Veille stratégique – Rentrée 2023/2024

FRANCE

Émeutes et fronde policière déchirent les mois d’été

À Nanterre, le 27 juin, Nahel M. a été abattu lors d’un contrôle routier par le tir d’un policier motocycliste. La mort du jeune homme a ouvert un cycle de protestations tournées contre les forces de l’ordre, concentrées sur cinq principales journées et nuits marquées par diverses violences. Le gouvernement a alors décidé de renforcer fortement le dispositif sécuritaire national : près de 45 000 policiers et gendarmes ont été mobilisés. Le 20 juillet, un fonctionnaire marseillais de la BAC a été placé en détention provisoire ; un mouvement de fronde s’est alors ouvert parmi les policiers. Le 27 juillet, le Ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a reçu les syndicats de la profession, et s’est dit ouvert à la mise en place d’un régime d’exception à la détention provisoire, dont pourraient bénéficier les forces de l’ordre. 

  • Les émeutes et la réaction à celles-ci ont révélé une radicalisation croissante de la base policière et des syndicats, tant dans leurs propos qu’au travers de leurs revendications. Plusieurs observateurs jugent ainsi la profession de moins en moins maîtrisée par le pouvoir politique, à l’approche de la Coupe du Monde de Rugby ou des JO de Paris.
  • Les événements du mois de juillet ont également relancé le débat autour de l’usage des armes à feu par les agents de l’État. Le principal cadre réglementaire réside, à ce sujet, en l’article 435-1 du Code de la sécurité intérieure. Cette disposition, adoptée en 2017, est régulièrement critiquée, car perçue par une partie de la sphère politique comme trop large ou trop floue.
  • Plus largement, les émeutes ont renouvelé la mise en cause de la doctrine française du maintien de l’ordre, encore durcie parallèlement à l’amplification des violences urbaines. À ces pratiques, la hiérarchie policière invoque comme justification la nécessité de s’opposer à de nouveaux modes protestataires, plus agressifs.

Le coup d’État au Niger fragilise un peu plus la position française en Afrique

Le 26 juillet, le général nigérien Abdourahamane Tiani a renversé le président élu Mohamed Bazoum. À la suite directe du coup d’État, les relations des nouvelles autorités avec la France, alliée du régime déchu, se sont fortement dégradées. Paris, en effet, défend une position de fermeté claire : les putschistes sont illégitimes ; un soutien est apporté à toute initiative de la Cédéao. Au cours du mois d’août, les gouvernants de fait ont ordonné en conséquence le départ de l’ambassadeur français, mais également des 1500 troupes de l’Hexagone, présentes depuis 2013, d’ici septembre. Le 28 août, à l’occasion de la 29e conférence des ambassadeurs, Emmanuel Macron a défendu, lui, le cap de l’intransigeance, refusant de céder aux injonctions nigériennes. 

  • La situation au Niger s’ancre dans un contexte de fragilisation croissante de la position française en Afrique, que ce soit au Mali avec le retrait des troupes de l’opération “Barkhane” ou au Burkina Faso avec celui des forces spéciales engagées au sein du dispositif “Sabre”.
  • Enfin, le contexte africain interroge un possible rééquilibrage des effectifs de l’armée française, notamment au profit du flanc Est de l’OTAN. Un dilemme structurant de l’histoire du pays depuis le XIXe siècle retrouve ainsi toute sa vigueur : l’horizon de la France est-il africain ou européen ? Les intérêts stratégiques français imposent-ils de maintenir 5 500 soldats en Afrique, où leur présence est de plus en plus critiquée, contre seulement 1 500 dans les pays de l’Est de l’Europe ?

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EUROPE

La Roumanie annule l’achat de quatre corvettes auprès de Naval Group

Le 8 août 2023, le gouvernement roumain a décidé d’annuler l’achat de quatre corvettes Gowind 2500 auprès de Naval Group. Le constructeur français avait remporté le contrat d’une valeur de 1,2 milliard d’euros en 2019. Il était à l’époque en concurrence avec le néerlandais Damen, qui proposait de livrer plus rapidement ses corvettes Sigma 10514 pour un prix globalement similaire. Damen était en outre déjà implanté sur deux chantiers navals en Roumanie. Le contrat entre Naval Group et le gouvernement roumain avait été plusieurs fois retardé, notamment après que Damen avait contesté judiciairement le choix de la Roumanie.

  • La modernisation de l’armée roumaine est devenue une priorité pour Bucarest depuis le début de la guerre en Ukraine. Le pays, qui dispose d’un accès à la mer Noire, souhaite particulièrement renforcer sa marine vieillissante.
  • L’annulation de la commande pourrait profiter à l’industrie de défense américaine, déjà très présente en Roumanie. En effet, Bucarest investit dans les systèmes américains de défense antiaérienne Patriot pour un montant de 3,7 milliards d’euros. La Roumanie a également acheté 54 chars Abrams M1A2 pour 1 milliard d’euros. Enfin, le ministère roumain de la Défense a transmis début août 2023 au Parlement une demande d’acquisition de 32 avions F-35A pour 5,9 milliards d’euros. Bucarest pourrait acheter par la suite 16 avions F-35A supplémentaires.
  • Pour rappel, la France est depuis le début de l’invasion russe de l’Ukraine nation-cadre d’une mission multinationale forte de plus de 1000 hommes dans le cadre de la présence avancée renforcée de l’OTAN en Roumanie. Elle y déploie actuellement près de 700 militaires français et commande également des troupes belges, néerlandaises et roumaines.

La Suède relève son niveau d’alerte terroriste

Le 17 août, la Suède a décidé de relever son niveau d’alerte terroriste de trois à quatre, sur une échelle qui en comprend cinq, après que plusieurs organisations islamistes (Al-Qaida, Hezbollah) aient proféré des menaces à son encontre. Celles-ci font suite aux différents autodafés du Coran qui ont eu lieu sur le sol suédois ces derniers mois. Le premier ministre conservateur, Ulf Kristersson, a en outre annoncé que des projets d’attentat avaient été déjoués.

  • Au cours de l’été, plusieurs représentations diplomatiques suédoises au Moyen-Orient ont été visées. En juillet, l’ambassade de Suède à Bagdad a été incendiée par des manifestants. L’ambassade suédoise à Beyrouth a également été victime d’une tentative d’incendie en août. Enfin, une fusillade a eu lieu ce même mois dans les locaux du consulat de Suède à Izmir en Turquie.
  • Ces autodafés du Coran avaient déjà servi de prétexte au président turc Recep Tayyip Erdogan pour bloquer l’adhésion de la Suède à l’OTAN. Ce dernier a finalement levé son veto lors du Sommet de l’OTAN à Vilnius le 10 juillet 2023, plus d’un an après la demande de la Suède d’entrer dans l’Alliance atlantique.

 Plusieurs pays européens s’engagent à livrer des avions de combat F-16 à l’Ukraine

Le 20 août, les Pays-Bas et le Danemark ont officialisé la fourniture d’avions de combat américains F-16 à l’Ukraine, alors que le président ukrainien Volodymyr Zelensky y était en visite avec l’aval des Etats-Unis. Ces deux pays sont ainsi devenus les premiers à fournir des avions de combat que l’Ukraine réclame depuis plusieurs mois.

  • Les Pays-Bas, qui disposent de 24 F-16 opérationnels, n’ont pas précisé le nombre de chasseurs qu’ils transmettraient à l’Ukraine.
  • Le Danemark s’est engagé à fournir quant à lui 19 de ses 30 chasseurs F-16 opérationnels. Les six premiers seront livrés autour du Nouvel An, huit autres en 2024 et les cinq derniers en 2025, a indiqué la première ministre danoise, Mette Frederiksen.
  • La Norvège pourrait également fournir quelques avions F-16, alors qu’elle n’en dispose seulement que de 13.
  • Les États-Unis ont annoncé qu’ils formeraient sur leur sol des pilotes ukrainiens à l’utilisation de F-16 à partir de septembre 2023.
  • D’après Volodymyr Zelensky, l’Ukraine a par ailleurs débuté des discussions avec la Suède pour acquérir des avions de combat JAS-39 Gripen.

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AMÉRIQUES

L’un des favoris à l’élection présidentielle assassiné en Équateur 

Le mercredi 9 août, alors qu’il sortait d’un meeting au cours duquel il dénonçait le crime organisé en Équateur, le candidat centriste Fernando Villavicencio a été tué par un gang à Quito. Journaliste de profession, il faisait partie des huit candidats à la présidentielle et était classé deuxième dans les sondages pour le premier tour de l’élection, ayant eu lieu le 20 août. L’état d’urgence a été déclaré dans le pays à la suite de cet événement, pour une durée de soixante jours.

  • Six individus de nationalité colombienne on été appréhendés à la suite du meurtre. Ils appartiennent à des groupes criminels organisés. Fernando Villavicencio avait effectivement reçu plusieurs menaces de mort, notamment de la part de « Fito », le chef de « Los Choneros », un puissant gang. 
  • Le président du pays, Guillermo Lasso, a très rapidement sollicité l’aide du FBI pour enquêter sur cet homicide et a décrété trois jours de deuil national pour « honorer la mémoire d’un patriote ». Juan Zapata, le ministre de l’Intérieur a quant à lui promis que ce crime ne resterait pas impuni dénonçant l’ampleur prise par le crime organisé dans le pays.
  • Ces dernières années, l’Equateur est en effet confronté à une vague de violence liée au trafic de drogue, qui, en plein processus électoral, a déjà entraîné la mort d’un maire et d’un candidat au Parlement. Cet assassinat confirme la gravité de la crise sécuritaire bouleversant l’Équateur, qui, coincé entre la Colombie et le Pérou, les deux grands producteurs de cocaïne, est devenu le théâtre de rivalités sanglantes. Le nombre d’homicides a quadruplé dans le pays en seulement cinq ans, plaçant les enjeux sécuritaires au centre du débat politique.

Les américains dévoilent un nouveau projet d’innovation pour « contrer le renforcement militaire de la Chine »

Le 28 août dernier,  lors de la conférence de la National Defense Industrial Association à Washington, la secrétaire américaine adjointe à La Défense, Kathleen Hicks, a annoncé la mise en place d’une nouvelle initiative : le programme Replicator. Son objectif est de produire plusieurs milliers de drones dans un délai de 18 à 24 mois, pour faire face à la masse militaire dont dispose la Chine. 

  • D’après les déclarations de Kathleen Hicks, le plus grand avantage chinois est la masse. Grâce à Replicator Initiative, les américains vont tirer parti de systèmes autonomes et se doter de milliers de drones dans les domaines aériens, terrestres et navals. Ces derniers, moins coûteux, modifiables et mettant moins de personnes dans la ligne de mire permettront, selon les dires de Mme Hicks, de « contrer la masse [de l’Armée populaire de libération] par une masse plus difficile à planifier, plus difficile à frapper, plus difficile à vaincre. »
  • Ce programme présenterait un véritable atout opérationnel pour les américains, à condition que l’Armée populaire de libération ne se dote pas des mêmes moyens en retour, comme cela a pu être le cas par le passé, notamment avec le chasseur F35 concurrencé par le J35 chinois.
  • Le 29 août, Doug Beck, le nouveau directeur de la Defense Innovation Unit du ministère de la défense, qui soutiendra l’initiative, a apporté des précisions sur Replicator et a insisté sur l’importance de la technique d’essaimage, la première à voir le jour. Le programme reste flou sur le plan technique mais des précisions devraient être apportées dans les semaines à venir.
  • Alors que les relations sont déjà tendues entre les deux pays, l’approbation par le président Joe Biden d’une aide militaire directe à Taïwan dans le cadre d’un programme d’assistance destiné aux gouvernements étrangers, ce mercredi 31 août, a suscité la colère de Pékin. Cette aide de 80 millions de dollars, dénoncée par la Chine comme “nuisant à la sécurité”, est inédite puisqu’elle n’était jusqu’alors accordée qu’à des pays souverains.

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RUSSIE/NEI

La mort de Yevgeny Prigozhin lève un voile d’incertitude sur le futur du groupe Wagner et braque les projecteurs sur Vladimir Poutine

Le 24 août 2023, un jet privé reliant Moscou à Saint-Pétersbourg s’est écrasé, avec à son bord plusieurs membres du Groupe Wagner. Des résultats de tests ADN menés par les autorités russes ont confirmé la présence de Yevgeny Prigozhin, parmi les dix dépouilles retrouvées sur le site du crash. Plusieurs sources, parmi lesquelles des chaînes Télégram appartenant à Wagner, indiquent que l’avion aurait été abattu par l’armée russe. En effet, suite à la tentative de mutinerie qu’il avait dirigée deux mois auparavant, nombre d’observateurs suggéraient que cette tentative de rébellion ne pourrait rester sans réponse de la part de Vladimir Poutine. 

  • Le président de la Fédération de Russie a, dans une allocution télévisée, officiellement présenté ses condoléances aux familles des défunts et à remercier ces derniers pour leur « contribution significative » en Ukraine. Vladimir Poutine a, par ailleurs, qualifié Yevgeny Prigozhin de « personne talentueuse » tout en estimant qu’il avait commis de “graves erreurs” au cours de sa vie. 
  • Les chancelleries occidentales pointent du doigt, quant à elles, la responsabilité supposée de Vladimir Poutine, dans le crash aérien. Joe Biden s’est, en effet, dit « non surpris » et a déclaré qu’il était peu probable qu’un tel événement puisse survenir en Russie sans l’aval de Vladimir Poutine. La France, par l’intermédiaire du porte-parole de son gouvernement Olivier Véran, a émis des « doutes raisonnables » sur les conditions du crash. Les ministres des Affaires étrangères allemands, polonais, estonien ont, tour à tour, directement mis en cause la présidence russe. Enfin, l’Ukraine, par la voix de Volodymyr Zelensky a nié toute implication dans le crash tout en pointant également du doigt la responsabilité de Vladimir Poutine.

Annonce de mise en service du missile Sarmat : menace nucléaire imminente ou “simple” signalement stratégique ?

Iouri Borissov, directeur de l’agence spatiale russe Roscosmos, a annoncé ce vendredi 1er septembre “l’entrée en service” du missile balistique intercontinental RS-28 Sarmat (parfois improprement surnommé “Satan 2”). Cette déclaration ferait suite à un nouvel essai réussi du missile ayant eu lieu aux alentours du 31 août. S’il s’avérait pleinement opérationnel, le RS-28 Sarmat constituerait une pièce clé du renouvellement de l’arsenal nucléaire russe.

  • Préalablement à cette apparente mise en service, Vladimir Poutine avait en juin déclaré que le Sarmat serait “bientôt” déployé. La menace de l’emploi de l’arme nucléaire est régulièrement placée au centre de la rhétorique russe dans le cadre du conflit en Ukraine. En février, le Parlement russe avait ainsi déjà procédé à la suspension du traité de désarmement nucléaire New Start signé en 2010, avant que le président russe n’annonce le mois suivant son intention de déployer des armes nucléaires “tactiques” en Biélorussie.
  • Pour de nombreux observateurs, l’annonce de la mise en service du Sarmat relèverait essentiellement du signalement stratégique. Joseph Henrotin, chercheur à l’Institut de Stratégie Comparée, juge ainsi “très peu” crédible l’annonce de Roscosmos. Interrogé au sujet de cette annonce, le porte-parole de la Maison-Blanche John F. Kirby a également déclaré aux journalistes du New York Times qu’il ne “pouvait pas confirmer les annonces russes affirmant que le Sarmat était opérationnel et prêt au combat”.
  • Plusieurs éléments tendent en effet à relativiser le caractère opérationnel du Sarmat : (i) le missile complet n’aurait effectué que trois essais dont seuls deux sont à ce jour effectivement documentés (parmi lesquels un seul essai réussi) et (ii) les travaux d’adaptation devant permettre à des silos opérationnels de recevoir et de procéder au lancement du Sarmat demeurent encore aujourd’hui inachevés.

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AFRIQUE

Au Gabon, la dynastie Bongo écartée par un coup d’Etat militaire

Le 30 août, au terme d’élections présidentielles au déroulement très opaque, Ali Bongo a officiellement été nommé Président du Gabon pour un troisième mandat consécutif. Cependant, suite à l’annonce, plusieurs militaires sont apparus sur la chaîne télévisée Gabon 24 pour proclamer la fin du régime en place et la création d’un Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI). Ali Bongo a ensuite été placé en résidence surveillée, et plusieurs de ses proches ont été arrêtés, dans une “révolution de palais” sans effusion de sang — mis à part quelques tirs dans la capitale Libreville, rapidement éteints. En orchestrant ce putsch, Brice Oligui Nguema, le chef charismatique de la Garde républicaine, apparaît comme le  nouvel homme fort du Gabon.

  • Les Éléments Français au Gabon (EFG), comprenant environ 400 militaires (notamment le 6e BIMa et une unité aérienne) n’ont pas été visés par les putschistes. Paris a cependant annoncé, le 1er septembre, suspendre sa coopération militaire avec le Gabon, qui consistait surtout en de la formation. 

Tensions croissantes en Afrique de l’Ouest entre la Cédéao et les juntes militaires

Le 30 juillet, la Cédéao (Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest) s’est rassemblée à Abuja, en réaction au putsch mené au Niger par le général Tiani. Les États ouest-africains ont alors réclamé le retour au pouvoir du président élu Mohamed Bazoum, demande appuyée par un train de sanctions envers le Niger, notamment sur les biens de première nécessité, ce qui n’a pas suffi à faire plier la junte nigérienne. Suite à cet échec diplomatique,  les États ouest-africains pourraient en venir à une solution militaire : le 4 août, la Cédéao a fait savoir que tous les éléments d’une intervention militaire au Niger étaient prêts. Le Niger, quant à lui, bénéficie du soutien des juntes burkinabé et malienne, qui lui ont fourni une aide alimentaire ainsi que des avions légers d’attaque A-29 “Super Tucano” en cas d’intervention de la Cédéao. 

  • La Cédéao est régie par le principe de non-agression entre États membres, mais les adhésions du Mali, de la Guinée, du Burkina Faso et récemment du Niger ont été suspendues en raison des putschs militaires. Néanmoins, la Cédéao ne dispose pas de l’arsenal législatif nécessaire à une intervention militaire.
  • L’engagement militaire du Mali et du Burkina Faso semble conséquent, puisqu’à travers les 6 avions envoyés, ils auraient déployé l’intégralité de leurs forces aériennes disponibles.

La crainte d’une nouvelle guerre fratricide en Ethiopie 

Le 4 août, le gouvernement fédéral d’Ethiopie a décrété l’état d’urgence en Amhara, deuxième région la plus peuplée du pays. Cette mesure s’explique par l’offensive simultanée des forces régionales amhara, dont la milice nationaliste Fano, sur plusieurs villes de la région y compris Baher Dar, sa capitale. L’armée fédérale a rapidement réagi, donnant lieu à d’importants affrontements urbains. Si le gouvernement fédéral a annoncé, le 9 août, la “libération” de six villes, la situation n’est pas apaisée. Les miliciens, dont certains se sont échappés de prison lors des combats, ont pu se réfugier dans des zones forestières difficiles d’accès. Un regain de tensions a de surcroît été observé mi-août, alors que des frappes aériennes et d’artillerie ont été menées par l’armée fédérale dans la région, provoquant des victimes civiles. 

  • Lors de la guerre du Tigré (2020-2022) l’armée fédérale éthiopienne s’était appuyée sur les milices amhara dans la lutte contre les sécessionnistes tigréens. Mais cette année, la volonté du président éthiopien Abiy Ahmed est de démanteler ces milices pour renforcer l’armée et la souveraineté fédérales. Les Fano perçoivent cela comme une trahison, ce qui a pu motiver leur offensive.

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ASIE

Sommet historique entre les Etats-Unis, la Corée du Sud et le Japon au Camp David, sur fond de tensions dans l’Indo-Pacifique 

Le 18 août 2023, les Etats-Unis, le Japon et la Corée du Sud ont inauguré “une nouvelle ère dans leur relation trilatérale” au cours d’un sommet entre les présidents américain et coréen, Joe Biden et Yoon Suk Yeol, et le Premier ministre japonais Fumio Nishida. Ce partenariat trilatéral, qui ne consiste ni en une alliance formelle ni en un engagement de défense collective sur le modèle de l’article 5 de l’OTAN, tend à oeuvrer en faveur de la “promotion de la paix et de la stabilité” dans la région, en soutenant “le rôle central et l’unité de l’ASEAN”.  La coopération renforcée entre les trois pays se traduira dans l’organisation de sommets entre les trois chefs d’Etats, les ministres des Affaires étrangères et de la Défense et les responsables du Conseil national de sécurité afin de favoriser l’échange d’informations et leur coordination, notamment en matière de défense. Il sera enfin question de perfectionner le système d’alerte commun en cas de “perturbations potentielles des chaînes d’approvisionnement globales”, en particulier de semi-conducteurs.

  • Ce sommet représente un engagement sans précédent entre la Corée et le Japon, dont  les disputes territoriales ont toujours entravé un effort de coopération diplomatique et politique étroit entre les deux pays. Ces accords s’inscrivent dans le processus de normalisation entre les deux Etats, qui s’est matérialisé  par la levée des restrictions japonaises à l’export de matériaux pour les semi-conducteurs vers la Corée du Sud.  Le sommet consacre l’alignement des intérêts stratégiques sud-coréens à ceux du Japon et des Etats-Unis, ce qui fait du pays un “État pivot global”. 
  • Ce rapprochement s’inscrit également dans le contexte sécuritaire instable de la région, où la multiplication sans précédent des actions militaires nord-coréennes va de pair avec l’ambition chinoise d’étendre sa souveraineté dans la Mer de Chine du Sud par la force.
  • Les trois dirigeants ont pris soin de ne pas mentionner directement la République Populaire de Chine, qui a toutefois réagi en qualifiant le partenariat de “mini-OTAN”. La référence à “l’importance de la paix et de la stabilité dans le détroit de Taiwan” a de plus fait écho  à des manœuvres militaires chinoises dans la zone, à peine six heures auparavant.
  • Cet accord s’ajoute aux deux autres alliances nouées par les Etats-Unis dans la zone de : l’AUKUS(Australie, Royaume Uni) et le Dialogue quadrilateral pour la Sécurité(Australie, Inde et Japon).

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AFRIQUE DU NORD/MO

L’Iran, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et l’Egypte rejoignent les BRICS, aux côtés de l’Ethiopie et de l’Argentine

Réunis à Johannesburg du 22 au 24 août pour leur quinzième sommet, les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) ont choisi de s’élargir lors d’une première phase, après avoir reçu pas moins de vingt-trois candidatures. Passant de cinq à onze membres, le groupe connaît un élargissement qualifié d’« historique » par le président chinois Xi Jinping. Dès 2024, les BRICS représenteront alors 46% de la population de la planète et plus d’un tiers du PIB mondial. A l’issue de cette annonce, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a réaffirmé l’objectif d’une coopération économique accrue, au regard notamment des capacités d’investissement de l’Arabie saoudite et des Emirats.

  • Faisant suite à des négociations de longue date, l’entrée des quatre pays de la région ANMO ne constitue pas une surprise en soi mais consacre leur réorientation vers l’Est du monde. La Chine apparaît comme la grande gagnante de ce sommet, plaçant les BRICS dans le prolongement de l’Organisation de coopération de Shangaï, mais aussi de l’OPEP +, l’Iran, l’Arabie Saoudite et les Emirats constituant ses principaux fournisseurs d’hydrocarbures avec la Russie. 
  • Téhéran signe officiellement la sortie de son isolement sur les plans géopolitique, économique et financier, après son rapprochement avec Pékin, Moscou, et plus récemment, Riyad. L’Arabie Saoudite entérine pour sa part sa prise de distance avec son ancien parrain américain, suivant la volonté du prince hériter Mohammed Ben Salman, exprimée dès son arrivée au pouvoir.

La révélation d’une rencontre entre la MAE libyenne et son homologue israélien provoque un tollé en Libye

Le 27 août, la divulgation d’un entretien entre la ministre des affaires étrangères libyenne Najla Al-Mangoush et son homologue israélien Eli Cohen à Rome a déclenché la colère d’une partie de la population libyenne. Des protestations ont éclaté à Tripoli et dans d’autres villes pour dénoncer toute tentative de rapprochement avec l’État hébreu. Face à la polémique, la MAE a été limogée dès le lendemain des révélations et le ministère libyen a affirmé que la rencontre avait été « fortuite et non officielle », n’avait pour objet « ni discussions, ni accords, ni consultations » et que Tripoli « rejette catégoriquement toute normalisation avec Israël ». A l’inverse, le ministre israélien a déclaré que la réunion avait été « planifiée au plus haut niveau » et que la Libye a un « intérêt à développer ses relations avec Israël pour renforcer ses liens avec l’Occident ».

  • Le limogeage de la ministre libyenne n’exclut pas l’hypothèse d’une tentative concertée de normalisation, alors que les deux pays n’entretiennent pas de relations diplomatiques officielles depuis la création d’Israël. Cette rencontre ferait suite à des prises de contact entre Tripoli et l’administration américaine, qui essaierait de convaincre la Libye de Dbeibah de rejoindre les accords d’Abraham, aux côtés des Emirats arabes unis, de Bahreïn, du Maroc et du Soudan.
  • Les propos d’Eli Cohen, au-delà de la Libye, pourraient engendrer des conséquences sur les relations discrètes entretenues entre Israël et d’autres pays arabes et musulmans, comme l’ont alerté des responsables du Mossad. En tête de liste figure l’Arabie Saoudite, en pleine négociation d’un accord de normalisation qu’elle espère voir aboutir d’ici un an.

Rédigée par Emma, Elias, Bechar, Laure, Léon, Martin, Stefania et Yoann.

E. B.

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