Veille stratégique – Septembre 2022 (2/2)

FRANCE

Approfondissement des relations militaires avec Djibouti

Afin de préparer le renouvellement du traité de coopération en matière de défense (TCMD) entre les deux pays, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, s’est rendu le 15 septembre dernier à Djibouti pour rencontrer le président Ismaïl Omar Guelleh. Leur entretien a été l’occasion de rappeler la relation stratégique et historique entre les deux pays. Ce prochain accord en cours de négociation a pour dessein de renforcer la capacité des deux partenaires à mener des missions conjointes de dissuasion et de redéfinir les modes opératoires d’actions de leurs armées afin de répondre au mieux au défis sécuritaires propres à cette région.

  • En juillet dernier, Emmanuel Macron souhaitait « repenser d’ici à l’automne prochain l’ensemble de nos dispositifs sur le continent africain ». Au-delà de leur présence au Sahel, au titre de la lutte contre les groupes armés terroristes (GAT), les forces françaises disposent de plusieurs bases et points d’appui en Afrique, notamment au Gabon, en Côte d’Ivoire, au Sénégal et à Djibouti. Malgré cette déclaration et l’arrivée à terme de l’accord de défense liant la France et Djibouti en 2024, le dispositif militaire français dans cette zone ne devrait pas changer.
  • Si le nombre de Forces Françaises stationnées à Djibouti (FFDj) n’a cessé de décroître jusqu’en 2017, le général François Lecoîntre, ancien chef d’état-major des armées, avait déclaré lors d’une audition au Sénat le 15 novembre 2017 son opposition quant à l’éventualité de « lâcher un pouce de terrain à Djibouti ». Actuellement, les FFDj constituent le contingent le plus important de forces de présence françaises en Afrique et l’une des deux bases opérationnelles avancées sur ce continent. Le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 définit la région comme l’une des priorités stratégiques de la France.

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EUROPE 

Suisse : Signature du contrat d’armement avec Lockheed-Martin, l’initiative populaire définitivement enterrée

SPDS l’évoquait déjà dans sa veille de rentrée : l’achat de 36 chasseurs-bombardiers F-35A lancée en 2021 par l’Etat helvète avait été mis en cause au mois d’août par l’aboutissement d’une initiative populaire portée par le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA). Mais cette initiative n’a pas porté ses fruits : le Conseil National a donné son feu vert à la signature (128 voix pour, 67 voix contre) le jeudi 15 septembre, après la remise d’un rapport de sa commission de gestion confirmant la validité juridique du processus d’établissement du contrat. Le directeur général de l’armement Martin Sonderegger et le chef de projet Darko Savic ont finalement signé le contrat avec le gouvernement américain le lundi 19 septembre chez Armasuisse à Berne.

  • Si l’initiative portée par la gauche suisse avait bien réuni les 100 000 signatures nécessaires à l’organisation d’une votation populaire, cette dernière ne pouvant raisonnablement être organisée avant le 31 mars 2023 (date d’expiration de la proposition de Lockheed-Martin). Le Conseil fédéral a  justifié son choix de poursuivre le processus de signature du contrat sur le fait que “les initiatives populaires fédérales n’ont pas d’effet juridique anticipé” et que les “les contrats d’acquisition doivent être signés après l’adoption des crédits d’engagement par le Parlement”.

Allemagne : le chancelier Scholz confirme son souhait de faire de la Bundeswehr la “plus grande armée conventionnelle en Europe”

Lors du Congrès de la Bundeswehr le 16 septembre, le chancelier fédéral d’Allemagne Olaf Scholz a exposé sa vision pour l’avenir de l’armée allemande. Ayant déjà déclaré lors du sommet de l’OTAN en juin dernier son ambition de faire de la Bundeswehr la “plus grande armée conventionnelle en Europe”, le chancelier a mis l’accent sur l’ampleur nouvelle de la menace russe pour justifier la nécessité pour l’Allemagne de se constituer en pilier de la défense européenne : “En tant que nation la plus peuplée, dotée de la plus grande puissance économique et située au centre du continent, notre armée doit devenir la pierre angulaire de la défense conventionnelle en Europe, la force armée la mieux équipée d’Europe. […] Pour nous, cela signifie que nous devons nous préparer à ce que la Russie de Poutine se définisse, dans un avenir prévisible, en opposition à nous, à l’OTAN et à l’Union européenne”.

  • Enfin, la question du renouvellement des équipements de l’armée allemande, essentielle dans la mise en œuvre de l’objectif visé par Scholz, pose une nouvelle fois la question des projets européens d’armement du futur (voir veille de septembre 1/2).
  • Au-delà des déclarations de principe, le gouvernement allemand a voté un fonds spécial de 100 milliards d’euros destiné à financer le renforcement capacitaire  de la Bundeswehr. Le chancelier a en effet déploré les erreurs du passé ayant amené à considérer que l’Allemagne était “entourée d’amis” et que son armée pouvait sans conséquences disperser ses ressources sur des missions annexes (“forer des puits, sécuriser l’aide humanitaire, endiguer les inondations, aider à la vaccination en temps de pandémie”) sans se soucier de ses lacunes capacitaires.
  • En complément du fonds spécial, Olaf Scholz a également confirmé son annonce d’une augmentation continue du budget de la défense vers un objectif de 2% du PIB, en déclarant que celui-ci pouvait et devait être pris en compte par les hauts responsables militaires dans leurs planifications.

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AMÉRIQUES 

Les Etats-Unis affirment être prêts à défendre Taïwan en cas d’attaque de la Chine

Dans une émission diffusée dimanche 18 septembre, le président américain Joe Biden a annoncé que les Etats-Unis défendraient Taïwan si « une attaque sans précédent venait à se produire ». Bien que le porte-parole de la Maison Blanche ait affirmé le lendemain que la politique américaine n’avait « pas changé », la Chine a rapidement dénoncé une « grave violation » des engagements américains dans la région. Au contraire, le ministère des Affaires étrangères taïwanais a exprimé sa « sincère gratitude » et a affirmé que « le gouvernement continuera[it] à renforcer ses capacités d’autodéfense ».

  • L’affirmation du président américain confirme le rapprochement amorcé entre Taïpei et Washington, qui s’est notamment matérialisé par la vente de 1,1 milliard de dollars d’armes pour Taïwan le 2 septembre dernier ainsi que la discussion au Congrès américain d’une aide directe pour l’île.
  • Cette affirmation tranche avec « l’ambiguïté stratégique » cultivée jusqu’ici par les Etats-Unis, qui s’étaient abstenus de s’exprimer officiellement sur la possibilité d’une intervention à Taïwan en cas d’invasion de la Chine. De plus, les Etats-Unis ne reconnaissent officiellement qu’un seul gouvernement chinois, à Pékin.

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RUSSIE/NEI

L’Ukraine poursuit sa reconquête sur un rythme plus modéré

Mercredi 14 septembre, le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’est rendu à Kharkiv pour y annoncer que la région avait été reconquise dans sa quasi-totalité. Depuis, plusieurs territoires autour de Koupiansk et Izioum ont été récupérés sur le front Est jusqu’à la ville de Lyman, un nœud ferroviaire stratégique partiellement reconquis au 23 septembre. Sur le front de Kherson, l’avancée progresse plus lentement en raison de la destruction du barrage de Karatchoun par l’armée russe, inondant les terres aux alentours. De leur côté, les médias russes éludent le recul de l’armée russe en insistant sur les pertes ukrainiennes.

  • La défaillance de la défense antiaérienne russe a été pointée du doigt depuis le début de la contre-offensive. En effet, l’armée russe dispose de systèmes S-300 et S-400, figurants parmi les meilleurs arsenaux de lutte contre les attaques aériennes. Il s’agit de batteries de missiles sol-air multicouches capables de tirer à 300km de distance et à très haute altitude, et de suivre plusieurs dizaines de cibles simultanées.

 

 

 

 

Situation sur l’ensemble du territoire et focus sur le front est au 25 septembre 2022, cartes réalisées par War Mapper (@War_Mapper)

Russie : Escalade militaire à travers des référendums dans les oblasts occupés et la mobilisation « partielle »

Mardi 20 septembre, les autorités séparatistes pro-russes de Kherson, Zaporijia, Louhansk et Donetsk ont annoncé la tenue en urgence de référendums d’annexion du 23 au 27 septembre. Le lendemain, mercredi 21 septembre, le président russe Vladimir Poutine a annoncé à la télévision nationale la mobilisation « partielle » dans le pays, avec pour objectif de recruter 300 000 réservistes. La tenue accélérée des référendums et la signature de l’oukase sur la mobilisation « partielle » ont déclenché de vives réactions au sein du pays et à l’étranger. De nombreux Russes ont manifesté leur mécontentement menant à environ 1300 arrestations dans 37 villes tandis que d’autres se sont empressés de quitter le pays pour échapper à la mobilisation. A l’étranger, les puissances occidentales ont vivement critiqué cette escalade militaire à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU et les référendums ont été jugés illégitimes. Kiev a de son côté promis une réponse militaire à ces référendums.

  • En Russie, tout homme ayant effectué son service militaire est considéré comme réserviste. L’âge limite pour être rappelé à prendre les armes varie entre 35 et 70 ans selon le grade et la qualification militaire. Il y a donc un total d’environ 25 millions de personnes concernées par cette mesure de mobilisation « partielle ». Néanmoins, seuls 200 000 d’entre eux ont suivi une formation militaire depuis la fin de leur service et seulement 5 000 sont considérés comme aptes au service selon Dimitri Minic, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI).
  • Le président de la commission de la Défense de la douma Andreï Kartapolov a cherché à rassurer la population en rappelant que les réservistes auraient pour mission de protéger la frontière et de renforcer le soutien logistique. Pourtant, si les référendums sont approuvés, les oblasts seront considérés comme des terres russes à protéger au même titre que les autres.
  • Cette escalade militaire s’inscrit dans un contexte de repli défensif russe depuis la contre-offensive ukrainienne du 29 août. La Russie souffre particulièrement de difficultés à fournir du matériel et des armes opérationnels à ses troupes en raison des sanctions internationales, notamment sur les semi-conducteurs. Vladimir Poutine peut néanmoins compter sur le soutien chinois : le président Xi Jinping a indiqué lors de sa visite à Samarcande (Ouzbékistan) le 15 septembre être « disposé à travailler avec la Russie ». Néanmoins, depuis l’annonce de la mobilisation « partielle » la Chine adopte une posture plus modérée et prône la désescalade à travers un cessez-le-feu.

La Russie accusée de crimes de guerre par la commission d’enquête de l’ONU

Le vendredi 23 septembre, le président de la commission d’enquête de l’ONU, Erik Mose, a affirmé que, selon les preuves collectées, la Russie avait commis de nombreux crimes de guerre en Ukraine depuis le début du conflit. Parmi les exactions citées, on retrouve des bombardements sur des zones civiles, des exécutions arbitraires et des tortures sur les civils et les prisonniers de guerre, ou encore des violences sexuelles perpétrées par les forces russes.

  • Cette annonce fait suite aux évènements de la semaine passée. Jeudi 15 septembre, Volydmyr Zelensky a annoncé la découverte d’un cimetière d’environ 445 tombes dans une forêt près d’Izioum. Selon le gouverneur régional Oleg Synegoubov, la plupart de ces corps seraient ceux de civils tués lors de bombardements ou torturés par les forces russes durant leur occupation de la ville. Une dizaine de salles de torture ont d’ailleurs été découvertes dans la région d’Izioum et Balakliïa.
  • L’armée russe aurait en outre visé de nombreuses infrastructures civiles entre le 11 et 14 septembre, comme quatre centrales électriques et le barrage de Karatchoun visés par des missiles de longue portée (Kh-101 notamment). Par conséquent, plusieurs régions ont été privées d’électricité et d’eau, et les capacités de production d’électricité sont désormais insuffisantes pour chauffer les ménages ukrainiens durant l’hiver.

Reprise des affrontements à la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan 

Dans la nuit du lundi 12 au mardi 13 septembre, d’importants affrontements ont éclaté à la frontière orientale entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Les autorités arméniennes  accusent Bakou d’avoir attaqué plusieurs villes sur le territoire arménien et d’avoir ciblé des infrastructures civiles, causant de nombreuses victimes et provoquant le déplacement forcé de plus de 7600 personnes. Malgré l’annonce par la Russie d’une trêve le mardi matin, les combats se sont poursuivis jusqu’au mercredi soir, chacun des deux camps se rejetant la responsabilité des hostilités. A l’issue de ces deux jours de combats, les plus meurtriers depuis le conflit de 2020 dans le Haut Karabakh, les autorités des deux camps ont fait état de près de 300 morts dont plus de 200 côté albanais. 

Après une semaine sans heurt majeur, le ministère arménien de la Défense a annoncé vendredi 23 septembre que « des unités des forces armées azerbaïdjanaises avaient à nouveau violé le régime de cessez-le-feu en tirant contre des positions de combat arméniennes » sans causer de victime, tandis que Bakou accuse l’Arménie d’être à l’origine de la reprise des tirs. De son côté, l’Ambassade américaine en Arménie a appelé l’Azerbaïdjan à ramener ses troupes à leurs positions d’origine.

  • Devant l’Assemblée générale de l’ONU réuni à la demande de l’Arménie jeudi 22 septembre, le premier ministre arménien Nikol Pachinian a accusé l’Azerbaïdjan de s’être rendu coupable « d’atrocités innombrables » affirmant avoir « des preuves de cas de torture, de mutilations de soldats capturés ou déjà morts, d’assassinats extrajudiciaires et de mauvais traitements de prisonniers de guerre ». Parmi les membres du Conseil de Sécurité, les États-Unis et la France ont qualifié la manœuvre de Bakou d’attaque à l’intérieur des frontières de l’Arménie tandis que les autres participants ont exhorté les belligérants à mettre fin à leurs hostilités sans désigner de coupable. 
  • Anciens membres du bloc soviétique, les deux pays qui partagent près de mille kilomètres de frontière s’opposent depuis la chute de l’URSS à propos du Haut-Karabakh, région à majorité arménienne ayant déclaré son indépendance vis-à-vis de Bakou en 1991.
  • En 2020, la tension avait de nouveau atteint des sommets lors de la « guerre de 44 jours » durant laquelle Bakou avait occupé le Haut-Karabakh et tué des milliers de soldats arméniens. La tension n’est jamais réellement redescendue depuis. Soutenue par la Turquie, la République d’Azerbaïdjan a pénétré le territoire arménien en mai 2021 et s’y trouve toujours. Bakou cherche depuis à obtenir de nouvelles concessions de la part d’Erevan et à occuper une plus grande partie des territoires arméniens, notamment « le corridor de Zangezur », une route qui relierait l’Azerbaïdjan à son enclave du Nakhitchevan à travers l’Arménie.
  • Cette nouvelle escalade a lieu dans un contexte favorable à Bakou. En effet, le conflit en Ukraine a modifié l’équilibre des forces dans la région et la Russie, alliée de l’Arménie et qui se place en arbitre dans le conflit, peut difficilement jouer ce rôle actuellement. La force de maintien de la paix dans la région mise en place par Moscou après le conflit en 2020 dans le Haut-Karabakh est à présent mobilisée à d’autres fins et l’Arménie qui est membre de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), une organisation politico-militaire sous l’égide de la Russie, a demandé à Moscou une aide militaire à laquelle elle n’a pas pu répondre.

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AFRIQUE

Conflit éthiopien : espoirs de paix déchus sur fond d’accusations internationales 

Vendredi 23 septembre, un responsable de l’hôpital Ayder de Mekele au Tigré (Nord de l’Ethiopie) a annoncé qu’un homme était décédé des suites de l’attaque d’un drône. Ce serait la 17ème personne à avoir succombé des suites de frappes aériennes. Pourtant, l’AFP ne peut confirmer ces affirmations car les journalistes ne peuvent accéder au Tigré et le gouvernement assure ne viser que des cibles militaires. Le 14 septembre dernier, les représentants des groupes rebelles ont affirmé être prêts à la conduite de pourparlers sous l’égide de l’Union africaine.

  • Ce conflit entre le Front de libération du peuple du Tigré et l’armée éthiopienne, a repris depuis un mois après cinq mois de trêve. La reprise des combats et les potentielles frappes aériennes ont lieu alors que le gouvernement éthiopien accuse les groupes rebelles de mettre en scène la mort de civils et que trois experts indépendants de l’ONU ont publié lundi 19 septembre un rapport accusant le gouvernement fédéral et ses alliés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Ce rapport à charge dénonce l’utilisation de la famine comme arme de guerre par le gouvernement éthiopien et s’inquiète du motif ethniques des violences.
  • Les affrontements se sont notamment intensifiés du fait de la participation et du soutien armé de l’Erythrée à l’Ethiopie, à leur frontière commune au Nord du pays. C’est l’émissaire américain pour la corne de l’Afrique, Mike Hammer, qui a critiqué cette présence déstabilisatrice. 
  • Déclenché en novembre 2020 lorsque le gouvernement éthiopien a attaqué les groupes rebelles soupçonnés d’avoir visé ses bases militaires, le conflit a causé le déplacement et la famine de millions de réfugiés : ce sont environ 6 millions de personnes qui ont été privées de l’accès à des services de base pendant plus d’un an, et environ 90% de la population de la région du Tigré dont le besoin d’assistance humanitaire est urgent.

Enjeux africains au coeur des rencontres diplomatiques internationales

Les deux dernières semaines du mois de septembre ont été marquées par de nombreux évènements diplomatiques couvrant la quasi-entièreté du contexte sécuritaire africain. Le 21 septembre, Emmanuel Macron, le président de la République démocratique du Congo (RDC) Félix Tshisekedi et le président du Rwanda Paul Kagame se sont réunis en marge de l’assemblée onusienne pour affirmer leur volonté d’agir de concert contre les violences dans l’est de la RDC. Félix Tshisekedi avait accusé le gouvernement rwandais “d’agression militaire directe” la veille, à la tribune onusienne. Le 22 septembre, ce sont les ministres de la Défense et les chefs d’état-major des pays du G5 Sahel qui se sont réunis à Niamey. Enfin, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) s’est réunie en session extraordinaire le même jour à New York parallèlement à l’assemblée générale de l’ONU. Ces différentes réunions étaient l’occasion pour les chefs d’États du continent africain de se concerter et de mettre un certain nombre de problématiques et d’enjeux, propres ou collectifs, sur le devant de la scène internationale. 

  • La 77e session de l’Assemblée générale des Nations Unies au siège de l’organisation des nations unies (ONU) à New York a eu lieu du 13 au 26 septembre 2022. Le débat général de l’assemblée s’est déroulé du 20 au 26 septembre.
  • A l’ONU le mardi 20 septembre, l’ambassadeur de l’Ethiopie auprès de l’ONU a rejeté le rapport évoqué plus haut, accablant Addis Abeba. Ce rapport aux “motivations politiques” ne comporterait aucune preuve tangible et ses conclusions seraient “contradictoires et partiales”. Le président kényan William Ruto a choisi d’interpeller sur les conséquences de la crise climatique tandis que le président zambien Hakainde Hichilema a alerté des effets de l’hyperinflation dûs à la guerre en Ukraine. 
  •  Concernant le Mali, le secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres a appelé à des “solutions nouvelles” le jeudi 22 septembre. Le constat est à la dégradation de la sécurité dans le nord-est du pays, l’Etat islamique au Grand Sahara étant souverain sur de larges territoires. L’Allemagne a d’ailleurs été forcée de suspendre ses opérations au Mali du fait d’un non-renouvellement de l’autorisation de survol du territoire malien, selon un porte-parole de la Bundeswehr. Ainsi, depuis  la suspension du pays de la CEDEAO depuis mai 2021, le Mali poursuit son isolement sur le plan diplomatique.
  • Le G5 Sahel s’est réuni pour réfléchir à une “nouvelle stratégie” contre les djihadistes. Cette réunion s’est déroulée tandis que des centaines de djihadistes de Boko Haram ont fui le nord-est du Nigeria pour le Niger, poussés par des bombardements de l’armée et d’importantes inondations.
  •  La CEDEAO a décidé de prendre des “sanctions graduelles” pour porter atteinte à la junte militaire qui dirige la Guinée. Les militaires refusent le retour rapide des civils au pouvoir après le putsch qu’ils ont mené. La junte guinéenne avait violemment dénigré cette réunion de l’organisation se tenant loin du sol africain en critiquant le président en exercice de la CEDEAO, le Bissau-Guinéen Umaro Sissoco Embalo qui avait averti de potentielles lourdes sanctions.

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ASIE

La Chine s’affiche en leader de l’Organisation de coopération de Shanghai

L’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) s’est réunie à Samarcande, en Ouzbékistan les 15 et 16 septembre. Le président chinois Xi Jinping s’est rendu en personne à cet évènement et a notamment échangé avec les présidents russe, turc et iranien, Vladimir Poutine, Recep Tayyip Erdogan et Ebrahim Raïssi. A l’issue de ce 22ème sommet, les Etats membres ont adopté la déclaration de Samarcande qui rejette l’utilisation des logiques de blocs pour résoudre les problèmes internationaux ou régionaux. La mise en place d’un ordre international basé sur le respect mutuel, l’équité, la justice ainsi que l’instauration d’une coopération gagnant-gagnant ont également été mis en avant. Plus précisément, Pékin entend limiter les « interférences » internationales dans les affaires intérieures des pays membres et renforcer la coopération en matière de sécurité.

  • Ce sommet était l’occasion pour les présidents Xi Jinping et Vladimir Poutine de faire part  de leur intention d’approfondir leur coopération stratégique. Moscou et Pékin cherchent également à renforcer leur partenariat pour « jouer un rôle pionnier dans la stabilité mondiale ». Sur la guerre en Ukraine, la Chine a toutefois maintenu sa position de neutralité et d’apaisement.
  • Fondée en 2001 par la Chine, la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan, l’OCS regroupe à présent près de la moitié de la population mondiale. L’Inde et le Pakistan y ont fait leur entrée en 2017 et l’Iran a officiellement intégré l’organisation lors de ce sommet tandis que la procédure d’adhésion de la Biélorussie a été lancée. Organisation régionale initialement fondée pour assurer la stabilité et la sécurité de la région centre-asiatique, l’OCS est aujourd’hui une tribune d’opposition aux politiques conduites par l’Occident et à la présence américaine en Asie.  

Corée du Nord : publication d’une nouvelle doctrine nucléaire

Le 8 septembre, le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a annoncé une nouvelle loi affirmant que le statut de puissance nucléaire de la Corée du Nord était « irréversible ».Cette loi autorise également des frappes nucléaires préventives en cas « d’attaque, nucléaire ou non, par des forces hostiles ». Cette nouvelle doctrine nucléaire identifie cinq scénarios qui justifieraient une attaque préventive, par exemple si la direction et l’organe de commandement national de la force nucléaire est menacée ou attaquée, si une attaque militaire létale est menée à l’encontre de cibles stratégiques importantes de l’Etat ou si l’existence de l’Etat et la sécurité des personnes est menacée suite à une crise importante. Devant l’Assemblée populaire suprême, Kim Jong-un a précisé, sans ambiguïté, que Pyongyang ne renoncerait pas à l’arme nucléaire et qu’aucune négociation sur le sujet ne serait acceptée. 

  • Les dispositions présentées complexifient l’analyse des risques pour les adversaires afin de réduire leur marge de manœuvre. La France a ainsi condamné cette action qualifiée de « menace pour la paix et la sécurité internationale et régionale ». De leur côté, à l’issue du dialogue bilatéral sur la dissuasion élargie, les Etats-Unis et la Corée du Sud ont exprimé leur « grave préoccupation » et ont indiqué leur engagement à employer « tous les leviers disponibles » pour contrer les menaces nord-coréennes, dont les outils diplomatiques, militaires et économiques.
  • Bien que la Corée du Nord soit visée par des sanctions internationales, un rapport publié le 7 septembre par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) affirmait que les activités nucléaires nord-coréennes restaient préoccupantes. Entre autres, la réouverture du site d’essais nucléaires de Punggye-ri, l’augmentation des capacités d’enrichissement de matières fissiles et l’exploitation d’un réacteur d’une capacité de cinq mégawatts ont été dénoncées.

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AFRIQUE DU NORD / MOYEN-ORIENT

Iran : Mutilation d’un nouvel accord nucléaire iranien

Samedi 10 septembre 2022, en réponse à un nouvel ajournement iranien de l’actuel projet Plan d’action global commun (PAGC) visant à restreindre l’activité nucléaire à sa dimension civile, l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni alertent conjointement de la menace représentée par la « poursuite de l’escalade nucléaire de l’Iran ». Plus précisément, les trois porte-paroles européens des ministères des Affaires étrangères expliquent avoir atteint les « limites de [leur] flexibilité » au regard de la dissimulation volontaire de manœuvres nucléaires par Téhéran ainsi que des exigences iraniennes de desserrer le carcan juridique instauré par le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Les gouvernements européens ont alors averti d’un potentiel renforcement des sanctions contre la République islamique au détriment d’une coopération nucléaire internationale. Mercredi 22 septembre, le président iranien Ebrahim Raïssi a répondu devant l’Assemblée générale de l’ONU que « la République islamique d’Iran ne cherche pas à construire ou à obtenir des armes nucléaires ».

  • Cette progressive impatience diplomatique occidentale s’inscrit dans le contexte d’un renforcement considérable et illégal de l’arsenal nucléaire iranien. Plus précisément, le dernier rapport trimestriel de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) mentionne la présence d’un stock d’uranium enrichi dépassant la capacité légale de plus de 19 fois – quantité légale décrétée par le précédent PAGC de 2015. Concomitamment, Téhéran dispose d’une réserve inquiétante d’uranium enrichi à 60% – à titre informatif les armes nucléaires nécessitent de l’uranium enrichi à 90%. C’est pourquoi, l’AIEA explique « ne pas être en position de garantir que le programme nucléaire iranien est exclusivement pacifique ».
  • La question du nucléaire iranien s’ancre également dans un contexte géopolitique global caractérisé par les dangers imminents de la prolifération nucléaire et une grande instabilité diplomatique. A la suite du retrait de l’ancien président états-unien Donald Trump de l’Accord de Vienne concernant le nucléaire en Iran en mai 2018, l’Union européenne a entrepris de rouvrir les pourparlers internationaux en avril 2021 en vue d’un renouvellement du PAGC. Plus récemment, l’actuel secrétaire d’État des États-Unis Antony Blinken a justifié le piétinement des débats en expliquant que « l’Iran semble soit ne pas vouloir, soit ne pas pouvoir faire ce qui est nécessaire pour parvenir à un accord ». Enfin, le Premier ministre israélien Yair Lapid s’est formellement opposé à un nouvel accord sur le nucléaire iranien.

Iran : Manifestations et répressions massives suite à la mort de Mahsa Amini

Parallèlement aux échanges sur le nucléaire, la théocratie iranienne est en proie à de nombreuses manifestations depuis la mort de Mahsa Amini le 16 septembre dernier. Cette jeune iranienne de 22 ans aurait potentiellement succombé à des violences policières lors de son arrestation pour non-respect du port du voile. Cet évènement a entraîné un mouvement de protestations massif sur tout le territoire iranien (80 villes concernées). Selon l’ONG Iran Human Rights, la répression policière aurait causé la mort de plus de 50 individus. Le régime iranien dénombre, quant à lui, 35 victimes. Plusieurs vidéos montrent également des militaires recourir à des armes létales afin de neutraliser et disperser les manifestants.

  • La République islamique impose un code vestimentaire strict contraignant les femmes à se couvrir tout le corps à l’exception du visage et à porter le hijab dès l’âge de 7 ans. En réaction à la mort de Mahsa Amini, de nombreuses iraniennes ont publié des vidéos sur les réseaux sociaux où elles se coupent les cheveux et brûlent leur hijab. L’Union du peuple de l’Iran islamique – principal parti d’opposition – réclame au gouvernement iranien « l’annulation de la loi sur le hijab obligatoire » ainsi que le respect de la liberté à manifester.
  • Afin de « contrer les efforts du gouvernement iranien pour surveiller et censurer ses citoyens », Washington a annoncé le 23 septembre la levée de certaines interdictions de commerce avec l’Iran. Ainsi, alors que l’accès aux réseaux sociaux et à Internet est toujours perturbé, les entreprises technologiques américaines comme SpaceX sont désormais autorisées à proposer des services de connexion Internet aux Iraniens.

 

Cette veille a été rédigée par Pauline, Elias, Léana, Camille, Baptiste, Raphaëlle, Rose et Simon.

Comité de rédaction

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