ukraine : la mobilisation opérationnelle organisée en un “temps record”
Le Haut Représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la Politique de Sécurité, Josep Borrell, a pris la parole le 15 novembre dernier au sujet du projet européen de mission d’assistance à l’Ukraine (EUMAM Ukraine). Se félicitant de la rapidité d’action des Etats membres, le chef de la diplomatie européenne a déclaré que la mission serait opérationnelle “dans moins de trois mois”. Cette rapidité serait d’autant plus louable que l’EUMAM Ukraine représente la plus importante mission d’assistance militaire organisée par l’Union Européenne (UE) à ce jour, représentant un montant – estimé sur deux ans par le Conseil de l’UE – à près de 106 700 000 euros.
- Évoqué dès la fin du mois d’août par Josep Borrell, le projet de mission avait ensuite été validé sur le principe par les ministres de la Défense de l’ensemble des Etats-membres, avant que ses modalités ne soient finalement annoncées au mois d’octobre par le Conseil de l’UE (voir veille octobre 2/2).
- L’EUMAM Ukraine est ainsi organisée sur la base d’une durée initiale de deux ans, et financée au travers de la Facilité Européenne pour la Paix. Cette dernière devra d’ailleurs faire l’objet d’un financement additionnel de la part des Etats-membres, dans la mesure où “3,1 des 5,7 milliards de sa dotation pour 7 ans” avaient déjà, à la date du 15 novembre, été dépensés dans la fourniture de divers armements au régime ukrainien.
- Très concrètement, la mission se concentrera sur des actions de formation organisées depuis la Pologne auprès de près de 15 000 soldats ukrainiens, et sera commandée par le vice-amiral français Hervé Bléjean, directeur de la Capacité Militaire et de Conduite (MPCC) du Service Européen pour l’Action Extérieure.
Nouveaux épisodes de tensions franco-allemandes sur le leadership en matière de défense au sein de l’Union Européenne
Lors de ses délibérations du 11 novembre au sujet du fonds spécial de modernisation de l’armée allemande annoncé par Olaf Scholz, le Bundestag a porté un nouveau coup aux projets d’armements européens (SCAF et MGCS), déjà bien mal en point comme rapportélors de précédentes veilles. L’assemblée fédérale a en effet jugé que deux des conditions au financement par l’Allemagne de ces projets, à savoir la prise en compte des intérêts de l’industrie allemande et l’avancée conjointe du SCAF et du MGCS, n’étaient pas satisfaites. En conséquence, les députés allemands ont conditionné tout financement aux projets à l’avancée notable vers la réalisation dans un futur proche des deux critères susmentionnés. Parallèlement, le président français Emmanuel Macron a dénoncé, à l’occasion de la publication le 9 novembre de la Revue nationale stratégique, la persistance de certains partenaires européens à confondre défense européenne et “promotion d’une industrie nationale ou d’industries tierces aux dépens de la souveraineté européenne” (voir zone France ci-dessus).
- En France, des alternatives aux projets SCAF et MGCS sont de plus en plus explicitement envisagées face aux difficultés engendrées par les rivalités avec l’Allemagne : le député Renaissance Mounir Belhamiti évoquait ainsi dès le 27 octobre à l’Assemblée nationale la nécessité pour la France de ne pas “[ignorer] les risques d’échec des coopérations engagées, a fortiori lorsqu’elles se heurtent à des blocages qui se multiplient”.
- Les critiques d’Emmanuel Macron se sont surtout concentrées sur le projet de “European Sky Shield” porté par Olaf Scholz pour renforcer la défense aérienne européenne, que la France juge comme favorisant démesurément l’industrie de défense allemande.
- Si dans son discours le président Macron a, comme l’usage le veut, loué l’importance des relations franco-allemandes, il a également plus subtilement mis en avant d’autres coopérations bilatérales, avec la Belgique, la Grèce ou l’Italie, mais aussi et surtout le Royaume-Uni, avec lequel le partenariat stratégique doit selon M. Macron être porté “à un autre niveau”.
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AMÉRIQUES
Après avoir annoncé l’envoi d’armes supplémentaires vers l’Ukraine, Washington pousse Kiev à l’ouverture de négociations avec Moscou
Vendredi 11 novembre, le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche Jake Sullivan a annoncé l’envoi prochain de nouveaux matériels militaires américains vers l’Ukraine. Cette livraison comprendra principalement « d’importantes contributions à la défense aérienne » de Kiev compte tenu de l’intensification des frappes russes, notamment sur des infrastructures civiles ukrainiennes. Parmi les armes livrées, les Etats-Unis ont annoncé envoyer des missiles pour les systèmes de défense aérienne HAWK ainsi que quatre systèmes de défense aérienne Avenger équipés de missiles Stinger. Cette nouvelle salve d’équipements militaires représente un montant de 400 millions de dollars qui s’ajoutent au 18,2 milliards injectés par Washington dans l’assistance militaire à Kiev depuis le mois de février.
- En parallèle de l’intensification des mesures contre Moscou et de ce soutien accru à l’Ukraine, la Maison Blanche pousse le régime de Kiev à l’ouverture de négociations de paix avec la Russie, estimant qu’il sera difficile militairement pour Kiev de récupérer l’entièreté des territoires perdus depuis février. En outre, le 10 novembre, le département du Commerce Américain avait annoncé avoir retiré à la Russie « son statut d’économie de marché ». Par cette manœuvre, Washington va appliquer des taxes plus élevées aux produits d’origine russe. Lundi 14 novembre, les Etats-Unis ont annoncé de nouvelles sanctions visant à perturber les chaînes d’approvisionnement militaires du pays et à démanteler les réseaux financiers du Kremlin.
- Cette semaine a été particulièrement tendue pour les Européens et l’OTAN après l’explosion d’un missile en Pologne ayant causé la mort de 2 personnes. Dépêchés sur place, des responsables américains ont imputé l’explosion à un missile de défense anti-aérienne ukrainien. Face aux accusations ukrainiennes à son encontre, Moscou a salué “le sang froid” des responsables américains.
Lancement du programme américain Artemis : vers un retour de l’Homme sur la Lune
Mercredi 16 novembre, les Etats-Unis ont entamé la première des trois missions du programme Artemis. Après deux tentatives avortées lors des semaines passées, la fusée géante Space Launch System a finalement été lancée depuis le Centre spatial Kennedy en Floride en emportant avec elle le vaisseau Orion. Sans passager à son bord, ce vaisseau a été dirigé vers la Lune autour de laquelle il doit entrer en orbite à partir du 25 novembre afin de tester les systèmes du vaisseau. Son retour sur Terre est prévu le 11 décembre prochain.
- Lancé par le Président Donald Trump en 2017, le programme Artémis a pour but d’amener un équipage sur le sol lunaire. Fixé initialement à 2028, cet objectif a été avancé de 3 ans en 2019. Orion est un vaisseau spatial de la NASA conçu pour transporter des humains hors de l’orbite terrestre.
- Cette première mission sert de test de validation des systèmes de la fusée, la plus grande et puissante jamais créée, ainsi que du lanceur. La mission Artemis-2 devrait ensuite avoir lieu en 2024 et embarquer à son bord 4 astronautes qui contourneront la Lune, sans entrer en orbite autour elle, avant de retourner sur Terre. Plus de cinquante ans après la mission Apollo XVII, le retour d’humains sur la Lune devrait avoir lieu lors de la mission Artemis-3 prévue pour 2025. Les 3 phases du programme devraient coûter au total 93 milliards de dollars aux Etats-Unis.
- Ce programme a une haute valeur stratégique pour le gouvernement américain qui cherche à montrer que les Etats-Unis restent la première puissance mondiale face à une Chine ambitieuse qui ne cesse de développer son programme spatial. Washington souhaite sur le long terme maintenir une présence humaine plus ou moins continue en orbite autour de la Lune afin de pouvoir plus facilement se rendre sur Mars à l’horizon 2050. Le programme doit également permettre de développer les équipements et procédures qui serviront aux futures missions sur Mars.
- De nombreux doutes planent toutefois sur le respect du calendrier du programme. D’une part, le coût de celui-ci risque de causer certains retards au niveau du Congrès. De plus, la construction du Human Landing System (HLS), l’atterrisseur qui transportera les astronautes du vaisseau Orion jusqu’au sol sélénien, a été confiée à la société SpaceX qui, en dépit de ses protocoles de travail plus rapides que le reste du secteur spatial, risque de ne pas avoir conçu l’engin pour 2025.
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RUSSIE/NEI
Kherson libérée, un revers militaire et politique majeur pour Moscou
Vendredi 11 novembre, les forces ukrainiennes sont entrées dans Kherson, seule capitale régionale ukrainienne jusqu’ici occupée et annexée par la Russie. Le retrait de l’armée russe avait été annoncé quelques jours plus tôt, mercredi 9 novembre, par le ministre de la Défense durant le bilan quotidien sur l’opération russe en Ukraine. A cette annonce, l’Ukraine craignait un piège tendu par l’armée russe présageant un conflit en milieu urbain, mais cette crainte ne s’est finalement pas confirmée. Lundi 14 novembre, le président ukrainien Volydymyr Zelensky s’est rendu à Kherson et y a déclaré : « C’est le début de la fin de la guerre », indiquant être ouvert à des négociations de paix d’ici au deuxième semestre 2023. Il a également dénoncé la destruction massive d’infrastructures énergétiques et la mise en place d’un centre de torture par les Russes au sein de Kherson. De son côté, le Kremlin affirme que Kherson appartient toujours aux 99 sujets de la Fédération de Russie et que le retrait des troupes russes de l’autre côté du fleuve Dniepr a permis de sauvegarder la vie de ses soldats. Par ailleurs, l’armée russe continue de bombarder le front est, en particulier autour de Bakhmout (Donetsk).
- La stratégie ukrainienne reste principalement fondée sur le renseignement, l’utilisation d’armes et équipements fournis par les Occidentaux, et la réutilisation des armes et engins russes abandonnés. Désormais, le canal d’approvisionnement en eau partant du fleuve Dniepr ou la voie ferroviaire permettant le ravitaillement des soldats russes depuis la Crimée sont à la portée de l’artillerie ukrainienne. De même, les combats pourraient se déplacer sur le front marin puisque Kiev a annoncé dès dimanche 13 novembre la constitution prochaine d’une flotte de drones marins kamikazes.
- La Russie semble avoir plus de mal à maintenir ses positions malgré l’arrivée de la nouvelle vague de soldats recrutés par le biais de la mobilisation partielle. Pour contrer la poursuite de la contre-offensive ukrainienne, la Russie a commencé la construction de trois lignes de fortifications sur la rive gauche du Dniepr et le creusement de tranchées en Crimée.
- Moscou vise l’épuisement de la population et de l’armée ukrainiennes, en les privant d’électricité, d’eau et de chauffage pour l’hiver. La Russie aurait miné l’ensemble des infrastructures critiques de Kherson, empêchant le rétablissement d’approvisionnement en eau et électricité à une grande partie des habitants de la ville. Mardi 15 novembre, une salve d’environ 80 missiles a été lancée par l’armée russe, visant les infrastructures civiles et critiques (énergie, eau, etc.) dans de nombreuses villes ukrainiennes comme Kiev, Lviv, Kharkiv, Krementchouk et Rivne. Jeudi 17 novembre, ce sont Odessa et Dnipropetrovsk qui ont subi des bombardements.
- Les deux Etats s’accusent mutuellement de crimes de guerre. Un rapport d’Amnesty International publié le 10 novembre dénonce un système de déportation d’orphelins ou d’enfants isolés ukrainiens en Russie : leurs informations d’identité seraient changées, et ils seraient rééduqués dans des familles d’accueil afin d’effacer leur identité ukrainienne. Certains experts considèrent qu’il s’agit d’un génocide au sens de l’article 2 de la convention de 1946. Par ailleurs, mardi 15 novembre, la mission de surveillance des droits de l’Homme en Ukraine auprès de l’ONU a dénoncé des actes de torture commis par les forces russes comme ukrainiennes, notamment par décharges électriques. En outre, des ONG de défense des droits des prisonniers accusent la Russie d’envoyer des milliers de prisonniers sur le front comme « chair à canon » à travers le groupe Wagner. 99% des prisonniers périssent, dont des prisonniers étrangers comme l’étudiant zambien décédé sur le front le 22 septembre.
Comparaison de la situation en Ukraine entre le début de la guerre et le 20 novembre. Source : WarMapper
Crise énergétique en Moldavie, déstabilisée par la guerre en Ukraine
Mardi 15 novembre, Moscou a intensifié ses bombardements aériens sur les infrastructures énergétiques en Ukraine, causant des coupures de courant massives dans plus de six villes du pays voisin, la Moldavie. Le ministre moldave des infrastructures, Andrei Spinu, a déclaré qu’une ligne électrique importante avait été « déconnectée » sans être endommagée. Le pays fait désormais face à la plus importante crise énergétique depuis une trentaine d’années. L’Ukraine fournissait 30% des besoins d’électricité de la Moldavie avant la guerre alors que le reste de la consommation provenait de la centrale au gaz Kuchurgan, située dans la région séparatiste pro-russe de Transnistrie. Or depuis le 1er novembre, Gazprom a drastiquement réduit sa production et l’Ukraine n’est plus en mesure d’exporter de l’électricité, ce qui contribue à la déstabilisation interne de l’un des pays les plus pauvres d’Europe et l’un des plus dépendants des importations d’énergie. Le chef de la diplomatie moldave, Nicu Popescu, a précisé que la Roumanie leur venait en aide, mais que ses capacités d’exportations étaient « insuffisantes » pour répondre aux besoins de la population, dont près de la moitié des dépenses sont consacrées aux factures de gaz et d’électricité. Le ministre moldave des affaires étrangères a ajouté qu’il faudrait 1,1 milliard d’euros d’aide au pays pour passer l’hiver.
- Les 2,6 millions d’habitants moldaves sont historiquement divisés entre ceux prônant un rapprochement avec l’Union européenne et les tenants de relations plus étroites avec la Russie. En juillet 2021, le parti de la présidente moldave pro-européenne, Maia Sandu, avait remporté les législatives anticipées en devançant le parti de l’ex-président prorusse, Igor Dodon. Depuis juin 2022, la Moldavie est officiellement un pays candidat à l’adhésion à l’UE, qui a déjà accordé une aide de 250 millions d’euros sous forme de subventions et de prêts cet automne. Des pourparlers sont toujours en cours pour augmenter le montant de cette aide.
- La pression économique exercée par Moscou s’accompagne d’un soutien politique emprunt de corruption. Après le remplacement du candidat pro-russe à la présidence de la Moldavie en 2020, le Kremlin, par le biais de ses services de renseignement, a forgé une alliance avec Ilan Shor, homme d’affaires millionnaire et ancien maire de la ville d’Orhei. Accusé de détournement de fonds, il est désormais exilé en Israël. Son parti a toutefois été en mesure d’organiser des manifestations à Chisinau, capitale moldave, le 23 octobre. Près de 7 000 personnes, dont la plupart ont été rémunérées pour protester, sont descendues dans les rues pour demander la mise en place d’un gouvernement pro-russe.
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AFRIQUE
Intensification des combats à l’Est de la République Démocratique du Congo entre les FARDC et le M23
Jeudi 17 novembre, les insurgés issus du Mouvement du 23 mars (M23) ont déclaré contrôler la ville de Kibumba – située à moins de 20 kilomètres de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu. Face à cette percée des rebelles tutsis, les forces armées congolaises (FARDC) ont conduit plusieurs frappes aériennes par avions de chasse Soukhoï-25. L’expulsion de l’ambassadeur rwandais le 29 octobre et les accusations de « bombardements barbares » par le M23 contre Kinshasa tendent à confirmer les craintes de la communauté internationale quant à la fermeture de la frontière entre le Rwanda et le Congo et à l’évolution du conflit en guerre civile. À cet égard, Paris appelle « tous les groupes armés à cesser les combats et à s’engager dans le processus de désarmement ».
- Organisée sous l’égide de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), une tentative de pourparlers de paix entre Kinshasa et Kigali débutera le 21 novembre à Nairobi. Ce processus de pacification s’inscrit dans le sillon de la rencontre des ministres des affaires étrangères rwandais et congolais le 5 novembre dernier en Angola. Le facilitateur de l’EAC alerte toutefois sur la faible probabilité d’un apaisement des tensions car « les deux pays restent irréconciliables. Kinshasa accuse toujours Kigali d’agression et de soutien au M23 ». Rappelons que ces accusations congolaises se fondent principalement sur un rapport onusien soulignant les liens entre les Forces Rwandaises de Défense (FRD) et le M23.
- L’exacerbation du conflit entre les rebelles tutsis et les forces armées congolaises menace l’est de la RDC d’une crise humanitaire et migratoire dramatique. Plus précisément, les Nations Unies dénombrent plus de 188 000 personnes déplacées depuis la percée du M23 fin octobre. Les évènements du 17 novembre ont également conduit à l’évacuation du camp de Kanyaruchinva et de la ville de Goma. En effet, le M23 contrôle désormais les points stratégiques de productions maraîchères et de transits, réduisant ainsi les capacités de ravitaillement alimentaire de la capitale provinciale.
- Suite au discours du président de la RDC, Félix Tshisekedi, appelantla jeunesse congolaise à former des « groupes de vigilance » (voir veille novembre 1/2), 2 000 jeunes se sont engagés à servir sous les drapeaux. Parallèlement, plus de 900 soldats kényans soutiendront les FARDC dans le cadre d’une force régionale Est-Africaine (mission de six mois pour un coût de 36,5 millions d’euros). Enfin, les casques bleus de l’opération MONUSCO poursuivent leurs tentatives de pacification du conflit. Le porte-parole du gouvernement congolais a toutefois rappelé que Kinshasa ne négociait pas avec « les terroristes » et que « la MONUSCO, les Nations Unies sont aussi tenues de faire leur part. ».
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ASIE
Corée du Nord : condamnation tripartite des nouveaux tirs de missiles balistiques
Le vendredi 18 novembre, la Corée du Nord a tiré un missile balistique intercontinental (ICBM) qui est tombé au large du Japon. L’état-major sud-coréen a indiqué avoir « détecté un missile balistique de longue portée présumé lancé vers 10H15 (01H15 GMT) depuis la zone de Sunan à Pyongyang en direction de la mer de l’Est ». Le ministère de la défense japonais a précisé que le missile avait parcouru environ 1 000 km et que les forces japonaises n’avaient pas tenté de le détruire en vol. Le 3 novembre, la Corée du Nord avait déjà lancé un ICBM mais ce tir avait apparemment échoué.
- Le nombre de missiles tirés récemment par la Corée du Nord constitue un record. Le pays semble se préparer à conduire un essai nucléaire qui constituerait le septième de son histoire. Le pays a rompu en mars dernier le moratoire qu’il s’était auto-imposé depuis 2017 sur les lancements de ce type de missiles à longue portée. Pyongyang justifie sa démonstration de force par l’attitude « agressive et provocatrice » de Séoul et Washington, qui ont récemment mené les plus grandes manœuvres aériennes réalisées jusque-là entre les deux pays et a promis une réponse “soutenue, ferme et écrasante” le lundi 7 novembre.
- Le dimanche 13 novembre lors d’une rencontre tripartite, Joe Biden, le président des États-Unis, son homologue sud-coréen Yoon Suk-yeol et le premier ministre japonais M. Fumio Kishida ont condamné les tirs de missiles nords-coréens et ont promis une réponse « forte et ferme » si Pyongyang réalisait un nouvel essai nucléaire. Alors que le sommet annuel du forum de Coopération économique Asie-Pacifique (Apec) s’ouvre ce 18 novembre, les États-Unis, la Corée du Sud, le Canada, la Nouvelle-Zélande, le Japon et l’Australie ont condamné avec la plus grande fermeté les tirs nords-coréens, lors d’une réunion d’urgence tenue en marge du sommet, a annoncé le gouvernement japonais.
- Joe Biden avait déclaré qu’il évoquerait la menace nord-coréenne avec son homologue chinois Xi Jinping lors du sommet du G20 qui s’est tenu les 15 et 16 novembre à Bali, en Indonésie. M. Biden a effectivement demandé à Xi Jinping d’intercéder auprès de la Corée du Nord pour qu’elle mette fin à l’escalade et renonce à effectuer un essai nucléaire.
La junte birmane libère 6000 prisonniers mais refuse le dialogue avec l’ASEAN
La junte militaire au pouvoir en Birmanie a annoncé, ce jeudi 17 novembre, la libération de près de 6 000 prisonniers, dont plusieurs étrangers : l’ex-diplomate Vicky Bowman, le conseiller économique australien Sean Turnell et le journaliste japonais Toru Kubota. Ils ont été “graciés et expulsés”, a indiqué la junte dans un communiqué. Cette libération a également pour volonté de “marquer” la fête nationale, qui a eu lieu le même jour dans le pays.
- La décision des militaires au pouvoir était réclamée depuis des mois par les organisations de défense des droits humains. Elle marque un rare signe d’ouverture des militaires depuis leur arrivée au pouvoir lors du coup d’Etat du 1er février 2021. Selon l’Unesco, au moins 170 journalistes ont été arrêtés depuis le coup d’Etat, et près de 70 d’entre eux sont encore en prison. Trois anciens ministres du gouvernement déchu d’Aung San Suu Kyi, qui reste incarcérée, ont aussi été libérés. Le pays est livré à un conflit civil sanglant depuis le coup d’Etat sans que le plan de sortie de crise convenu l’an dernier entre la junte et l’ASEAN lors d’un sommet à Djakarta, le consensus en cinq points, ne change son cours meurtrier.
- Du jeudi 10 au dimanche 13 novembre, les dirigeants de l’ASEAN se sont rencontrés lors du sommet annuel de l’organisation à Phnom Penh, au Cambodge. Ils se sont accordés le vendredi 11 novembre pour explorer d’autres approches pour la mise en œuvre du “consensus en cinq points”. Les dirigeants de l’ASEAN ont notamment évoqué la possibilité de rencontres avec les groupes d’opposition. La Birmanie s’est opposée fermement à cette approche et a condamné les “tentatives des États membres de l’ASEAN d’avoir affaire avec ces organisations illégales et terroristes », par le biais d’un communiqué du ministère des Affaires étrangères. Un an après avoir exclu le chef de la junte birmane de leur sommet annuel, les dirigeants de l’ASEAN ont acté à Phnom Penh l’impasse des négociations avec les généraux birmans. Le chef de la junte birmane, Min Aung Hlaing, n’a pas été invité pour la deuxième année de suite bien qu’aucune mise au ban plus poussée du régime birman n’ait été annoncée.
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AFRIQUE DU NORD/MO
Israël et les USA accusent l’Iran de l’attaque d’un pétrolier au large de la côte d’Oman
Le 15 novembre dernier, le navire-citerne Pacific Zircon du transporteur Eastern Pacific Shipping a été touché par un projectile à environ 240 kilomètres de la côte d’Oman dans l’après-midi. Selon la compagnie, appartenant au milliardaire israélien Idan Ofer, il n’a cependant subi que des « dommages mineurs ». Aucun membre de l’équipage n’a été blessé et il n’y a pas eu de fuite de carburant dans la mer. Washington et Tel Aviv ont tous deux imputé la responsabilité à l’Iran. Le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, Jake Sullivan, a dit être convaincu que Téhéran a « mené cette attaque au moyen d’un drone » et a promis d’œuvrer avec ses alliés pour que « l’Iran rende des comptes ». Un responsable israélien a également estimé que cette attaque avait pour dessein de perturber la tenue de la coupe du monde de football ayant débuté hier au Qatar.
- L’Iran, les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU ainsi que l’Union Européenne sont actuellement engagés dans des pourparlers pour relancer l’accord-cadre sur le nucléaire iranien de 2015, mais les négociations sont actuellement au point mort. Selon Torbjorn Soltvelt, de la société de renseignement sur les risques Verisk Maplecroft : « Le risque d’attaques contre des transporteurs et des infrastructures énergétiques dans la région a augmenté en raison de l’absence de progrès dans les négociations américano-iraniennes sur le dossier nucléaire et la décision de Washington d’imposer de nouvelles sanctions à l’Iran ». Téhéran pourrait également chercher à déstabiliser la région afin de détourner l’attention des manifestations qui agitent le pays depuis la mort de Mahsa Amini, il y a deux mois.
- Les États-Unis et plusieurs pays du Golfe dénoncent régulièrement les agissements de Téhéran dans cette zone maritime particulièrement stratégique, voie de navigation quasi exclusive pour connecter les pays pétroliers du Golfe aux marchés mondiaux. En juillet 2021, l’armée américaine avait pointé du doigt la responsabilité de la République islamique dans l’attaque du MT Mercer Street, un pétrolier géré par une société appartenant à un milliardaire israélien, qui avait fait deux morts. Téhéran avait nié avoir quelconque lien avec l’attaque.
Veille réalisée par Rose, Elias, Baptiste, Pauline, Camille, Léana, Simon et Raphaëlle