EUROPE
L’UE prévoit un paquet d’aide militaire de 20 milliards d’euros pour l’Ukraine alors que les États-Unis se détournent
Alors que les États-Unis se désengagent progressivement, l’Union européenne s’organise pour renforcer son soutien militaire à l’Ukraine. Les ministres des Affaires étrangères de l’UE, réunis à Bruxelles, ont discuté d’un nouveau paquet d’aide militaire dont la valeur pourrait atteindre 20 milliards d’euros. Ce soutien comprendrait des obus d’artillerie, des missiles, des drones et des systèmes de défense aérienne, ainsi que des programmes de formation pour les soldats ukrainiens. Si aucun montant final n’a été arrêté, une décision devrait être prise le 6 mars. Par ailleurs, l’UE a adopté son 16e paquet de sanctions contre la Russie et envisage de saisir les avoirs russes gelés pour financer l’aide à l’Ukraine.
- Le changement de position des États-Unis inquiète les diplomates européens. Le président américain Donald Trump a publiquement accusé Volodymyr Zelensky d’être un « dictateur » qui aurait manipulé les États-Unis pour obtenir des milliards d’aide militaire. Le président de la Chambre des représentants américaine a déclaré qu’il n’y avait « aucun appétit » à Washington pour poursuivre le soutien militaire à Kyiv. Face à cette impasse, l’Europe tente de prendre le relais.
- Le projet de soutien militaire européen est porté par la cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas. Le financement de cette aide pourrait provenir de contributions à l’échelle nationale plutôt que d’un programme officiel de l’UE, en raison de l’opposition de certains États membres, notamment la Hongrie. Initialement estimé entre 6 et 10 milliards d’euros, le montant de l’aide pourrait être revu à la hausse au fil des négociations.
- Cette initiative militaire intervient alors que des hauts responsables de l’UE s’apprêtent à se rendre à Kyiv pour commémorer le troisième anniversaire de l’invasion russe. Parallèlement, le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre britannique Keir Starmer prévoient de rencontrer Donald Trump à Washington. Leur objectif est de clarifier la position américaine et d’assurer une coordination entre les alliés de l’Ukraine.
- L’Europe cherche ainsi à renforcer son soutien à Kyiv face à l’incertitude grandissante du soutien américain, tout en tentant de maintenir une unité au sein de l’UE face aux réticences de certains États membres. (Politico)
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AMÉRIQUES
Les drones et les États-Unis
Le leader mondial des drones civils, la start-up chinoise DJI, est sous pression aux États-Unis. Soupçonnée de menacer la sécurité nationale, l’entreprise pourrait être interdite sur le marché américain, dans la lignée des sanctions visant TikTok ou Huawei.
- Des accusations de surveillance : Washington craint que les drones DJI, utilisés aussi bien par les amateurs que les professionnels, ne transmettent des données sensibles à Pékin. L’entreprise réfute ces allégations, affirmant que les informations collectées restent stockées aux États-Unis.
- Une interdiction en préparation : depuis janvier 2025, une consultation publique est en cours pour interdire l’importation des drones DJI. Cette décision, soutenue par le Congrès, pourrait entrer en vigueur rapidement, renforçant les tensions commerciales sino-américaines.
- Un marché sous pression : DJI domine largement le secteur, avec une part de marché écrasante. Son exclusion créerait une opportunité pour des concurrents comme Skydio (USA) ou Parrot (France), mais risquerait aussi de pénaliser de nombreux utilisateurs, notamment dans le BTP, l’agriculture et les services de secours. L’issue de cette bataille commerciale pourrait redessiner l’avenir de l’industrie du drone aux États-Unis. (Le Monde)
L’armée américaine suspend le recrutement des personnes transgenres
L’administration Trump renforce sa politique contre les droits des personnes transgenres. Un mémo du ministère de la Défense, publié le 10 février, annonce la suspension immédiate de leur recrutement dans l’armée et des procédures de transition pour les militaires en service.
- Un retour en arrière assumé : dès son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump a signé un décret supprimant la reconnaissance des identités transgenres au sein des institutions fédérales. Il affirme que seuls deux sexes existent, définis à la naissance et « immuables ».
- Une mesure contestée : Cette interdiction, qui touche environ 15 000 militaires transgenres, fait l’objet d’une bataille judiciaire. Joe Biden, lors de son mandat, avait rétabli leur droit à servir, estimant que la compétence devait primer sur l’identité de genre.
- Un symbole de la guerre culturelle : cette décision s’inscrit dans une offensive plus large contre les droits LGBT+, reflétant les tensions idéologiques qui traversent les États-Unis. Pour les défenseurs des droits civiques, elle marque une régression majeure en matière d’inclusion. (Le Monde)
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RUSSIE/ NEI
Tensions à la Maison-Blanche : Trump et Zelensky s’affrontent sur l’avenir du soutien américain à l’Ukraine
Le 28 février, alors que la signature d’un accord sur l’exploitation des terres rares ukrainiennes par Washington était en jeu, la rencontre entre le président américain Donald Trump et son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky à la Maison-Blanche a dégénéré en affrontement verbal public. En effet, le vice-président américain J.D. Vance a été à l’origine d’une vive altercation en accusant Volodymyr Zelensky d’un manque de gratitude envers l’aide américaine depuis le début du conflit. De plus, ces accusations ont été amplifiées par Donald Trump qui a critiqué la proximité du président ukrainien avec l’ancien président Joe Biden, l’accusant également de risquer de provoquer un conflit mondial.
- Cette confrontation a conduit à l’annulation d’une conférence de presse conjointe et à la suspension d’un accord minier prévu entre les deux nations. Ainsi, la rencontre s’est clôturée par le départ de Volodymyr Zelensky de la Maison-Blanche, laissant l’accord sur les minerais non signé.
- Cet événement survient alors que Donald Trump affiche une relation de plus en plus cordiale avec Vladimir Poutine. De fait, ces dernières semaines ont été marquées par plusieurs rencontres informelles et appels entre les deux dirigeants, suscitant des inquiétudes au sein des chancelleries occidentales.
- Face à l’ampleur de cet évènement, le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, a exhorté M. Zelensky à rétablir ses relations avec l’administration Trump afin de favoriser un rétablissement de la paix en Ukraine. (Le Figaro, Le Parisien, Ifri)
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AFRIQUE
Progression de l’AFC/M23 dans l’Est RDC vers le sud
En République démocratique du Congo, la situation est toujours critique depuis la prise fin janvier de Goma par le groupe rebelle M23, soutenu par le Rwanda. Après s’être emparé de Numbi, située sur les hauts plateaux du nord au Sud-Kivu, et de Minova, un important carrefour commercial sur les rives du lac Kivu, le M23 avait fait son arrivée le 16 février à Bukavu, la capitale provinciale du Sud-Kivu, laissant derrière lui confusion et pillages. Depuis la prise de cette ville, le groupe armé progresse vers le sud, témoignant d’une nouvelle étape dans l’avancée de l’AFC/M23, à la fois sur le terrain et en termes d’influence symbolique, notamment à travers l’enrôlement de policiers au sein du groupe rebelle.
- La zone montagneuse des Hauts-Plateaux du Sud Kivu est majeure parce qu’elle constitue l’arrière-pays d’Uvira, situé en face de la capitale économique du Burundi, et parce qu’elle se trouve au nord de Kalémie, le chef-lieu de la province du Tanganyika, une ville qui donne accès au lac éponyme frontalier entre la RDC, le Burundi, la Tanzanie et la Zambie.
- Cette situation, en constante dégradation, provoque une importante crise humanitaire avec des déplacements de population massifs face à l’insécurité croissante et engendre l’inquiétude d’une guerre ouverte à l’échelle régionale, avec l’idée d’une possible « balkanisation » de l’Est de la RDC, au-delà de la violation de la souveraineté du pays que ces conquêtes produisent. (MSF)
Suppression du programme “Power Africa” par Donald Trump
Plus d’une décennie après son lancement, l’administration du président Donald Trump a mis fin au programme des Etats-Unis visant à accroître l’approvisionnement en électricité en Afrique. Presque toutes les missions du programme Energie pour l’Afrique (« Power Africa ») ont été inscrites sur la liste des initiatives à supprimer et la majorité de son personnel a été licencié.
- L’initiative « Power Africa », lancée en 2013 par le président Barack Obama, visait à fournir de l’électricité à des dizaines de millions de foyers en Afrique. Le programme était géré par l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID), qui est la première cible des baisses de dépenses du gouvernement fédéral mené par le Département de l’efficacité gouvernementale (DOGE), dirigé par Elon Musk – Haut conseiller du Président depuis l’investiture de Donald Trump.
- La suppression du programme Power Africa intervient après la signature de Donald Trump, le 20 janvier (jour de son retour à la Maison Blanche) du gel de l’aide étrangère des Etats-Unis pour 90 jours, le temps d’un réexamen complet. Cette initiative avait provoqué une onde de choc dans le monde puisque de nombreuses ONG dépendent des fonds américains.
- Cette action gouvernementale voulue par Trump traduit sa politique « America First » en rompant avec les initiatives voulues par des présidents démocrates antérieurs. (La Nouvelle Tribune)
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ASIE
Hong Kong : victoire totale de Pékin, l’opposition jette l’éponge
Le Parti Démocratique de Hong Kong, autrefois principale force d’opposition du territoire, a annoncé, le 20 février dernier, son intention de se dissoudre, illustrant l’érosion progressive du pluralisme politique sous l’emprise de Pékin. Un vote des militants doit encore sceller le sort du parti. Cette décision intervient dans un contexte de répression accrue, marqué par la condamnation de 45 militants prodémocratie, en novembre 2024, à des peines de prison allant de quatre à dix ans, lors du plus grand procès organisé sous la loi sur la sécurité nationale (NSL) votée en 2021. Ces figures emblématiques, dont Benny Tai et Owen Chow, avaient été reconnues coupables de « subversion » pour avoir organisé une primaire non officielle en vue des élections législatives de 2020, finalement annulées par les autorités chinoises. L’annonce de la dissolution probable du Parti Démocratique est le parachèvement du détricotage méthodique des institutions démocratiques hongkongaises par Pékin.
- Le vote, durant les brutaux confinements de la pandémie de la loi sur la sécurité nationale et des réformes électorales de 2021, avait réduit à néant toute possibilité d’un contre-pouvoir à Hong Kong. La dissolution du Parti Démocratique marque la fin de l’opposition institutionnelle. Les condamnations de militants pro-démocratie pour des actes non-violents, tels que l’organisation d’une primaire, illustrent l’élargissement répressif du cadre juridique hongkongais. L’objectif est d’instaurer une autocensure généralisée.
- Le climat politique pesant et l’assimilation croissante de Hong Kong à la Chine continentale ont des répercussions sur la confiance des investisseurs. La chute de 40 % de la valorisation du Hang Seng Index depuis 2019 symbolise ce déclin.
- Si la répression hongkongaise est de plus en plus critiquée par les pays occidentaux, notamment les États-Unis et l’Australie, elle ne semble plus intéresser alors que Donald Trump, fervent défenseur de Hong Kong lors de son premier mandat, se meut dans un mutisme complet aujourd’hui. (BBC(a), BBC(b), BBC(c), France Info, France 24, TheGuardian)
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AFRIQUE DU NORD/ MOYEN-ORIENT
Au terme de la première phase du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, les incertitudes persistent
La première phase du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas s’est conclue dans la nuit du 26 au 27 février, après la restitution des corps de quatre otages israéliens et la libération de 596 détenus palestiniens (642 devaient originellement être relâchés). Les négociations de la deuxième phase du cessez-le-feu sont d’ores et déjà sous haute tension. En effet, Israël a annoncé le 2 mars la suspension de l’entrée de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza, suite au refus par le Hamas d’une proposition d’extension du cessez-le-feu actuel jusqu’à la mi-avril, soumise par l’envoyé spécial américain pour le Moyen-Orient Steve Witkoff. Cette proposition stipulait le rapatriement de la moitié des otages israéliens restants au premier jour de la prolongation, les derniers captifs pouvant être restitués à la fin de la période, suite à la conclusion d’un accord permanent. Le Hamas a rejeté cette option, affirmant qu’elle permettrait à Israël de “se soustraire” aux engagements pris lors de l’accord entré en vigueur le 19 janvier, énonçant un cessez-le-feu en trois phases. Le Hamas a dénoncé la suspension de l’aide humanitaire comme étant une “violation flagrante de l’accord”, et la situation reste plus tendue que jamais.
- L’accord de trêve négocié le 15 janvier comprenait trois phases. Durant la première étape (du 19 janvier au 27 février), le Hamas a restitué 33 otages, dont huit morts, à Israël. Environ 1 800 détenus palestiniens ont été libérés. Le Hamas retient encore 59 otages israéliens, dont 35 déclarés décédés.
- A l’aube d’une deuxième phase du cessez-le-feu, le Hamas demande l’augmentation du ratio de prisonniers palestiniens libérés par otage israélien restitué. Israël dénonce de son côté les mises en scène “humiliantes” des remises d’otages orchestrées par le Hamas, ainsi que le manque de considération pour le corps des décédés, notamment lors du transfert des corps de la famille Bibas le 20 février.
- Les tensions Israël-Hamas en lien avec les otages sont accrues par le contexte politique israélien. En effet, Benyamin Netanyahou repose sur le Parti sioniste religieux, favorable à la reprise des hostilités, pour maintenir sa coalition à la Knesset et faire approuver son budget avant la fin du mois de mars. De plus, le général Eyal Zamir, qui prendra ses fonctions cette semaine en tant que chef d’état-major de Tsahal, envisagerait un nouveau plan stratégique offensif concernant la bande de Gaza. Dans ce contexte instable, les Etats-Unis ont annoncé l’envoi d’une aide militaire d’environ 4 milliards de dollars à Israël. (Le Monde, Courrier International, Le Monde)
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FRANCE
Une mobilisation budgétaire visant à soutenir les dépenses de défense
A la suite de l’altercation très médiatisée entre le président américain Donald Trump et le président ukrainien Volodymyr Zelensky le 28 février, la France s’est rapidement positionnée en faveur d’une solidarité européenne renforcée. Cet échange se déroulait alors que Zelensky était invité au Bureau Ovale, afin de négocier un accord permettant l’exploitation étatsunienne des ressources minières ukrainiennes, visant à mettre un terme à l’agression russe en Ukraine. L’échange s’est finalement conclu par un affaiblissement de la relation transatlantique. Le président français avait rencontré le président américain le 24 février, sans parvenir à conclure d’engagement de la part des Etats-Unis.
- Alors que de nombreux chefs d’Etat européens, dont le président Macron, apportaient leur soutien au président ukrainien, le ministre de l’Economie et des Finances français, Eric Lombard, appelait le 2 mars à la nécessité d’une “économie de guerre” pour que l’UE soit autonome stratégiquement au sein même de l’OTAN, souhaitant mobiliser davantage les investissements privés vers la BITD française.
- Emmanuel Macron évoquait quant à lui l’idée de lancer des produits d’épargne pour soutenir le financement des programmes de défense.
- La France et l’Allemagne, ainsi que d’autres pays européens, mentionnaient également l’idée d’assouplir la règle européenne qui plafonne le déficit public à hauteur de 3% afin d’augmenter les dépenses de défense. (Le Figaro, Le Monde, France 24)
Emmanuel Macron relance le débat sur un parapluie nucléaire européen avant un sommet européen pour l’Ukraine
Une mobilisation européenne lors d’un sommet inédit pour l’Ukraine, en soutien à Volodymyr Zelensky, se déroule à Londres le 2 mars. Keir Starmer a annoncé que la France et le Royaume-Uni travaillaient avec Kiev sur un plan “pour faire cesser les combats”. A la suite de l’altercation Trump-Zelensky, lors d’un entretien pour la télévision portugaise le 28 février, Macron se disait quant à lui prêt à assurer une dissuasion stratégique européenne “si mes collègues veulent avancer vers une plus grande autonomie et des capacités de dissuasion, alors nous devons ouvrir cette discussion”.
- Le chef de l’État a ainsi fait valoir que cela « rendrait la France plus forte » car « aujourd’hui » les missiles russes déployés en Biélorussie « nous exposent ». Le ministre des Armées français Sébastien Lecornu a ensuite insisté sur la souveraineté de la France en matière de dissuasion, tout en affirmant la “dimension européenne” de cette dernière.
- Pour Héloïse Fayet, chercheuse au Centre des études de sécurité de l’Ifri, un partage reste envisageable. « Il n’y a aujourd’hui aucune volonté de partage de l’arme nucléaire, mais cela peut prendre la forme d’un engagement oral ou écrit de la part du président. »
- Du côté du Royaume-Uni, seul le Premier ministre dispose du droit d’engager l’arme nucléaire. Cependant, le Royaume-Uni dépend techniquement des États-Unis au niveau des missiles employés et de leur maintenance. (France 24, France Info, Le Parisien).
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VEILLE BITD
Accord-cadre DROIDE pour la robotique terrestre
La Direction Générale de l’Armement (DGA), en charge du développement capacitaire des armées françaises, a annoncé avoir notifié le 30 décembre 2024 un accord-cadre baptisé DROIDE à des industriels afin d’explorer les technologies robotiques terrestres. Ce programme a vocation à répondre aux besoins capacitaires de vecteurs télé-opérés à l’horizon 2030-2035, alors que l’usage de ces équipements est appelé à croître, et le spectre de leurs missions à s’élargir.
- D’une durée de sept ans, DROIDE contribue à répondre aux ambitions de la Loi de programmation militaire en matière de système autonome.
- Les industriels KNDS France et Safran Electronics & Defense se sont vus notifierl’accord-cadre DROIDE. Il prévoit également d’associer des tiers qui présenteraient des innovations d’intérêt. (DGA)
Merci aux membres du pôle qui ont participé à la rédaction de cette veille !
