Veille stratégique – Avril 2024 2/2

FRANCE 

Une frégate et un sous-marin de la Marine nationale réalisent une frappe coordonnée de missiles de croisière navals

Le 18 avril, pour la première fois, une double frappe simultanée de missiles de croisière navals (MdCN) a été mise en œuvre par la Marine nationale. L’exercice a impliqué la FREMM (frégate multi-missions) Aquitaine, croisant au large de Quimper, et un SNA (sous-marin nucléaire d’attaque) de type Suffren, situé au niveau de Biscarrosse. Dans un communiqué, le ministère des Armées a donné des précisions sur le résultat de l’entraînement réalisé : « Ce tir a permis de traiter avec succès une cible terrestre, située sur le site des Landes de DGA Essais de missiles. Les deux missiles ont atteint leur cible en parfaite synchronisation ». Comme indiqué, la frappe a reçu le soutien de DGA Essais de missiles, ayant mis à disposition la cible et assuré la sécurité des personnes et des biens sur les lieux concernés. 

  • L’utilisation, même à titre d’entraînement, de MdCN reste particulièrement rare au sein de la Marine. La dernière occurrence remonte à un exercice effectué en novembre 2020 par la FREMM Bretagne, un mois après un tir similaire réalisé par le SNA Suffren en vue de sa qualification. 
  • Ces divers entraînements doivent permettre de tourner définitivement la page de l’opération Hamilton, organisée en avril 2018 contre des infrastructures du programme chimique syrien. Les FREMM Aquitaine et Auvergne s’étaient alors révélées incapables de lancer leurs missiles de croisière, contraignant leur homologue restée en réserve, la Languedoc, à faire usage des siens.
  • Pour précision, un MdCN est un instrument de frappe conventionnelle en profondeur : d’un poids de deux tonnes, disposant d’une vitesse de déplacement de 1000 km/h, il est capable d’atteindre des cibles situées jusqu’à 1000 km de distance.

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EUROPE

L’Allemagne veut renforcer la défense aérienne de l’Ukraine 

Le gouvernement allemand indique qu’il est déjà en pourparlers avec d’autres pays au sujet de nouveaux engagements en matière de défense aérienne pour l’Ukraine, alors que Berlin envisage de renforcer ses propres stocks de systèmes de missiles Patriot fabriqués aux États-Unis. La semaine dernière, les ministres allemands des affaires étrangères et de la défense ont lancé l’initiative “Action immédiate pour la défense aérienne” (IAAD) et envoyé une lettre aux alliés pour demander aux gouvernements de trouver et de financer davantage de systèmes de défense aérienne pour Kiev, alors que la Russie continue de s’en prendre aux infrastructures essentielles de l’Ukraine. À l’issue d’une réunion du Conseil OTAN-Ukraine qui s’est tenue vendredi, l’Allemagne a déclaré que le projet suscitait déjà de l’intérêt. Lors de cette réunion, les ministres de la défense des pays alliés ont discuté d’un soutien supplémentaire à Kiev quelques heures avant que les législateurs à Washington ne soutiennent finalement les plans d’un nouveau programme d’aide américain de 61 milliards de dollars.

  • Le ministère allemand de la Défense a indiqué que le Danemark et les Pays-Bas étaient en pourparlers pour apporter un soutien financier à l’IAAD. « Plusieurs autres partenaires ont également accepté d’examiner de manière intensive s’ils peuvent également fournir des systèmes ou des ressources », a ajouté le ministère.
  • S’adressant vendredi aux ministres de la Défense de l’OTAN, le président ukrainien Volodymyr Zelenskyy a déclaré que ses forces armées avaient besoin d’au moins sept Patriot ou d’autres systèmes avancés pour mettre en place une défense crédible contre les frappes russes.
  • « La Russie tente de détruire Odesa, la ligne de vie économique de l’Ukraine, et [Kharkiv], son centre industriel et technologique », indique la lettre originale envoyée aux alliés par la ministre allemande des affaires étrangères, Annalena Baerbock, et le ministre de la Défense, Boris Pistorius.

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AMÉRIQUES

Après des mois d’impasse Washington est à un pas de l’approbation d’un nouveau paquet d’aides militaires à l’Ukraine 

Samedi 20 avril 2024, la Chambre des Représentants américaine a voté en faveur d’un nouveau paquet de 95 milliards de dollars destiné à assister militairement l’Ukraine, Israël et Taiwan. Afin d’être approuvée définitivement, la mesure va être soumise au Sénat américain à partir de mardi 23, avant que le président Joe Biden puisse la convertir en loi par sa signature. De la somme totale approuvée par la Chambre , 60.84 milliards vont être, une fois la procédure aboutie, consacrés au soutien à Kiev, 26 milliards seront dirigés vers Israël, dont 9 destinés à l’aide humanitaire, et 18.1 pour la zone de l’Indo-Pacifique et notamment Taiwan.              

  • L’approbation de ce nouveau paquet d’aides militaires par la Chambre des Représentants avec un  consensus bipartisan marque la fin du blocage provoqué par les affrontements entre les deux partis américains. Proposée il y a plusieurs mois, cette initiative législative avait fait jusque-là l’objet d’une opposition farouche de la part du parti republicain, dont une partie conséquente est toujours déterminée, à remettre en cause le soutien américain à Kiev. 
  • Même au sein du vote du 20 avril, la majorité des élus du parti, 112 contre 101, ont rejeté le paquet d’aide, qui a néanmoins été approuvé avec 311 voix, dont ceux de l’ensemble du parti démocrate. Par volonté du speaker de la Chambre, le républicain Mike Johnson, le paquet a été divisé en quatre projets de loi distincts, dont celui qui a fait davantage consensus a été celui en soutien à Israël.              
  • Plus spécifiquement, au sein du montant consacré au conflit russo-ukrainien, 23 milliards de dolalrs seront alloués, une fois l’initiative convertie en loi, au renouvellement des stocks américains d’armes et des infrastructures. 14 milliards seront destinés spécifiquement à la Security Assistance Initiative, un dispositif par lequel le Pentagone achète des nouveaux systèmes d’armes technologiquement avancés qui sont livrés à l’armée ukrainienne. Ensuite, 11 milliards vont financer les activités américaines dans la région et notamment renforcer la collaboration entre les renseignements américain et ukrainien, et 8 seront attribués à l’assistance non militaire, permettant à Kiev de continuer de faire fonctionner les infrastructures essentielles du pays. Afin d’apaiser la majorité républicaine, 10 milliards de cette aide vont être versés sous la forme de prêts remboursables.          

Les tensions entre Etats-Unis et Venezuela montent suite au rétablissement des sanctions américaines contre le secteur pétrolier vénézuélien 

Mercredi 17 avril, les Etats-Unis ont annoncé, suite à son expiration,  leur intention de ne pas renouveler la licence 44, celle qui permettait au Venezuela d’exporter et d’augmenter librement les investissements dans le secteur pétrolier. Les officiers américains ont donné 45 jours aux entreprises concernées afin de s’adapter aux conditions régies par une nouvelle licence plus restrictive, dénommée 44A. Intervenant depuis les quartiers généraux de la compagnie pétrolière étatique PDVSA, le président venezuelien Nicolas Maduro a qualifié la décision américaine de chantage, en avertissant le gouvernement de Joe Biden des retombées sur son propre pays.        

  • Depuis octobre 2023, le licence 44 venait assouplir les sanctions à destination du secteur pétrolier du Venezuela, auparavant le principal producteur latino-américain. D’après l’administration américaine, elle était conditionnée aux efforts réalisés par le gouvernement Maduro pour établir une feuille de route électorale, en concertation avec l’opposition, afin d’organiser des élections libres et transparentes au cours de cette année. 
  • L’annonce des Etats-Unis fait suite aux multiples alertes lancées par ses responsables au sujet du non renouvellement de la licence en raison de l’absence de progrès démocratiques de la part du Venezuela. Le gouvernement américain s’est néanmoins engagé  à examiner les demandes spécifiques d’autorisation des compagnies vénézuéliennes, qui vont vraisemblablement exploser dans les prochains jours. 
  • Malgré la conviction affichée par le gouvernement de Maduro sur le peu d’effet qu’aura la perte de cette licence clé, il est difficile d’imaginer que celle-ci n’affectera pas considérablement la quantité et la qualité des ventes de pétrole brut et de carburant du Venezuela. Même si les six mois de durée de la licence n’ont pas permis de s’accaparer des investissement de long-terme dans le secteur de l’énergie, plusieurs entreprises avaient déjà entamé des négociations pour des projets d’expansion en lien avec PDVSA. Dans un contexte de crise économique prolongée, le Venezuela risque de souffrir du retour des sanctions.         
  • Sur le plan géopolitique, cette décision marque un point d’inflection important dans la politique de réengagement du président Biden des relations avec son homologue Maduro. Ce dernier a à ce sujet annoncé que cela aurait des répercussions négatives sur les efforts de normalisation des relations bilatérales entre les deux Etats. 

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RUSSIE/NEI

L’Ukraine, en manque de ressources, toujours plus dépendante des aides occidentales

L’armée russe avance en Ukraine, lentement mais sûrement, et a conquis un peu plus de 500km carrés en 6 mois. Ces dernières semaines, les frappes russes se sont par ailleurs intensifiées sur le réseau électrique ukrainien ainsi que sur Kharkiv, laissant craindre une offensive terrestre sur la deuxième ville du pays. Côté ukrainien, les munitions et le moral viennent à manquer. Les réserves de citoyens mobilisables aussi, malgré la baisse de l’âge de la conscription de 27 à 25 ans fin décembre 2023. En face, la Russie essuie des pertes importantes et croissantes (près de 1000 soldats par jour en 2024, selon le ministère de la Défense britannique) mais envoie des troupes sans discontinuer. De plus en plus, les capacités de résistance de l’Ukraine face à la Russie sont donc associées à l’aide militaire que l’Ukraine reçoit de l’Occident. L’aide américaine pour l’Ukraine de 61 milliards de dollars, enfin votée par la Chambre des Représentants le 20 avril, pourrait soulager les Ukrainiens, tandis que selon le Kremlin elle ne leur causera que plus de pertes. 

  • Le 18 avril, le directeur de la CIA avait affirmé dans un discours alarmant que l’Ukraine pourrait perdre la guerre d’ici fin 2024, ce qui a peut-être favorisé le vote de la Chambre des Représentants.
  • L’Allemagne a également promis des aides militaires supplémentaires ce mois-ci, en annonçant le 13 avril la livraison d’un nouveau système de défense anti-aérienne Patriot. 
  • Malgré sa situation difficile, l’armée ukrainienne s’illustre par quelques coups d’éclat, comme la destruction, le 19 avril, d’un bombardier stratégique russe TU-22M3, premier appareil de ce genre abattu depuis le début de la guerre. 

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AFRIQUE

Les États-Unis annoncent leur retrait militaire du Niger

Lors d’une rencontre organisée à Washington le 19 avril, le Secrétaire d’État adjoint américain Kurt Campbell a officiellement communiqué au Premier ministre nigérien Ali Mahamane Lamine Zeine le retrait imminent de l’ensemble des troupes états-uniennes actuellement stationnées au Niger. Cette annonce intervient un peu plus d’un mois après que le gouvernement nigérien ait dénoncé « avec effet immédiat » l’ensemble des accords de coopération militaire existants entre Niamey et Washington.

  • Le départ américain intervient alors même que la Russie a récemment envoyé au Niger plusieurs « instructeurs » et équipements militaires, et suit de peu l’installation de l’Africa Corps (ex-Wagner) dans le pays. 
  • Ainsi selon Maxime Audinet, chercheur à l’Irsem spécialisé dans l’étude des stratégies d’influence russes, « l’arrivée de l’Africa Corps au Niger marque la poursuite soutenue de l’expansion de la Russie dans la région, adossée à l’institutionnalisation de l’Alliance des Etats du Sahel sur laquelle Moscou exerce une influence significative. On assiste à l’incarnation de la présence russe post-Evgueni Prigojine au Sahel, orchestrée par le renseignement militaire russe [GRU] et le ministère de la Défense, qui tentent de reprendre la main sur l’héritage de Wagner en Afrique ». 
  • Ce retrait du Niger marque également l’abandon par les forces américaines de la base aérienne 201 d’Agadez, depuis laquelle opéraient différents drones de renseignement dans le cadre de la lutte contre les groupes armés terroristes au Sahel.

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ASIE

Les États-Unis, le Japon et les Philippines renforcent leur coopération économique, technologique et militaire

Les dirigeants des États-Unis, du Japon et des Philippines se sont réunis à Camp David le 11 avril pour sceller le renforcement de leur alliance économique, technologique et sécuritaire, alors qu’ils font tous les trois face à la menace chinoise dans le Pacifique. Les Philippines et le Japon se sont engagés à davantage contribuer à la sécurité régionale. Des exercices militaires entre le Japon et les Philippines ont en outre été prévus. Les États-Unis ont invité Tokyo à se joindre aux opérations de l’alliance Aukus, qui regroupe les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie. Tokyo et Washington ont également annoncé qu’ils allaient accroître leur coopération dans l’industrie de défense. Enfin, le Japon s’est engagé à assurer la réparation et l’entretien des navires américains dans ses propres chantiers navals.

  • Ce renforcement d’alliance entre Manille, Tokyo et Washington s’inscrit dans le contexte d’un probable retour de Donald Trump à la Maison Blanche, qui serait moins à même de démanteler une telle coopération en cas d’élection.
  • Le Japon et la Corée du Sud constituent les piliers du dispositif de défense américain en Asie, où près de 80.000 soldats américains sont stationnés.
  • Les États-Unis sont liés aux Philippines par un traité d’assistance mutuel signé en 1951 et des troupes américaines cohabitent avec des militaires philippins dans l’archipel. Joe Biden a réaffirmé au cours de la visite de Marcos Jr. que les États-Unis respecteraient le traité d’assistance mutuel en cas d’agression chinoise contre les Philippines, alors que les garde-côtes chinois empêchent ces derniers jours le réapprovisionnement de la garnison philippine basé sur l’atoll Second Thomas, dans les Spratleys, revendiqués par Pékin.

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AFRIQUE DU NORD/MO

Israël envoie des drones sur des sites militaires au centre de l’Iran 

Vendredi 19 avril, Israël a envoyé des drones dans les environs de la ville d’Isaphan, au centre de l’Iran. Des explosions ont été entendues tôt le matin près de la base de l’armée iranienne, abritant des installations nucléaires et balistiques. La défense aérienne iranienne a été activée à Isaphan, mais également dans le Nord-Est du pays, après avoir détecté un objet volant suspect. Le commandant de l’armée iranienne à Isaphan, Siavosh Mihandoust, a affirmé « n’avoir subi aucun dommage ». L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a par ailleurs confirmé qu’aucun site nucléaire n’avait été endommagé par l’attaque. Selon l’agence de presse syrienne SANA, Israël aurait également frappé des systèmes de défense aérienne dans le sud du pays. 

  • Cette réponse faisait l’objet de vives préoccupations internationales à la suite de l’attaque de drones et de missiles sans précédent perpétrée par Téhéran le 13 avril dernier. Israël était soumise à une grande pression américaine pour contenir sa réponse et plusieurs sources officielles ont assuré que Washington aurait été mis au courant de l’attaque israélienne.
  • Coïncidant avec le 85ème anniversaire de l’ayatollah Khamenei, la riposte israélienne apparaît pour le moment symbolique et relativement discrète. Israël semble envoyer un signal à l’Iran pour ne pas poursuivre cette escalade sur les territoires nationaux respectifs. Téhéran avait déjà affirmé considérer que « l’affaire était close » après sa propre attaque. La frappe en Syrie traduirait en revanche une volonté israélienne de poursuivre ses opérations contre les proxies iraniens. 
  • Avec cette riposte limitée, Israël souhaite enfin concentrer ses efforts sur ses opérations dans la bande de Gaza. L’éventualité d’une offensive sur la ville de Rafah semble se confirmer. 

Emma JOYEUX

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