Veille stratégique – Décembre 2022 1/2

FRANCE

Emmanuel Macron en visite d’État aux États-Unis

Du 30 novembre au 2 décembre, Emmanuel Macron était en visite d’État à Washington dans le but de resserrer les liens transatlantiques. Deuxième visite du président français aux États-Unis et premier accueil du type pour le président Joe Biden, ce voyage avait également pour but d’aborder les points de désaccord entre les deux pays. Accompagné de nombreux ministres (économie, armées, affaires étrangères, enseignement supérieur) et d’hommes d’affaires (Xavier Niel, Bernard Arnault et Patrick Pouyanné), le chef de l’État espérait faire valoir les intérêts français / européens et convaincre son homologue américain d’approfondir leur coopération. 

  • Les relations entre les deux pays ont souffert de l’affaire des sous-marins australiens et de la création de l’alliance “Aukus”. La présidence Trump avait également marqué les esprits avec la sortie de Washington des accords de Paris contre le réchauffement climatique et son retrait unilatéral de l’accord de Vienne (Joint comprehensive plan of action) censé empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire. Cependant, l’agression de l’Ukraine par la Russie a raffermi l’alliance du traité nord-atlantique (OTAN) et les relations entre le vieux et le nouveau continent.
  • Les points d’accroche des deux pays portent actuellement sur le coût économique que les sanctions contre la Russie font peser sur l’Europe et notamment sur l’Inflation Reduction Act (IRA), plan d’investissement américain qualifié de “protectionniste” et de “super agressif” par le président français. Ce plan a pour but d’aider le secteur industriel, notamment en matière de transition énergétique, et pourrait provoquer la délocalisation de firmes européennes tout comme la discrimination de produits européens… A l’inverse, les États-Unis attendent plus de la part des européens en matière de défense, notamment afin de partager le poids de l’aide à l’Ukraine. 
  • A ce stade, les États-Unis n’ont pas accédé aux demandes de l’Élysée. Sur la question ukrainienne, les États-Unis et la France souhaitent faire revenir la Russie à la table des négociations. Emmanuel Macron a promis de nouvelles armes pour l’Ukraine sans perdre de vue certains impératifs :  « Jamais nous n’affaiblirons la capacité de nos armées à protéger le territoire national, et jamais nous ne livrons d’armes qui pourraient faire de nous des parties prenantes du conflit. Mais nous allons livrer des armes supplémentaires ».

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EUROPE

SCAF : Après de nombreux rebondissements, Dassault Aviation confirme l’annonce d’un accord avec Airbus

Le 18 novembre dernier, la ministre allemande de la Défense Christine Lambrecht annonçait via Twitter qu’un « accord politique » sur le SCAF (Système de Combat Aérien du Futur) venait d’être conclu après des « négociations intenses » entre industriels français, allemands et espagnols. Cette annonce a été confirmée le même jour par Airbus ainsi que par un communiqué de l’Élysée auprès de l’AFP. Cette déclaration a cependant été par la suite démentie par le président de Dassault Aviation, Eric Trappier, qui lors d’un passage à la matinale de RTL le 21 novembre a dénoncé une “pseudo annonce politique”, réalisée alors même que “rien [n’avait] été signé entre Dassault et Airbus”. Ce 1er décembre, il apparaît que la situation ait finalement  évolué : dans un entretien accordé au Figaro (groupe détenu par Dassault), M. Trappier a cette fois confirmé la signature d’un accord avec les filiales allemandes et espagnoles d’Airbus concernant le SCAF.

  • Le projet de SCAF, comme son pendant terrestre le MGCS, constitue l’un des ambitieux projets “d’armements du futur” européens victime de nombreux déboires relatés par SPDS, principalement du fait d’intérêts contradictoires entre industriels et d’une forme de rivalité entre France et Allemagne pour la place de leader européen dans le domaine de la Défense. Cette annonce constitue ainsi une véritable avancée vis-à-vis d’un projet que beaucoup, des deux côtés du Rhin, considéraient déjà comme enterré.
  • Eric Trappier lui-même avait ainsi appelé à plusieurs reprises les autorités françaises à considérer la “possibilité d’un plan B” pour le futur de la défense aérienne française. Le PDG de Dassault Aviation a par ailleurs déclaré dans son entretien au Figaro que ses précédents propos sur l’accord du SCAF devaient être compris comme parties d’un jeu de “pressions de toutes parts”. En outre, M. Trappier a déclaré que “la propriété des travaux à réaliser en commun sera partagée, mais les technologies et le savoir-faire qui nous appartiennent ne le seront pas”, et s’est ainsi félicité d’un “accord gagnant-gagnant”.
  • Il est néanmoins à noter que l’accord ne concerne que la “phase 1B” du SCAF, visant à “définir l’architecture du démonstrateur avion”. Le financement de la phase 2, comprenant la déclinaison de l’architecture, le test et l’assemblage des éléments, doit encore être voté par les parlements des différents pays partenaires. Or, au Bundestag comme au Parlement français, ce vote pourrait être bloqué par la volonté des députés et sénateurs de préserver les intérêts industriels nationaux respectifs. En France, un amendement à la loi de finances 2023 a été déposé pour privilégier les industriels nationaux dans la fabrication d’équipements et de systèmes d’armes. En Allemagne, les députés exigent en outre que le SCAF et le MGCS évoluent au même rythme. Néanmoins, un accord entre Nexter et Rheinmetall permettant une relance parallèle du projet de MGCS devrait finalement être signé avant le 30 décembre.

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AMÉRIQUES

Dans un contexte de tension avec l’Iran, les États-Unis souhaitent renforcer leurs capacités de défense au Moyen-Orient 

Samedi 19 novembre, la diplomatie américaine a indiqué poursuivre le renforcement de ses systèmes de défense au Moyen-Orient face « aux menaces imminentes » dans la région notamment posées par l’Iran. Le coordinateur du Conseil national de sécurité américain Brett McGurk a annoncé que les États-Unis étaient en train « de bâtir une architecture de défense aérienne et maritime intégrée dans cette région (…) grâce à des partenariats innovants et à de nouvelles technologies ». Ainsi, le déploiement d’une centaine de drones marins dans les eaux du Golfe est prévu pour l’année 2023 afin d’appuyer une force opérationnelle dans la région sous le commandement américain. Washington compte également s’appuyer sur ses partenaires régionaux, en premier lieu Israël. A l’occasion de la visite du chef d’état-major de l’armée israélienne à Washington du 20 au 25 novembre, l’aviation israélienne et l’US Air Force ont annoncé la tenue prochaine d’exercices militaires conjoints visant à simuler des attaques contre des installations nucléaires iraniennes. 

  • Les négociations sur le nucléaire iranien relancées en avril 2021 sont au point mort depuis plusieurs mois. Mardi 22 novembre , l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA) a confirmé que Téhéran produisait de l’uranium enrichi à 60% dans son usine de Fordo. En avril 2021, Téhéran avait déjà repris la production d’uranium enrichi à 60% sur son site de Natanz. Le taux nécessaire à la confection d’une bombe nucléaire est de 90% et l’accord de 2015 limitait ce seuil à 3,67% pour l’Iran
  • En réaction à l’annonce de la reprise de la production d’un uranium enrichi à 60%, les États-Unis ainsi que les pays européens engagés dans l’accord de 2015 ont dénoncé la manœuvre de Téhéran et fait part de leur préoccupation. En parallèle de la production croissante d’uranium enrichi , l’Iran travaille à l’amélioration de ses capacités en matière  de missiles balistiques. Au mois de juillet dernier, le président américain Joe Biden avait pour la première fois évoqué la possibilité d’abandonner la voie diplomatique pour une intervention armée en dernier ressort afin de stopper le programme nucléaire iranien. 

Les stocks d’armes occidentaux et américains mis sous pression par la guerre en Ukraine 

Neuf mois après le début du conflit en Ukraine, le premier conflit de haute intensité depuis la fin de la guerre froide, les États occidentaux et les États-Unis en premier lieu font face à des difficultés pour maintenir la cadence d’approvisionnement des stocks d’armes ukrainiens. Pourvoyeurs des deux tiers de l’aide militaire à Kiev, les États-Unis doivent à présent puiser dans leur réserves critiques de certains stocks de matériels, notamment les munitions et les missiles qui équipent les l’artillerie ukrainienne.

  • Les difficultés évoquées ne doivent toutefois pas être exagérées. Les stocks de munitions américains ne sont pas tous en niveau d’alerte et les capacités industrielles des États-Unis permettent d’assurer un niveau de production qui couvre les besoins de la guerre en Ukraine. Washington a ainsi passé de nombreux nouveaux contrats depuis l’été afin de relancer la production et compléter ses stocks. 
  • Cette situation engendrée par l’aide apportée à l’Ukraine est révélatrice pour l’ensemble des puissances occidentales de leur difficulté à assurer durablement un effort de guerre. Depuis la fin de la guerre froide, les pays occidentaux n’ont été confrontés qu’à des adversaires moins dotés dans des conflits asymétriques  et les dépenses militaires n’ont cessé de diminuer. En France, un “audit des entreprises de la BITD” a été lancé afin de détecter les failles et faiblesses des acteurs français et se poursuivra jusqu’à la fin de l’année selon le ministère des Armées. Ce diagnostic a pour but de reprendre contact avec les entreprises en difficulté et de veiller à la bonne exécution des aides apportées à l’industrie de défense. La Russie fait également face aux mêmes problèmes et doit se tourner vers l’Iran et la Corée du Nord pour obtenir des munitions. 
  • Pour rappel, les États-Unis ont fourni 142 canons M777 de calibre 155mm et 36 canons de calibre 105mm. A titre de comparaison, la France a envoyé 18 canons Caesar de 155mm et des canons TRF1 (nombre non précisé), l’Allemagne a acheminé en Ukraine 14 PzH 2000 et un canon automoteur similaire au Caesar (16 Zuzana 2 sont également promis) et la Pologne a envoyé 54 canons AHS Krab.

L’US Air Force dévoile son futur bombardier B-21

Vendredi 2 décembre sur la base aérienne de Palmade en Californie, l’industriel Northrop Grumman a dévoilé le futur bombardier furtif de l’US Air Force, le B-21 « Raider ». Aboutissement de plus de 7 années de travail, ce nouvel avion remplacera à terme les modèles B-1 et B-2 actuellement en service. Présenté comme l’avion le plus avancé et le plus furtif du monde, le B-21 « Raider » pourra être opéré sans équipage, réaliser à la fois des frappes nucléaires de longue portée et transporter de l’armement classique. Le chef d’état major de l’armée de l’Air a qualifié l’inauguration du B-21 de « moment historique pour l’armée de l’air et les États-Unis » et a affirmé que ce nouveau modèle « fournira une formidable capacité de combat pour toute une gamme d’opérations dans les environnements hautement contestés du futur ». Selon le constructeur, il s’agit du seul avion de « sixième génération » sur le marché, succédant aux avions de combat de cinquième génération F-22 et F-35 de Lockheed Martin.

  • Le B-21 “Raider” est le premier avion de combat stratégique que l’armée américaine développe depuis le bombardier B-2 en 1988. Initié en 2015, le projet est resté  très confidentiel jusqu’à son aboutissement et seules des images de synthèse avaient été révélées en 2021. Six modèles sont actuellement en phase de production et le gouvernement américain a annoncé vouloir s’équiper d’une centaine d’appareils. Les premiers modèles B-21 devraient entrer en service à partir de 2026.
  • Ce modèle est présenté comme le futur fer de lance de l’armée américaine en Indopacifique. La furtivité de l’appareil ainsi que sa capacité à éviter les systèmes de détection ennemis est un atout important face aux missiles chinois de plus en plus efficaces. En parallèle de ce projet, les industriels américains  développent un prototype de chasseur de nouvelle génération baptisé « Domination aérienne de nouvelle génération (NGAD) ». L’objectif américain est de créer un système aérien complet, véritable « système des systèmes » selon les mots de l’US Navy, permettant d’assurer sa supériorité tactique dans l’ensemble des scénarios. 
  • Pionniers sur la technologie des bombardiers furtifs depuis le lancement du modèle B-2 en 1988, les États-Unis conservent une avance sur les autres puissances mais se voient de plus en plus concurrencés par la Chine (et la Russie dans une moindre mesure). Pékin travaille depuis le début des années 2000 à la réalisation de bombardiers furtifs et est en train d’achever le développement du Xian H-20, son premier bombardier furtif inspiré du B-2 américain et capable d’embarquer des missiles nucléaires. Lors du salon aérospatial de Zhuhai qui s’est tenu en Chine du 8 au 13 novembre dernier, deux modèles de projets d’avions de sixième génération ont été présentés.

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RUSSIE/NEI

La contre-offensive ukrainienne ralentie par les conditions météorologiques et l’usure de la guerre

Jeudi 24 novembre, « l’opération militaire spéciale » russe en Ukraine, initialement prévue pour durer 3 jours, a franchi le cap des 9 mois de guerre. La guerre s’enlise en raison des conditions météorologiques défavorables au déplacement des véhicules et des soldats. L’armée russe maintient une position défensive sur la quasi-totalité du front, à l’exception de la province du Donetsk où elle récupère très lentement des territoires autour de Bakhmout et Avdiïka. Les Russes y sont en supériorité numérique, renforcés par les récentes mobilisations et les mercenaires du groupe Wagner. Sur le reste du territoire, la stratégie de Moscou est de fortifier ses positions afin d’entrer dans une guerre de position et empêcher d’autres avancées ukrainiennes. De son côté, Kiev fait face à l’usure du matériel de guerre envoyé par les Occidentaux, le manque de munitions et les coupures électriques fréquentes à cause des multiples bombardements russes visant les infrastructures énergétiques ukrainiennes. Néanmoins, l’armée ukrainienne consolide ses positions autour de Kherson et bénéficient de formations en Maintien en condition opérationnelle (MCO) de la part des Occidentaux. Jeudi 1er décembre, Mykhaïlo Podoliak, un conseiller du président ukrainien Volydmyr Zelensky a affirmé qu’entre 10 000 et 13 000 soldats ukrainiens avaient péri depuis le début de la guerre. La Russie reconnaît la mort de 5 937 soldats russes depuis le début du conflit. Des deux côtés, les chiffres ne sont pas vérifiables.

  • La tactique russe autour de Bakhmout est principalement fondée sur un barrage d’artillerie suivi de vagues d’assaut frontales de l’infanterie. La ligne de front est néanmoins très flexible car les forces ukrainiennes répondent avec des frappes précises, aidées de leur flotte aérienne et de leur unité de renseignement aérien Otchi (« Œil ») composée en majorité de dronistes. Le commandant adjoint de cette unité a indiqué à Le Monde que les soldats russes sur le front étaient souvent mal préparés, drogués, pas formés aux techniques de combat et ne disposaient pas du matériel de protection et des armes nécessaires.
  • Les forces ukrainiennes font également face à des difficultés. Un tiers des 350 canons occidentaux livrés à l’Ukraine sont actuellement hors service, selon les responsables américains de la défense. Outre ceux qui ont été détruits par des frappes russes, ce sont la cadence de tirs trop intense et l’utilisation de munitions inadaptées qui accélèrent la détérioration de l’équipement. Pour répondre à ce problème, la France a formé 150 soldats ukrainiens à la MCO de ses équipements livrés à Kiev et s’est engagée à en former 2000 supplémentaires. En parallèle, la France, l’Allemagne et les États-Unis ont annoncé l’ouverture de centres de maintenance en Slovaquie et en Pologne.
  • Plus de 40% des infrastructures énergétiques ukrainiennes ont été endommagées ces dernières semaines. En parallèle des destructions des infrastructures civiles et stratégiques, la Russie est accusée par l’Ukraine « d’écocide » en détruisant et polluant volontairement les forêts et parc nationaux ukrainiens (200 000 hectares brûlés, 700 000 hectares minés, 180 000m3 de terres contaminées de substances toxiques). Une délégation de députés et ONG ukrainiens s’est rendue à Paris les 30 novembre et 1er décembre pour exhorter la France et les Européens à les accompagner dans l’établissement des faits mettant en cause la Russie pour le crime d’écocide, reconnu dans la législation ukrainienne depuis 2014 (conflit dans le Donbass).

 

Carte issue du Monde, étayant la situation en Ukraine au 25 novembre 2022. L’état du front reste relativement inchangé depuis.

Biélorussie : mort soudaine du ministre des affaires étrangères, Vladimir Makeï

Samedi 26 novembre, les autorités biélorusses ont annoncé la mort soudaine de Vladimir Makeï, ministre des affaires étrangères depuis 2012, à l’âge de 64 ans. Dans un communiqué, le président biélorusse, Alexandre Loukachenko, a exprimé ses condoléances à la famille et aux amis du diplomate. De son côté, le ministère des affaires étrangères russe a déclaré « pleurer profondément la mort prématurée d’un homme d’État exceptionnel ». A l’inverse, la candidate à la présidentielle de 2020 et cheffe de l’opposition biélorusse en exil, Svetlana Tikhanovskaïa, a affirmé : « En 2020, Vladimir Makeï a trahi le peuple biélorusse et soutenu la tyrannie. C’est ainsi que les Biélorusses se souviendront de lui ». Une cérémonie d’adieux s’est déroulée mardi pour lui rendre hommage avant ses funérailles dans la capitale biélorusse. Si les causes officielles du décès n’étaient pas connues mardi, des sources indépendantes biélorusses évoquent toutefois un arrêt cardiaque, suscitant des interrogations sur cette mort jugée « suspecte » par certains.

  • Le chef de la diplomatie biélorusse, ancien du service de renseignement militaire russe (GRU) et habile négociateur, avait fait carrière dans le sillage du président Loukachenko mais apparaissait parfois comme jouant le rôle d’une passerelle avec l’Ouest. Actif dans la phase de rapprochement avec l’Occident ouverte après le déclenchement du conflit russo-ukrainien en 2014, il ambitionnait de voir son pays devenir une « Suisse d’Europe de l’Est ». Néanmoins, tant vis-à-vis de l’Ouest que de l’opposition biélorusse, son image de « libéral » a volé en éclats lors des manifestations massives de l’automne 2020, déclenchées par la présidentielle truquée à la fin de l’été, lorsqu’il a orchestré la mise au pas du ministère des affaires étrangères.
  • La mort soudaine de Vladimir Makeï a mis en avant l’imprévisibilité de la dynamique interne à l’œuvre en Biélorussie, à un moment où les tensions politiques dans le pays sont exacerbées par la guerre en Ukraine. Base arrière de la Russie dans le cadre de l’invasion, Minsk avait résisté aux pressions de Moscou qui souhaite l’impliquer davantage sur le théâtre ukrainien, notamment par l’envoi de troupes biélorusses. Le choix du nouveau ministre des affaires étrangères pourrait donc conduire à une nouvelle dynamique russo-biélorusse.

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AFRIQUE 

Suivant ses alliés occidentaux, l’Allemagne annonce le retrait de son aide militaire au Mali

Mardi 22 novembre, Berlin a annoncé le retrait de ses 1100 militaires déployés au sein de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation du Mali (MIMUSA). Le contingent allemand quittera le pays à partir de mai 2024, après un ultime renouvellement de sa mission prévu en mai 2023. Cette décision succède à l’annonce britannique de la fin du déploiement de ses 300 casques bleus rattachés à l’opération Newcombe dans les six prochains mois. Rappelons que la Mission de formation de l’Union Européenne au Mali (EUTM Mali) et l’opération française « Barkhane » ont respectivement pris fin en avril et août 2022 en réponse à une rupture diplomatique avec le Mali et un renforcement de la présence du groupe paramilitaire russe Wagner sur le territoire.

  • Créée le 25 avril 2013, la MIMUSA a vocation à endiguer le développement tentaculaire incoercible des réseaux djihadistes au Mali. Suite au retrait des forces françaises, l’État Islamique dans le Grand Sahara (EIGS) a considérablement progressé dans la région nord-est frontalière avec le Niger – les villes de Gao et Ménaka se révèlent particulièrement exposées aux attaques terroristes. L’EIGS y mène des combats d’une extrême violence et des scènes de torture publiques. Selon les Nations Unies, 60 000 individus déplacés ont été identifiés à Gao.
  • La rupture progressive des partenariats militaires étrangers avec la junte malienne – notamment l’Allemagne, la Côte d’Ivoire, l’Égypte, la France, la Suède et le Royaume-Uni – s’inscrit dans un contexte de dénonciation de la collaboration entre Bamako et les mercenaires de Wagner. Berlin dénonce une obstruction volontaire à l’action onusienne par Bamako. À titre d’exemple, depuis le 11 octobre 2022, le recours aux drones Heron a été interdit. Pourtant, « la mission principale de la Bundeswehr au Mali est la reconnaissance [..] [L’interdiction] a évidemment des conséquences sur l’exécution de la mission – qui s’en trouve considérablement réduite », justifie le ministère allemand de la Défense. 
  • De son côté, le gouvernement français a suspendu son aide publique au développement (ADP) fin octobre 2022. La junte malienne a riposté en interdisant l’action de toutes les ONG – dont les organismes humanitaires – financées par le gouvernement français. Très inquiet, le collectif Coordination Sud rappelle que « 7,5 millions de personnes ont besoin d’assistance » au Mali.

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ASIE

L’Inde devient présidente du G20 pour un an 

Jeudi 1er décembre, l’Inde a officiellement succédé à l’Indonésie à la présidence du G20. A cette occasion, son premier Ministre, Narendra Modi, a déclaré que les défis du « changement climatique, du terrorisme et des pandémies peuvent être résolus non pas en se combattant les uns les autres, mais seulement en agissant ensemble » et souligné la nécessité de « dépolitiser l’approvisionnement mondial en nourriture, engrais et produits médicaux, afin que les tensions géopolitiques ne conduisent pas à des crises humanitaires ». Même si le forum souffre actuellement des tensions géopolitiques engendrées – entre autres – par la guerre en Ukraine, New Delhi témoigne de sa volonté de renforcer les coopérations multilatérales à l’aune de ses objectifs nationaux.

  • L’Inde, alliée historique de la Russie, refuse, depuis le début du conflit, de condamner l’invasion en Ukraine. Concernant l’implication de Moscou dans le G20, le Ministère indien des affaires étrangères a déclaré s’attendre à « ce qu’elle participe à ce processus… le groupement doit parler d’une seule voix, en particulier sur les questions importantes qui affectent le monde ». 
  • Pour Narendra Modi, cette présidence ouvre de nombreuses opportunités. Au-delà d’entretenir sa popularité à l’aune des élections de 2024, il compte sur cette année pour accélérer la refonte du système international afin d’y réduire l’influence occidentale. En s’érigeant en porte-parole, voire en protecteur des pays non-alignés, le gouvernement souhaite gagner du poids dans les institutions internationales afin d’obtenir un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, une place dans le Groupe des fournisseurs nucléaires et davantage de droits de vote au FMI. Dans The Indian Way, le ministre des Affaires étrangères Subrahmanyam Jaishankar souligne également qu’en dépit des tensions bilatérales, l’Inde et la Chine disposent d’intérêts communs et que leur alliance permettrait de « créer un monde plus équilibré ».
  • Bien que l’Inde de Modi soit muée par un ressentiment lié à l’époque coloniale, le chef d’État désire avant tout que son pays devienne « une puissance de premier plan » d’ici au centenaire de l’indépendance en 2047 et fonde sa politique étrangère sur la realpolitik. Il compte donc montrer une image positive de l’Inde par des mesures de soft-power et entretenir ses liens avec les puissances occidentales, représentant toujours de « grands débouchés commerciaux », des « sources d’investissement, de technologie et d’innovation ». 

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AFRIQUE DU NORD / MO

Mort du leader de l’État Islamique

Un porte-parole de l’organisation terroriste État Islamique (EI) a déclaré le 30 novembre que Abu al-Hasan al-Hashimi al-Qurashi, son leader, avait été tué “au combat avec les ennemis de Dieu”, sans préciser la date ni les circonstances de sa mort. S’exprimant dans un message audio, le porte-parole de l’EI a déclaré qu’Abu al-Hussein al-Husseini al-Qurashi avait été nommé nouveau calife. Le commandement central de l’armée américaine (CENTCOM) a déclaré que Hashimi avait été tué lors d’une opération menée par les rebelles de l’Armée syrienne libre dans la province de Daraa, dans le sud de la Syrie, à la mi-octobre.

  • Après une ascension fulgurante en Irak et en Syrie en 2014 qui l’a vu conquérir de vastes pans de territoire, l’EI a vu son “califat” autoproclamé s’effondrer sous une vague d’offensives. Vaincu en Irak en 2017 et en Syrie deux ans plus tard, des cellules dormantes de l’EI commettent encore des attentats dans les deux pays.
  • Les membres et les partisans de l’État islamique ont déjà commencé à renouveler leur bay’ah [serment d’allégeance] à Abu al-Hussein. Le vaste réseau mondial de provinces de l’État islamique devrait produire des preuves photographiques de ces renouvellements de serment dans les jours à venir.

Syrie : Suspension des opérations conjointes entre les Forces Démocratiques Syriennes et les États-Unis

Les Forces démocratiques syriennes (FDS), un groupe soutenu par les États-Unis qui a contribué à vaincre les djihadistes de l’État islamique en Syrie, ont déclaré vendredi 2 décembre qu’elles avaient arrêté toutes les opérations conjointes de lutte contre le terrorisme avec les États-Unis et d’autres alliés en raison des bombardements turcs sur leur zone de contrôle. Le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, a déclaré mercredi à son homologue turc que les États-Unis étaient “fermement opposés à une nouvelle opération militaire turque en Syrie”. Austin a également déclaré que les raids turcs avaient directement menacé la sécurité du personnel américain.

  • Le président Recep Tayyip Erdogan a lancé l’opération aérienne “Epée-Griffe” dans le nord-est de la Syrie le 20 novembre en représailles à l’attentat meurtrier d’Istanbul du 13 novembre 2022. Ankara a imputé l’attentat, qui a fait six morts et des dizaines de blessés, au groupe kurde syrien YPG (Unité de protection du peuple kurde), qui a fermement nié toute responsabilité dans cet attentat. L’YPG constitue la principale composante des FDS.
  • Les FDS, soutenues par les États-Unis, ont été le fer de lance de la lutte contre le groupe IS entre 2015, les chassant de zones stratégiques vitales, dont leur capitale de facto Raqqa. Entre 2016 et 2019, la Turquie a mené trois opérations majeures dans le nord de la Syrie contre les milices et organisations kurdes.

Veille rédigée par Simon, Elias, Baptiste, Camille, Pauline, Léana, Raphaëlle et Rose.

Comité de rédaction

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