Par Claire Mabille
EUROPE
La ministre des Armées Florence Parly et le ministre estonien de la Défense Jüri Luik ont annoncé ce vendredi 20 septembre plusieurs mesures pour renforcer la coopération bilatérale de défense entre les deux pays. Depuis l’invasion de l’Ukraine en 2014, la coopération militaire franco-estonienne s’est considérablement étoffée. En 2016, au Sommet de Varsovie de l’OTAN, la France s’est engagée – comme la majorité des membres de l’OTAN – à participer à l’Enhanced Forward Presence (eFP), et y a depuis maintenu une présence active. La majorité de ses troupes est engagée en Estonie (l’autre part étant déployée en Lituanie), dans le détachement Lynx, composé de 4 chars Leclerc et de 13 VBCI et intégré au sein d’un bataillon commandé par la Grande-Bretagne (nation-cadre pour l’Estonie). Ce détachement sera déployé pour la troisième fois en 2021. De son côté, l’Estonie renforcera son dispositif de soutien à l’opération militaire française Barkhane déployée au Mali. En 2020, une section d’infanterie et un groupe des forces spéciales viendront s’ajouter au dispositif existant, formé d’une compagnie à Gao qui assure des missions de protection des emprises.
- La participation de la France au sein de l’eFP lui a permis de renforcer considérablement ses relations avec l’Estonie ; une démarche que Paris aimerait reproduire avec d’autres pays baltes, notamment avec la Lituanie où elle a envoyé un contingent en 2018. Cependant, la Lituanie semble davantage tournée vers l’Allemagne, avec qui les affinités politiques et économiques sont plus évidentes.
- Bien que symboliquement importante et ayant permis un renforcement des relations entre les alliés, l’efficacité réelle de l’eFP est cependant contestable. En effet, l’évolution des menaces rend plus crédible un scénario de cyberattaque, de campagne de désinformation ou d’opérations évoluant dans des « zones grises » qu’une invasion russe des Pays Baltes ou de la Pologne.
*
MOYEN-ORIENT
Emboîtant le pas à l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis (EAU) ont annoncé leur intention de rejoindre l’opération navale américaine Sentinel. Lancée en août dernier par les Etats-Unis avec la participation du Royaume-Uni, de l’Australie et de Bahreïn, Sentinel vise à assurer la protection de la navigation maritime dans les détroits d’Ormuz et de Bab el-Mandeb, après les sabotages de pétroliers et l’arraisonnement de plusieurs navires par l’Iran. Cette participation « vient en soutien des efforts régionaux et internationaux visant à décourager les menaces qui pèsent sur la navigation maritime et le commerce mondial », a expliqué le directeur du département de la coopération internationale pour la sécurité du ministère émirati des Affaires étrangères.
- Sollicitée par les Etats-Unis, l’Union Européenne avait refusé (en dépit du désaccord français) en début du mois de s’engager dans l’opération, arguant son soutien pour des solutions promouvant la désescalade avec l’Iran.
- La décision des Emirats Arabes Unis s’inscrit dans une politique de forte défiance vis-à-vis de l’Iran. Les relations bilatérales entre l’Iran et les Emirats Arabes Unis sont dominées par le contentieux territorial qui oppose les deux pays au sujet des îles d’Abou Moussa, de la Petite et de la Grande Tomb. De plus, la crainte de l’expansionnisme chiite, perçue notamment sur le théâtre yéménite, avait justifié l’engagement des Emirats dans la coalition militaire au Yémen menée par l’Arabie saoudite depuis le 23 mars 2015. Alors que 40% des exportations de Dubaï sont absorbées par l’Iran, la décision des Emirats Arabes Unis de participer à l’opération Sentinel marque une étape supplémentaire dans la manifestation de marques de défiance vis-à-vis de leur voisin chiite.
La montée des tensions entre l’Iran d’un côté et l’Arabie Saoudite et les Etats-Unis de l’autre, accentuée la semaine dernière par l’attaque de drones des rebelles houthis contre les installations pétrolières saoudiennes, ne semble pas s’atténuer. Alors que les Etats-Unis ont annoncé un renforcement de leur posture militaire au Moyen-Orient et de nouvelles sanctions contre la banque nationale iranienne, l’Iran a déclaré ce dimanche sa volonté de présenter “dans les prochains jours” à l’ONU un plan de coopération régionale destiné à assurer la sécurité du Golfe, du détroit d’Ormuz et de la mer d’Oman “avec l’aide des pays de la région” ; une proposition qui vise indirectement à remplacer l’initiative américaine Sentinel par une initiative iranienne. Riyad s’est également adressé directement aux Etats-Unis, leur demandant de « rester éloignés » du Golfe.
- La montée des tensions dans le Golfe dominera très certainement les travaux de l’Assemblée Générale des Nations Unies, qui débutent lundi 23 septembre. Dans un contexte d’escalade des tensions entre Riyad et Washington, il est peu probable que la proposition iranienne fasse beaucoup d’émules parmi les pays du Golfe.
*
ASIE
La Thaïlande a signé un accord avec un chantier naval chinois pour se procurer un navire d’assaut amphibie de Type 071E. Cet achat n’est pas un phénomène isolé : en 2017, l’acquisition par la Thaïlande, qui a le statut d’allié majeur non-membre de l’OTAN auprès des Etats-Unis depuis 2003, de trois sous-marins chinois S26T avait déjà été particulièrement remarquée.
- Les achats d’armements chinois, avec les grandes initiatives économiques comme le projet de la « nouvelle route de la soie » et la coordination diplomatique sur les questions de sécurité régionale, forment l’un des trois grands axes du rapprochement effectué par Bangkok vers Pékin. En effet,, la Thaïlande s’est largement tournée vers la Chine depuis le coup d’état militaire de 2014, fermement condamné par les puissances occidentales.
- Ce rapprochement – et les achats qui l’accompagnent – sert les intérêts chinois. Depuis 2015, Pékin a accru le rôle de sa marine dans sa doctrine de défense nationale. Le renforcement de sa politique d’exportation de matériels militaires navals s’inscrit dans cette dynamique. Elle apparaît aujourd’hui comme une “grande puissance émergente” sur le marché du naval de défense.