Veille stratégique Août 2022 – Rentrée

FRANCE

Départ des derniers militaires français du Mali : quelle présence pour la France au Sahel ?

Au terme d’un désengagement de près de six mois, les derniers militaires de la force Barkhane ont finalement quitté le Mali le 15 août dernier à 13h. Annoncée par Emmanuel Macron le 17 février en raison des relations troubles entretenues par les autorités maliennes avec le groupe Wagner et la Russie, la réarticulation de la présence française au Sahel s’est accompagnée jusqu’aux derniers jours de frappes visant l’affaiblissement des groupes djihadistes.

  • Parmi ces dernières actions militaires, on peut notamment évoquer l’assassinat ciblé le 6 août d’un cadre du Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans au sein de la région du Talataye, ainsi que la assassinat ciblé le 13 août de plusieurs combattants djihadistes par le groupement tactique Monclar entre Gao et Niamey. 
  • Ces opérations n’ont pas été  vues d’un bon œil par le pouvoir malien. En effet, le ministre des Affaires étrangères Abdoulaye Diop a dès le 15 août publié une lettre adressée au Conseil de sécurité de l’ONU, accusant la France de violer l’espace aérien national, et de “collecter des renseignements au profit des groupes terroristes opérant dans le Sahel” et de “leur larguer des armes et des munitions”. 
  • Cette dénonciation d’une coopération avec les groupes terroristes constitue un nouveau niveau d’antagonisme, d’autant plus que le ministre Diop affirme que le Mali pourrait recourir à la “légitime défense” face aux forces françaises en vertu de l’article 51 de la Charte des Nations Unies.
  • Selon le ministre des Armées Sébastien Lecornu, la présence française au Sahel devrait être réorganisée  autour du Tchad et du Niger, et centrée sur des actions de soutien plutôt que des offensives. Néanmoins, si les gouvernements de ces pays semblent moins hostiles à la France, le sentiment antifrançais demeure puissant au sein des populations de ces deux États, comme en témoigne notamment l’interdiction d’une manifestation contre Barkhane à Niamey le 17 août dernier.

Faire le portrait stratégique de la France pour éclairer la décision publique

Suite à son renouvellement à près de 80% après les élections législatives de juin 2022 et en préparation de la reprise des travaux parlementaires, la Commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale a procédé au cours du mois de juillet à une série d’auditions de plusieurs grandes figures de l’appareil stratégique français. De Stéphane Bouillon au général Parisot, en passant par le général Schill et l’amiral Vandier, chacun a dressé le constat des enjeux stratégiques et de défense auxquels il fait face depuis le début de l’année.

  • Stéphane Bouillon, Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), s’est attaché à pointer du doigt plusieurs “menaces hybrides”. Parmi elles, le risque cyber : la France assisterait aujourd’hui à une explosion du nombre de cyberattaques (extractions de fichiers, espionnage, sabotage) “par des États et des proxies d’État”, avec près des 1082 intrusions constatées par l’ANSSI en 2021, soit une augmentation de 37% par rapport à 2020. En outre, le Secrétaire a mis en garde contre les risques posés par les législations étrangères à l’instar du Cloud Act américain qui “permet aux services de renseignement de plonger dans les Clouds fournis par des entreprises [françaises] installées aux USA […] pour y rechercher des infos sans que personne n’en soit informé et sans autorisation”.
  • Le Major général de l’Armée de l’air et de l’espace Frédéric Parisot a mis en garde contre une “fuite des cerveaux” profondément préjudiciable dans un contexte de retour de la guerre en Europe, et a appelé à un assouplissement des règles encadrant la contractualisation : “Nous avons […] perdu dix-sept bases et les 17 000 personnes qui vont avec. […] En matière contractuelle, nous devrions être plus souples afin de pouvoir aller chercher des talents.”
  • Face au risque russe, le Chef d’état-major de l’armée de Terre Pierre Schill a insisté sur la nécessité de ne pas céder dans l’urgence à la “tentation d’employer les ressources mobilisées pour procéder à des achats d’équipements interchangeables américains” et a appelé de ses voeux un “sursaut collectif de défense” en Europe, passant notamment par la poursuite des collaborations industrielles entre la France et l’Allemagne.
  • Le Chef d’état-major de la Marine Pierre Vandier a également mis l’accent sur l’importance cruciale de la “coopération avec nos alliés”, pour faire face à un potentiel conflit de haute intensité avec la Chine : « Nous devons préparer la capacité à combattre ensemble. Contre la marine chinoise, nous gagnerons si nous nous battons ensemble, en coalition. »

 

EUROPE 

L’Union européenne diversifie son soutien à l’Ukraine

Le 22 août dernier lors d’une conférence de presse en Espagne, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a évoqué la possible mise en place d’une mission de formation et d’entraînement au profit de l’armée ukrainienne. Le Haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité a annoncé envisager cette nouvelle forme de soutien, mise en place pour la dernière fois au Mali avec l’European Union Training Mission Mali (EUTM Mali). Alors que les promesses d’aides financières envers l’Ukraine ont décru au cours des mois de juillet et d’août,cette nouvelle initiative pourrait relancer la dynamique d’aide européenne en direction de Kiev.

  • Cette annonce a lieu alors que le Royaume-Uni s’est déjà engagé à entraîner 10 000 recrues ukrainiennes sans expérience militaire en l’espace de 120 jours. Les forces armées du Canada, des Pays-Bas, de la Norvège et de la Nouvelle-Zélande devraient également y participer.
  • Le conflit russo-ukrainien pousse les pays occidentaux à consentir toujours plus d’efforts financiers en matière de Défense : le 19 juillet, Bucarest a affirmé vouloir renforcer ses capacités défensives à travers l’acquisition de sous-marins français Scorpène et d’hélicoptères, tandis que le ministre de la Défense danois Morten Bødskov a annoncé le 18 août dernier investir 5 milliards d’euros pour moderniser les forces navales du pays.
  • Cette potentielle future mission sera discutée lors du Conseil des ministres de la Défense des États membres devant se tenir à Prague ce lundi 29 Août. Lors du dernier conseil, le statut de candidat à l’adhésion à l’UE avait été accordé à Kiev.  Depuis, l’aide financière de l’Union à destination de l’Ukraine a atteint les 12,32 milliards d’euros selon l’Institut Kiel pour l’économie mondiale. 

Suisse : l’armement de l’Etat neutre en question

Le 16 août dernier, la Chancellerie fédérale suisse a annoncé que l’initiative populaire contre l’achat de 36 avions de combat F-35 auprès du constructeur américain Lockheed-Martin lancée à l’été 2021 avait abouti. Récoltant près de 102 000 signatures et portée par le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA), cette action a peu de chance d’obtenir gain de cause, les contrats devant être signés avant la fin mars 2023 par la ministre de la Défense, qui en a confirmé récemment l’intention. Pour annuler la prise de commande, elle devra être votée avant, ce qui est difficilement possible. Une procédure accélérée n’est à ce jour pas envisagée par l’Assemblée fédérale qui pourrait déclarer nulle l’initiative pour “non applicabilité temporelle”.

  • Cette controverse intervient alors que ces avions ont été préférés aux Rafales de Dassault Aviation, décision difficilement reçue par la France, de nouveau doublée par les États-Unis moins d’un an après l’affaire des sous-marins australiens. 
  • Existant depuis plus d’un an, l’initiative populaire a vu son poids changer lorsque que la Russie a refusé le 11 août que la Suisse représente diplomatiquement l’Ukraine sur son territoire, remettant en question sa neutralité historique. Le F-35 est considéré par ses détracteurs comme un avion de guerre trop offensif, en contradiction avec le statut du pays. 

 

Une forte coopération européenne face à la sécheresse et aux incendies historiques

En cet été 2022, l’Europe a été marquée par de multiples vagues de chaleur et une sécheresse historique, facilitant de nombreux départs de feux et n’épargnant aucun Etat sur le continent. Selon le système européen d’information sur les feux de forêts (EFFIS), plus de 740 000 hectares ont été brûlés cette année en Europe au 27 août 2022 – un nouveau record. Dans ces circonstances exceptionnelles, de nombreux pays comme la France, la République tchèque, le Portugal, la Slovénie et l’Albanie ont demandé l’assistance de leurs voisins européens à travers le mécanisme de protection civile de l’UE, mobilisant des avions de la flotte RescEU et des équipes de lutte contre les incendies de différents Etats membres.

  • RescEU est un mécanisme de protection civile mis en place par la Commission européenne, doté d’une réserve européenne de flotte d’avions et d’hélicoptères bombardiers d’eau, d’avions d’évacuation médicale, d’hôpitaux de campagne et de matériels médicaux pour faire face aux situations d’urgence sanitaires.
  • Dans cet ordre, l’Espagne, la Roumanie, le Portugal et la France sont les pays dont les terres et forêts ont été les plus ravagées par des incendies cette année. Néanmoins, la période d’incendies n’est pas terminée et d’autres feux pourraient se déclarer jusqu’en octobre si les conditions climatiques ne s’améliorent pas.

 

AMÉRIQUES

Les États-Unis annoncent une aide de 3 milliards de dollars pour l’Ukraine

Mercredi 24 août, le département de la défense américain a annoncé le déboursement d’environ 3 milliards de dollars supplémentaires, attribués à l’initiative d’assistance pour la sécurité de l’Ukraine (USAI). Le but de ce paquet d’aides est de permettre à l’Ukraine d’acquérir rapidement des munitions, des systèmes d’artillerie et de défense aérienne, et des financements pour les entraînements et la maintenance. Plus précisément, l’Ukraine achètera de l’armement américain, comme des drones RQ-20 puma et Scan Eagle.

  • Votée le 19 mai par le Congrès, l’enveloppe d’aide pour l’Ukraine et les autres États affectés par le conflit contient 40 milliards de dollars portant sur des enjeux aussi variés que la sécurité alimentaire, la défense ou la continuité des institutions démocratiques. L’USAI a été initialement doté de 6 milliards de dollars issus de cette enveloppe.
  • Depuis que les troupes russes ont envahi l’Ukraine le 24 février, le conflit s’est installé dans une guerre d’usure menée principalement dans l’est et le sud de l’Ukraine. Pour plus de détails sur le déroulé de la guerre, voir la partie Russie/NEI.
  • Les Etats-Unis représentent les premiers donateurs en faveur de l’effort de guerre ukrainien, en promettant près de 45 milliards d’euros depuis janvier 2022. Plus de la moitié de cet engagement représente de l’aide militaire. Sans inclure cette nouvelle tranche, Washington a déjà envoyé plus de 10,4 milliards de dollars à Kiev.

 

Des bases pro-iraniennes en Syrie bombardées par les États-Unis

Mardi 23 août, le porte-parole du commandement central de l’armée américaine au Moyen-Orient a annoncé le bombardement de milices affiliées aux Gardiens de la Révolution dans la province de Deir-Ez-Zor, à l’est de la Syrie. Le même jour, les médias iraniens révélaient la mort d’un général des Gardiens de la Révolution en Syrie. Le 24 août, l’armée américaine a répondu  à des attaques de roquettes dans le nord-est du pays. Les Etats-Unis ont affirmé prendre les mesures nécessaires afin de « protéger leur peuple » et ont nié toute volonté d’entrer en guerre avec l’Iran. De son côté, le ministère iranien des Affaires étrangères a affirmé que la présence américaine en Syrie relevait d’une violation de la souveraineté du pays et était contraire au droit international.

  • Les Gardiens de la révolution islamique constituent une organisation paramilitaire relevant directement du chef de l’État iranien. Cette organisation est considérée comme un groupe terroriste par les Etats-Unis et ses forces sont déployées en Syrie pour soutenir le régime de Bachar al-Assad, tandis que les centaines de soldats américains déployés dans le nord-est de la Syrie combattent les survivants de l’Etat Islamiques au côté des FDS (Forces Démocratiques Syriennes).
  • Les différentes attaques en Syrie reflètent l’escalade des tensions entre l’Iran et les Etats-Unis. D’une part, les discussions pour tenter de faire revivre l’accord sur le nucléaire iranien ont repris début août, mais avec peu d’avancées. D’autre part, les Etats- Unis ont révélé que les Iraniens avaient tenté d’assassiner l’ancien conseiller John Bolton.

 

AFRIQUE DU NORD / MOYEN-ORIENT 

Afghanistan : Le chef d’Al-Qaïda neutralisé par les États-Unis

Joe Biden a confirmé, le 1er août dernier, la mort d’Ayman al-Zawahiri, chef de l’organisation terroriste internationale Al-Qaïda, suite à une frappe de deux missiles à guidage laser Hellfire par un drone américain sur sa résidence à Kaboul. Sa neutralisation n’a causé aucune perte humaine collatérale et a permis au président américain Joe Biden de rappeler que “quiconque attaque l’Amérique sera traqué et éliminé”.

  • Ayant joué un rôle clé dans les attentats contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie et dans l’attaque du destroyer USS Cole en 2000, al-Zawahiri était aussi et surtout l’ancien bras droit de Ben Laden et considéré comme le cerveau derrière les attentats du 11 septembre 2001. 
  • Alors que la présence du chef de l’organisation terroriste en Afghanistan laissait survivre le souvenir de la débâcle du retrait des forces américaines l’année précédente, sa neutralisation a également profité au parti démocrate qui bénéficie d’un regain de popularité à l’approche des élections de mi-mandat.
  • La présence du numéro un d’Al-Qaïda en plein cœur de Kaboul ne signifie pas pour autant le retour de l’Afghanistan comme sanctuaire de l’organisation terroriste. En effet, si la présence d’al-Zawahiri dans la capitale suppose l’accord tacite des talibans, leur objectif principal reste avant tout d’être reconnu par la communauté internationale. 

 

Le bilan mitigé de la tournée régionale de Joe Biden

Entre le 13 et le 16 juillet dernier, Joe Biden, dans sa tournée régionale au Moyen-Orient, s’est rendu successivement en Israël, en Cisjordanie, et en Arabie Saoudite où il a participé à une réunion du Conseil de coopération des Etats arabes du Golfe (CCEAG), à laquelle étaient conviées des représentants de l’Egypte, de l’Irak et de la Jordanie. Ces déplacements illustrent la volonté états-unienne de renforcer ses relations avec les pays du Golfe et leurs pétromonarchies dans l’intention de réaffirmer son influence dans la zone face aux velléités russes et chinoises, ainsi que de faire avancer les discussions du front anti-Iran qui piétinent depuis plusieurs mois. Malgré les négociations, le président américain n’a pu résoudre les membres de la CCEAG à adopter la politique de sanctions prises contre la Russie par les puissances occidentales. Enfin, l’Arabie Saoudite a refusé d’accroître la production de pétrole pour réduire les effets néfastes de la guerre en Ukraine.   

  • Lors des premières semaines de sa présidence, Joe Biden avait décidé de relancer le processus de négociations avec Téhéran sur le nucléaire iranien. Dans la même logique, Joe Biden avait fait retirer le mouvement houthiste yéménite de la liste des organisations terroristes, alors même qu’en janvier et février 2022, cette organisation était à l’origine de frappes sur des sites énergétiques en Arabie Saoudite et aux Emirats Arabes Unis. Tous ces éléments ont été mal perçus par une partie des Etats du Golfe et ont suscité des inquiétudes quant à la fiabilité de Washington en tant qu’allié dans la région.
  • Les États-Unis se saisissent du contexte de la guerre en Ukraine pour reconfigurer leurs systèmes d’alliances régionales et pour contenir l’essor des influences russe et chinoise dans la zone. Néanmoins, cette ambition devient de plus en plus difficile à concrétiser, car les Etats de la région raisonnent selon leurs intérêts nationaux respectifs. 

 

AFRIQUE

Renforcement de la présence russe au Mali

Mercredi 17 août 2022, la présence de mercenaires russes au sein de la base militaire de Gao a été observée par la Force de maintien de la paix des Nations unies. Moins de quarante-huit heures après l’épilogue officiel de l’opération française Barkhane, l’ancienne plus grande base militaire française en Afrique est passée sous le joug du groupe paramilitaire russe Wagner. Les casques bleus ont également confirmé la réception de plusieurs aéronefs et de matériels militaires russes – notamment un L-39 Albatros. Ces évènements confirment ainsi les craintes militaro-diplomatiques françaises et européennes : l’Occident perd du terrain dans la guerre d’influence sahélienne.

  • Face à la multiplication exponentielle des attaques terroristes et le développement tentaculaire incoercible des réseaux djihadistes au Mali, Bamako a décidé d’opérer un changement collaboratif en rompant avec toute coopération régionale (G5 Sahel) au profit de son alliance avec la Russie. Officialisé en octobre 2021 et désigné tel un « partenariat gagnant-gagnant » par le ministre malien de la Défense Sadio Camara, cet accord militaro-économique a conduit à la livraison de nombreux avions et d’hélicoptères de combat (Mil Mi-35) pilotés par des instructeurs russes.
  • En réponse aux multiples accusations d’employer des mercenaires russes comme instructeurs militaires, la junte malienne nie tout recours à la société privée de sécurité Wagner. Selon une étude menée par le Parlement Européen, cette société – dépourvue de statut légal – entretient une relation étroite avec l’État russe en ayant notamment accès à ses infrastructures militaires. De plus, Wagner a régulièrement été désigné coupable de violations des droits de l’Homme en Libye, en Syrie ou, plus récemment, en Centrafrique. Selon les forces armées françaises, environ 1 000 agents de Wagner seraient présents sur le territoire malien. 

 

Éthiopie : reprise des hostilités dans la région du Tigré

Mercredi 24 août 2022, les combats opposant les forces fédérales éthiopiennes au Front de libération du peuple du Tigré (FLPT) ont repris, mettant ainsi fin à cinq mois de trêve humanitaire. Antonio Guterres, secrétaire général des Nations unies, a demandé une « cessation immédiate des combats » et « une reprise des pourparlers de paix ». Toutefois, les bombardements aériens gouvernementaux ce vendredi 26 août sur la capitale tigréenne confirment une reprise généralisée du conflit et laissent entrevoir la menace d’une exacerbation de l’instabilité régionale.

  • Suite à une mise à l’écart politique du FLPT depuis 2018, la montée des tensions régionales a abouti à une guerre civile au Tigré. Dans le cadre d’une tentative de paix, une trêve humanitaire a été décrétée le 25 mars 2022. L’importance stratégique de cette région septentrionale de l’Éthiopie a conduit à l’enrôlement militaire de l’Érythrée aux côtés du gouvernement éthiopien et au soutien soudanais auprès des forces rebelles.
  • En enclavant la région du Tigré, ce conflit contribue à la détérioration des conditions humanitaires éthiopiennes. Selon le Programme Alimentaire Mondial, « 89% des habitants vivaient dans l’insécurité alimentaire en juin 2022 ». Le FLPT a notamment détourné douze camions-citernes destinés à l’aide humanitaire. Simultanément, les deux belligérants ont commis des crimes de guerre à l’encontre des civils selon Amnesty International (exécutions, viols). En mars 2021, le gouvernement états-unien avait également accusé les forces pro-gouvernementales de réaliser un « nettoyage ethnique ».

 

RUSSIE/NEI

Reprise des exportations de céréales ukrainiennes

Le 22 juillet, le ministre de la Défense russe et le ministre ukrainien des Infrastructures ont signé l’Initiative céréalière de la Mer Noire en présence du Secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres et du président turc Recep Tayyip Erdogan. Cet accord a permis la reprise des exportations de céréales ukrainiennes via la mer Noire. A l’issue, et pour la première fois depuis le début de l’invasion russe, le cargo turc Polarnet a accosté en Turquie lundi 8 août après avoir quitté le port d’Odessa trois jours auparavant.

  • Depuis le Centre de coordination conjointe établi à Istanbul, Antonio Guterres a précisé qu’une partie de l’accord avait pour but l’exportation des produits alimentaires et engrais russes exemptés du régime de sanctions. Il a réitéré le besoin de faciliter la mise sur le marché mondial de ces denrées pour assurer les approvisionnements et faire baisser les prix.  
  • La Russie et l’Ukraine représentaient environ 30% des exportations de blé tendre et 13% des exportations de maïs dans le monde en 2021. Le blocage des ports ukrainiens, l’offensive terrestre et la destruction de matériels et d’infrastructures de stockage et de transport ont ralenti voire stoppé les exportations. En conséquence, le conflit a aggravé l’insécurité alimentaire, déjà particulièrement importante suite à la pandémie de la COVID-19 et au dérèglement climatique.

 

Six mois de guerre marqués par la fête nationale ukrainienne

Mercredi 24 août, l’Ukraine célébrait sa fête nationale marquant le 31ème anniversaire du vote d’indépendance alors qu’une frappe russe sur la gare de Tchaplyne dans l’est de l’Ukraine faisait au moins 25 morts et plus de 50 blessés. A Kiev, le couple présidentiel a déposé une gerbe de fleurs sur le « mur de la mémoire » pour rendre hommage aux défenseurs ukrainiens tombés dans les combats. Dans son discours, le président Zelensky a décrit l’invasion russe comme un « nouveau jour pour l’indépendance de l’Ukraine » qui continue de se battre pour sa liberté. En remplacement du défilé militaire traditionnel, des véhicules militaires et des chars russes endommagés ont été exposés sur la rue principale de Kiev, symbole de l’échec de la capture de la capitale par le Kremlin dans les premières semaines de la guerre.

  • A cette occasion, plusieurs dirigeants étrangers ont affiché leur solidarité avec Kiev. Le chef de l’Etat Emmanuel Macron a exprimé sur Twitter le soutien de la France. Le Secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg a quant à lui affirmé « L’Ukraine l’emportera ! ». De son côté, le Premier ministre britannique Boris Johnson s’est rendu à Kiev et a annoncé une nouvelle aide de matériel. A Washington, la Maison-Blanche a débloqué une aide supplémentaire (voir section Amériques) . 
  • Après six mois de guerre, la situation reste tendue sur le terrain. Durant les dernières semaines, les forces ukrainiennes ont visé à plusieurs reprises des stocks d’armes et de munitions en Crimée. Selon un conseiller du président ukrainien, ces actions marquent le début d’une contre-offensive ukrainienne dans le sud bien que les positions russes dans la région aient été renforcées depuis le mois de février. La Russie semble disposer d’une quantité importante de matériel mais fait face à un manque de personnel. A contrario, l’Ukraine appelle ses alliés occidentaux à lui fournir du matériel militaire.

 

Enjeux de sûreté nucléaire autour de la centrale nucléaire de Zaporijia en Ukraine

À la demande de la Fédération de Russie, le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (ONU) s’est réuni jeudi 11 août pour écouter la demande de mise en place immédiate d’une mission d’expertise par le Directeur général de l’Agence internationale à l’énergie atomique (AIEA). Malgré les accusations et les enjeux politiques, les quinze membres du Conseil et l’Ukraine se sont mis d’accord sur l’importance de ce déplacement sur le site de la centrale nucléaire de Zaporijia situé en territoire occupé par la Russie. 

  •  Le site de Zaporijia a été touché par des bombardements les 5 et 6 août qui ont entraîné la déconnexion d’un réacteur du réseau électrique. Vendredi 26 août, l’opérateur ukrainien Energoatom a finalement annoncé que le réacteur avait été reconnecté, tout en assurant que les systèmes de sécurité fonctionnaient normalement.  
  • Cette réunion aux Nations unies est intervenue en parallèle de la dixième Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, dans un contexte de polarisation extrême. L’instrumentalisation du nucléaire par la Russie a été largement critiquée et le risque d’une catastrophe nucléaire a été rappelé. D’un point de vue juridique,  les Protocoles de Genève de 1949 interdisent toute attaque contre des installations nucléaires en cas de conflit armé.

 

ASIE 

Face à la Chine, Taiwan veut renforcer ses capacités de défense

Le jeudi 25 août dernier, le gouvernement taïwanais a annoncé sa volonté d’augmenter de 13% le budget militaire de l’archipel en réponse aux pressions militaires chinoises autour de ses côtes. Les autorités ont également annoncé la mise en place de nouveaux fonds pour équiper l’aviation taïwanaise, portant à plus de 19 milliards de dollars le montant alloué à la défense de l’archipel pour 2023.

  • A la suite de la visite de la présidente de la Chambre des représentants américaine Nancy Pelosi à Taipei, la Chine a organisé le 4 août dernier les plus grands exercices militaires jamais menés autour de Taiwan, mobilisant simultanément sa marine et son aviation. Dans la foulée, l’armée taïwanaise a mené d’importantes manœuvres simulant la défense de l’archipel face à une invasion.
  • Il s’agit de la sixième augmentation du budget militaire taïwanais cette année. Cette hausse accompagne les efforts entrepris par l’archipel depuis plusieurs années pour moderniser son aviation et renforcer son système de défense aérien. 
  • Le différend entre les deux pays, source de tensions également entre la Chine et les États-Unis, s’est accru ces dernières années. L’élection en 2016 à la présidence du pays de Tsai Ing-wen, farouchement attachée à l’indépendance de Taïwan, et sa réélection il y a 2 ans traduisent chez les Taïwanais une volonté plus affirmée de défendre leur indépendance. 
  • Les prochains mois s’annoncent particulièrement tendus alors que les Etats-Unis et Taïwan s’apprêtent à nouer un nouveau partenariat commercial et que le parti communiste chinois va se réunir pour son XXe Congrès.

 

Le Japon veut renforcer sa capacité de dissuasion face à ses voisins nord-coréen et chinois

Dans un contexte marqué par une exacerbation des tensions en Asie du Sud-Est, le journal nippon Yomiuri Shimbun a rapporté le 21 août que le pays souhaitait déployer un millier de  missiles d’une portée de 1 000 km dans le sud-ouest du pays. S’ils venaient à être installés, ces missiles seraient capables de toucher les côtes nord-coréennes et chinoises.

  • Les tirs de missiles balistiques à répétition de la Corée du Nord début de l’année 2022 ainsi que les ambitions régionales de la Chine ont renforcé les préoccupations japonaises concernant sa sécurité nationale. En septembre 2021, le pays a organisé pour la première fois depuis 30 ans des exercices à l’échelle nationale mobilisant toutes les unités militaires du pays dans le cadre de la « Force terrestre d’autodéfense japonaise (GDSF) » pour affirmer ses capacités d’autodéfense face à ses deux voisins.
  • Les craintes du Japon pour sa sécurité nationale se sont renforcées suite aux exercices chinois menés autour de Taïwan au début du mois d’août dernier. En effet, le ministère japonais des Affaires étrangères a annoncé que 5 missiles balistiques tirés par l’armée chinoise lors de ces manœuvres avaient atterri dans sa Zone économique exclusive (ZEE).
  • Le 14 août dernier, les forces d’autodéfense du Japon ont participé à des manœuvres militaires au large d’Hawaï aux côtés des États-Unis ainsi que de la Corée du Sud afin de témoigner de leur volonté d’être unis contre les menaces régionales. 

 

L’Inde quitte sa position “non alignée” dans le dossier ukrainien

Lors du Conseil de sécurité des Nations unies du mercredi 24 août, l’Inde a voté pour la première fois contre une position défendue par les représentants russes, à savoir la non-participation du président ukrainien Volodymyr Zelensky au sommet prévu pour les six mois du conflit. Si ce vote tranche pour la première fois avec la traditionnelle position indienne de « non alignée » dans le dossier, elle ne devrait avoir aucune incidence sur les relations diplomatiques entre les pays concernés.  

  • Fidèle à sa position de « non aligné » héritée de la guerre froide, l’Inde se refuse à condamner l’attitude russe en Ukraine depuis le début du conflit. De plus, les deux pays sont partenaires depuis le milieu de la guerre froide et New Delhi dépend en grande partie des armes de Moscou pour faire face à la Chine sur leur frontière commune et disputée, ainsi que dans le domaine énergétique. 
  • Cette manœuvre permet à l’Inde de rappeler aux Occidentaux son indépendance vis-à-vis de la Russie. En effet, New Delhi occupe une position délicate partagée entre Moscou et les pays occidentaux. Elle dépend de ces derniers pour une partie de son arsenal militaire et parce qu’ils lui offrent un appui crucial dans l’indopacifique pour faire face à la Chine, notamment à travers le Dialogue quadrilatéral pour la sécurité (QUAD). 

Cette veille a été rédigée par Elias, Simon, Camille, Léana, Raphaëlle, Rose, Pauline et Bapatiste.

Comité de rédaction

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