FRANCE
Sébastien Lecornu clarifie les propos du Président français sur l’envoi de troupes en Ukraine
Vendredi 8 mars, le ministre des Armées a précisé les propos du président français qui avait évoqué le 26 février «ne pas exclure», «par principe» l’envoi de troupes françaises sur le sol ukrainien. Sébastien Lecornu a affirmé que la France n’entendait pas « envoyer de troupes combattantes au sol » sur le terrain ukrainien. Insistant sur le fait que le président Emmanuel Macron n’avait jamais souhaité de « cobelligérance », il a reconnu que la situation n’était plus la même qu’il y a deux ans et que des nouveaux « schémas de présence militaire » étaient envisagés.
- Ceux-ci consisteraient à envoyer des troupes françaises en Ukraine pour des opérations de type « déminage » ou « formation de soldats ukrainiens » directement sur leur sol.
- Une production d’armes directement sur le sol ukrainien à l’aide d’usines françaises et européennes a également été proposée dans l’objectif de « se rapprocher de la ligne de front ». Trois entreprises françaises devraient ainsi créer des partenariats avec des entreprises ukrainiennes. C’est le cas de Nexter, Arquus et Delair, une société toulousaine « devenue une pépite en matière de production de drones ».
Lancement de la stratégie ministérielle sur l’intelligence artificielle
« Orienter, anticiper et accélérer l’utilisation d’une IA de Défense crédible et performante ». Voici l’objectif de la stratégie ministérielle en matière d’intelligence artificielle présentée par le ministre des Armées français ce vendredi 8 mars sur le site de l’Ecole Polytechnique à Palaiseau. « Les Armées doivent prendre le virage de l’intelligence artificielle. C’est pourquoi j’annonce la création d’une nouvelle Agence ministérielle pour l’IA de défense (AMIAD) avant cet été, a déclaré le ministre des Armées sur la place d’armes de la célèbre école d’ingénieur. Elle aura pour mission de permettre à la France de maîtriser souverainement ces technologies pour ne pas dépendre des autres puissances. » Le volet « recherche » de l’agence sera basé sur le site de l’école tandis que le volet « production » sera installé à Bruz (Ille-et-Vilaine) et devrait compter à termes 300 personnes.
- D’après le ministre, « le saut technologique représenté par l’IA révolutionnera sans doute la manière de faire la guerre » d’où la nécessité des Armées de s’adapter à cette réalité.
- Une multitude de projets en lien avec l’IA sont déjà en cours de développement au sein du ministère. Une solution d’analyse automatisée de l’acoustique sous-marine est actuellement en cours de développement dans le but d’assister le travail des « oreilles d’or » de la Marine nationale. Disposer d’un supercalculateur (très grand ordinateur capable de réaliser un très grand nombre d’opérations de calculs ou de traitement de données simultanément) d’ici à 2025 fait aussi partie des priorités du ministère.
- Pour rappel, la loi de finance pour 2024 consacre 130 millions d’euros à l’IA de Défense. Un budget qui sera considérablement augmenté d’ici la fin de la LPM 2024-2030, qui prévoit un total de 2 milliards d’euros dédiés au domaine.
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EUROPE
La Commission Européenne lance sa première stratégie industrielle pour la défense
Le 5 mars 2024, la Commission européenne a présenté sa stratégie industrielle pour la défense censée transformer considérablement le tissu industriel communautaire dans le secteur. Le plan dévoilé par les plusieurs commissaires concernés et par le Haut Représentant aux Affaires Étrangères, Josep Borrell, vise à renforcer les synergies entre les Etats membres dans l‘industrie de la défense, ainsi qu’à jeter les bases d’une politique industrielle de défense commune avec un rôle accru de l’UE dans la prévision technologique à long terme. La première stratégie industrielle pour la défense, s’est vue allouer un fond de 1.5 milliards d’euros en provenance du Programme d’Investissement Européen pour la Défense (EDIP).
- Conçue comme une réponse de l’Union au retour de la “guerre conventionnelle sur le sol européen” et encore plus à la “menace existentielle” représentée par la Russie, la stratégie industrielle de la Commission pour la défense est le produit d’une longue gestation déclenchée par l’invasion de l’Ukraine du 23 février 2022. Celle-ci a de fait exposé, encore une fois, l’incapacité des pays européens à organiser de façon autonome la défense du territoire continental et surtout la dépendance extrêmement problématique à l’égard des Etats-Unis.
- L’un des objectifs principaux du plan en ce sens est celui de mettre les Etats membres dans les conditions de favoriser les contrats avec des fournisseurs européens plutôt que de continuer d’acheter la plupart des armes et des dispositifs qui composent leurs arsenaux chez des entreprises états-uniennes. Actuellement 80% des dépenses des Etats européens dans le secteur, actuellement se dirigent hors du continent, dont notamment plus de 60% envers les Etats-Unis, dont le lobby, y compris institutionnel, afin de préserver le statu quo est très puissant. La Commission vise pour cela d’atteindre le résultat de 50% de ces dépenses destinés à des compagnies locales d’ici 2030, jusqu’à plus de 60% en 2035.
- Afin d’atteindre cet objectif, une condition essentielle est cependant celle de stimuler la production européenne, en difficulté face aux nécessités des Etats membres, renversant la tendance de sous-investissement dans la défense ayant marqué les dernières décennies européennes. Après ASAP et Edirpa, respectivement un programme de soutien à la production de munitions et d’acquisitions conjointes d’armements, la Commission souhaite lancer au plus vite FAST – le projet d’accélération de transformation de la chaîne productive de l’industrie de la défense.
- En plus de cela, la stratégie prévoit également, entre autres des fonds consacrés à la promotion des achats conjoints et à la constitution de stocks, tout comme à la création de lignes de productions exploitables, à la réorientation des commandes et à l’établissement de listes d’achats disponibles à l’achat.
- L’ambition de Bruxelles et la créativité des dispositifs proposés se heurtent cependant à un budget extrêmement exigu par rapport aux objectifs énoncés. Le recours à d’autres moyens de financement supplémentaires, en particulier aux fonds de cohésion ou à un système d’emprunt individuel financé par une dette commune, voire aux fonds russes congelés dans les banques européennes, font l’objet de contentieux entre les gouvernements nationaux.
- Cette stratégie visant à faciliter la construction d’une politique industrielle commune dans le domaine de la défense à long terme, menace également raviver les conflits inter-communautaires autour de la distribution des compétences, d’autant plus que celle-ci doit encore être approuvée par le Parlement et le Conseil européens. Ce qui pourrait être particulièrement problématique étant donné le chevauchement avec l’OTAN, qui a récemment dévoilé son plan de production industrielle, si les États les plus attachés à l’Organisation du Traité parvenaient à voir une logique compétitive, au lieu de complémentaire, entre les deux stratégies.
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AMÉRIQUES
En Haïti, l’état d’urgence proclamé en réponse à l’explosion de la violence des gangs
Le dimanche 3 mars, le gouvernement haïtien a annoncé l’instauration de l’état d’urgence et d’un couvre-feu sur une large partie du territoire national couvrant notamment la capitale. Ces mesures constituent une réponse à la vague inédite de violences organisées par des groupes criminels depuis le 29 février. Les gangs, rassemblés au sein de la coalition Viv ansanm (Vivre ensemble), ont notamment agi après l’appel de l’un de leurs chefs les plus influents, Jimmy Chérizier, à renverser le Premier Ministre Ariel Henry. De nombreux assauts ont alors été menés, notamment contre la prison de Croix-des-Bouquets et le pénitencier national de Port-au-Prince, conduisant à la libération de plusieurs milliers de détenus. Le chef du gouvernement haïtien, qui signait vendredi 1er mars un accord au Kenya prévoyant l’envoi de mille policiers sur le sol de son pays, est quant à lui actuellement bloqué à Porto Rico.
- Malgré les mesures des autorités publiques, le calme n’est aujourd’hui toujours pas revenu en Haïti. Les gangs ont ainsi multiplié les attaques visant des sites stratégiques, telle que l’académie de police de Port-au-Prince. Devant la persistance des violences, l’état d’urgence a été prolongé jeudi 7 mars pour un mois, tout comme le couvre-feu jusqu’au lundi 11 mars.
- La situation actuelle a été décrite comme “insoutenable” pour la population locale par le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk. Ce dernier a indiqué que 1 193 personnes en Haïti avaient perdu la vie à cause des groupes criminels depuis le début de l’année 2024.
- L’île est plongée dans une profonde crise humanitaire et sécuritaire, tandis que le gouvernement maintient le pays dans une impasse politique absolue. Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021, Haïti n’a élu ni successeur à ce dernier, ni Parlement. Le Premier ministre Ariel Henry, qui repousse sans cesse l’organisation de nouveaux suffrages, aurait lui dû quitter ses fonctions en février dernier.
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RUSSIE/NEI
L’Arménie et la France débutent leur coopération militaire
Le ministre des Armées Sébastien Lecornu s’est rendu en Arménie le 23 février afin de matérialiser le début de la coopération militaire entre les deux pays. Le ministre a pu rencontrer un détachement de chasseurs alpins qui dispensent des premières formations à leurs homologues arméniens. Outre les formations, la France a pu livrer des jumelles de visions nocturnes à l’Arménie. Un contrat pour l’acquisition de fusils de précision et l’envoi d’officiers arméniens à l’Académie militaire de Saint-Cyr a par ailleurs été signé. Le même jour, le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a annoncé le gel de sa participation à l’Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC), une alliance militaire qui regroupe la Russie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan et le Tadjikistan.
- La France a récemment ouvert une mission de défense à Erevan, pour piloter la coopération militaire bilatérale. Elle avait déjà livré 24 blindés Bastion à l’Arménie en décembre 2023 et devrait livrer un radar GM200 de Thales d’ici la fin de l’année.
- L’Arménie tente de diversifier ses partenariats après s’être exclusivement tourné vers la Russie, qui dispose d’une base dans le pays. La reprise complète du Haut-Karabakh par l’Azerbaïdjan en novembre 2023 sans que les forces russes n’interviennent a conduit Erevan à se rapprocher de Paris mais aussi de New Delhi et à suspendre sa participation à l’OTSC.
La Moldavie signe un accord de défense avec la France alors que la Transnistrie demande la protection de la Russie
Le 7 mars, la présidente de Moldavie Maia Sandu, en visite à Paris, a signé avec Emmanuel Macron un accord de coopération de défense liant les deux pays, en remplacement de celui datant de 1998. Cet accord prévoit notamment l’envoi d’un attaché de défense à Chisinau. Par ailleurs, les autorités séparatistes pro-russes de Transnistrie ont demandé le 28 février la protection de la Russie face à la Moldavie.
- La Transnistrie est une région sécessionniste qui a déclaré son indépendance de la Moldavie en 1991 au moment de la dislocation de l’Union soviétique, dont la Moldavie était membre. A l’époque, l’armée russe était intervenue face aux troupes moldaves pour protéger l’indépendance de la Transnistrie. Aujourd’hui, près de 1500 soldats russes stationnent toujours dans cette étroite bande de terre qui longe la frontière ukraino-moldave faisant peser un risque sécuritaire tant pour la Moldavie que pour l’Ukraine.
- Outre la Transnistrie, la Gagaouzie, peuplée d’une minorité turcophone, est également une région aux velléités sécessionnistes et traversée d’un fort sentiment pro-russe.
- La Moldavie continue d’abriter de forts mouvements pro-russes au sein de sa population et de la classe dirigeante, notamment à travers le Parti socialiste moldave dirigé par Igor Dudon, ancien président de 2016 à 2020.
- La Moldavie a obtenu le statut de pays candidat à l’Union européenne en juin 2023.
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AFRIQUE
Les Casques bleus évacuent leur première base en RDC
Mercredi 28 février, la Monusco (Mission de l’ONU pour la stabilisation en République démocratique du Congo) a quitté la base de Kamanyola, dans la région du Sud-Kivu. Premier départ d’un plan de retrait massif, les 15 000 Casques bleus présents en RDC depuis 1999 devraient quitter leur poste avant la fin de l’année. Ce retrait, exigé par Kinshasa arguant une inefficacité des Casques bleus, a été acté en décembre 2023 par le Conseil de sécurité de l’ONU. Les deux partis souhaitent faire montre d’une organisation exemplaire, prévoyant un départ par étapes d’abord des militaires de la Monusco puis de sa composante civile, en premier lieu des bases du Sud-Kivu, puis de celles du Nord-Kivu et de l’Ituri.
- L’est de la RDC, et en particulier les trois régions évacuées par la Monusco, est toujours en proie à la violence. Des combats impliquant l’armée régulière congolaise et des milices font rage, avec pour enjeu principal le contrôle des ressources naturelles, surtout des minerais.
- Les conséquences pour les civils, souvent passées sous silence, sont cependant importantes : la Monusco estime le nombre de déplacés en RDC à 7 millions, dont 5,5 à l’est du pays.
- Kinshasa accuse régulièrement le Rwanda de s’impliquer dans le conflit en soutenant le M23, une importante milice contestant l’autorité étatique à l’est de la RDC. Kigali mobilise pour cela la composante ethnique, le M23 se revendiquant comme une milice tutsie.
- Les autorités congolaises parient sur le renforcement de leur armée régulière pour rétablir la sécurité de la région, mais tentent également de s’allier à des milices pour les retourner contre le M23.
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ASIE
La Chine dévoile son nouveau budget de défense, en hausse de 7,2%
La Chine a annoncé mardi 5 mars une augmentation de 7,2 % de son budget de défense, qui est déjà le deuxième au monde derrière celui des États-Unis, avec 1,6 trillion de yuans (222 milliards de dollars). Cette augmentation intervient un an après une augmentation d’ampleur similaire. L’augmentation des tensions en Mer de Chine méridionale et la rivalité croissante avec Washington, pousse Pékin à investir fortement dans des technologies militaires de pointe (chasseurs furtifs de dernières générations et porte-avions notamment) ainsi qu’à renforcer son arsenal nucléaire.
- Le chiffre officiel du budget annoncé mardi à l’ouverture de la réunion annuelle de la législature n’est considéré que comme une fraction des dépenses de l’Armée populaire de libération, l’aile militaire du Parti communiste au pouvoir, une fois prises en compte les dépenses de recherche et de développement et les achats d’armes à l’étranger.
- “Nous fournirons des garanties financières plus solides pour les efforts de modernisation de notre défense nationale et de nos forces armées sur tous les fronts, et nous consoliderons et améliorerons les stratégies nationales intégrées et les capacités stratégiques”, a déclaré le premier ministre Li Qiang à l’assemblée de près de 3 000 membres du Parti Communiste Chinois.
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AFRIQUE DU NORD/MO
Une centaine de Palestiniens tués lors d’une distribution d’aide alimentaire dans la ville de Gaza
Le 29 février, 118 Gazaouis ont été tués et 760 autres blessés alors qu’ils attendaient un convoi humanitaire, selon les chiffres du ministère de la santé contrôlé par le Hamas. L’arrivée d’une trentaine de camions affrétés sans dialogue avec l’ONU a provoqué une ruée de milliers de Palestiniens, tandis que des soldats israéliens étaient présents afin de « sécuriser un couloir humanitaire ». Ils auraient ensuite ouvert le feu pendant une heure, selon plusieurs témoignages. Si l’armée israélienne reconnaît les tirs, elle affirme que la majorité des victimes seraient mortes piétinées dans la bousculade ou écrasées par les camions.
- A la suite de ce « massacre de la farine », nom attribué par la presse arabophone , les réactions se sont multipliées. Le président Macron a exprimé sa « profonde indignation », le chef de la diplomatie européenne a dénoncé des morts « totalement inacceptables », tandis que le président américain Joe Biden a « exigé des réponses » de la part d’Israël.
- Ce drame intervient alors qu’une quinzaine d’États ont bloqué leur aide financière à l’UNRWA, l’agence onusienne dédiée aux réfugiés palestiniens, après les accusations d’Israël en janvier dernier sur ses liens présumés avec le Hamas. Depuis, l’UE a annoncé débloquer prochainement 50 millions d’euros d’aides, tout comme le Canada et la Suède qui ont annoncé reprendre leurs financements.
- Selon l’ONU, 50% de camions de moins ont pu rentrer dans la bande la Gaza en février par rapport au mois de janvier, alors que 2,2 millions de Palestiniens sont menacés par la famine. Face à l’ampleur de la catastrophe humanitaire, Joe Biden a affirmé souhaiter mettre en place un « ponton temporaire » pour acheminer une partie de l’aide humanitaire par voie maritime depuis Chypre.