[Veille stratégique] – Semaine du 17/02 au 23/03

EUROPE:

La conférence annuelle sur la sécurité de Munich s’est tenue du vendredi 14 au dimanche 16 février 2020. Le Président français Emmanuel Macron y a affirmé sa volonté de renforcer l’Europe de la Défense en proposant aux partenaires européens un « dialogue stratégique » sur le rôle de la dissuasion nucléaire française dans la sécurité collective de l’Union Européenne, jusqu’à les associer « aux exercices des forces françaises de dissuasion ».

  • L’intervention d’Emmanuel Macron fait écho à son discours sur la stratégie de défense et de dissuasion prononcé devant les stagiaires de la 27ème promotion de l’École de Guerre le 7 février, au cours duquel il a appelé les pays membres de l’Union Européenne à réfléchir sur la place de l’arme nucléaire française dans l’architecture de sécurité européenne.
  • L’appel à un « dialogue stratégique » avec les partenaires européens vise principalement l’Allemagne. Celle-ci est partagée entre sa volonté de renforcer l’Europe de la défense et son lien avec l’OTAN. Le président allemand Frank-Walter Steinmeir est réticent à privilégier l’approfondissement de la défense européenne au détriment de l’alliance transatlantique. Le secrétaire général de l’Alliance atlantique, Jens Stoltenberg, a par ailleurs rappelé : « Nous avons déjà une dissuasion aujourd’hui, c’est celle de l’OTAN (…) et c’est la garantie ultime de sécurité en Europe ». 

Le jeudi 20 février, à l’occasion d’une visite à Paris d’Annegret Kramp-Karrenbauer, la ministre allemande de la Défense, la France et l’Allemagne ont signé un accord permettant de lancer la phase 1A du programme relatif au système de combat aérien du futur (SCAF).

  • Le SCAF est un projet européen de système d’armes aériennes connectées entre elles autour d’un nouvel avion de combat, appelé pour le moment « New Generation Fighter » [NGF]. Le développement a été confié à Dassault Aviation, avec Airbus DS comme partenaire principal.
  • La phase 1A du projet a  débloqué 180 millions d’euros sur 18 mois. Les crédits sont destinés aux partenaires, notamment Dassault, afin de travailler sur un démonstrateur du SCAF qui doit effectuer ses premiers vols en 2026. Le SCAF doit s’affirmer sur la scène internationale comme « le système aérien de combat du futur », pour à terme remplacer les Rafale et les Eurofighter. 
  • Le projet vient d’une initiative franco-allemande lancée le 13 juillet 2017 lors d’une réunion du Conseil des Ministres franco-allemand à Paris. L’Espagne a officiellement rejoint le projet SCAF le 14 février 2019. Selon une lettre d’intention signée par les ministres de la défense français et allemand le 19 juin 2018, d’autres partenaires européens peuvent également se joindre à la réalisation du projet. 

ASIE : 

La France pourrait signer de nouveaux contrats de vente du sous-marin Scorpène, fabriqué par Naval Group, avec les Philippines et l’Indonésie. Manille souhaiterait en acquérir deux, tandis que Djakarta pourrait en acheter jusqu’à quatre. On estime aujourd’hui à 228 le nombre de sous-marins qui opèrent dans les mers de la région indo-pacifique ; ce nombre pourrait passer à 300 d’ici 2030 en raison de la multiplication des achats de sous-marins par les pays de la région. Dans cette « course aux sous-marins », les petites puissances ne sont pas en reste : la Birmanie et le Bangladesh se sont tous deux dotés de sous-marins importés de Russie, de Chine ou d’Inde, tandis que Taïwan et le Vietnam ont entrepris de promouvoir une production nationale.

  • Cette prolifération sous-marine révèle la volonté de ces Etats de renforcer le contrôle sur leurs espaces maritimes, dans un contexte d’accroissement de l’agressivité de la politique maritime chinoise. En outre, la maritimisation des économies, la proximité des grands flux du trafic maritime mondial (en particulier pour Singapour et l’Indonésie), l’appropriation de ressources énergétiques et halieutiques et la volonté d’affirmer leur souveraineté nationale (dans le cas du Vietnam et de la Malaisie) sont des facteurs déterminants dans l’acquisition d’un sous-marin.
  • L’espace maritime est le théâtre privilégié de l’expansion de la puissance chinoise depuis les années 1990. La Chine cherche notamment à s’assurer d’un accès sécurisé à la haute mer dans le cadre de sa politique de dissuasion nucléaire océanique. En effet, les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) ne peuvent naviguer qu’en haute mer.
  • Peu de pays d’Asie de l’Est possèdent aujourd’hui au moins quatre sous-marins, nombre considéré comme le seuil d’efficacité opérationnelle, en raison des cycles de maintenance et des cycles d’entraînement des équipages. 

AFRIQUE :

Les 20 et 21 février 2020, le ministre des Affaires étrangères français Jean-Yves le Drian s’est rendu à Madagascar. Le motif officiel de cette visite était l’octroi à Antananarivo d’une enveloppe de 240 millions d’euros de dons et de prêts sur quatre ans. Mais la rencontre entre le ministre français et le président malgache Andry Rajoelina a surtout été l’occasion d’évoquer le sujet sensible des Îles Eparses, sous domination française mais revendiquées – entre autres – par Madagascar.

  • Les résolutions onusiennes 3491 et 35123 des 12 décembre 1979 et 11 décembre 1980 invitaient « le gouvernement [français] à entamer sans plus tarder des négociations avec le gouvernement malgache en vue de la réintégration des îles précitées qui ont été séparées arbitrairement de Madagascar » (résolution 3491).
  • Des négociations entre les deux pays sont en cours et doivent aboutir d’ici au 26 juin 2020, date anniversaire des 60 ans de la fondation de Madagascar. La France, accusée de vouloir conserver ces îles afin d’en exploiter le sous-sol océanique, a annoncé le 20 février renoncer définitivement au forage en mer.
  • L’enveloppe de dons française, dont le montant est en augmentation par rapport aux années précédentes, renforce l’ancien colonisateur à son rang de deuxième contributeur international au développement malgache, après les Etats-Unis. Cette augmentation pourrait venir appuyer les demandes françaises d’abandon par  Madagascar de ses prétentions territoriales.

Du 15 au 19 février 2020, le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo a effectué une tournée en Afrique. C’est la première visite d’Etat sur le continent d’un membre aussi important de l’administration américaine depuis l’élection à la présidence de Donald Trump. Elle s’inscrit dans l’actualité récente,  marquée par l’hypothèse d’une réduction des forces américaines en Afrique subsaharienne en vue d’une redistribution de ses effectifs, face aux menaces identifiées comme prioritaires que sont la Chine, la Russie ou l’Iran.

  • Mike Pompeo a d’abord tenu à rassurer le président sénégalais Macky Sall dont le pays constitue un rempart contre les armées jihadistes de la bande sahélo-saharienne, qui contribue à hauteur de 1500 hommes au sein de la mission onusienne au Mali. . S’il a effectivement répété la volonté de désengagement d’une partie des troupes américaines, le secrétaire d’Etat a assuré que l’appui en logistique, en renseignement et en formation aux pays de la région n’était “absolument pas” remis en question. La politique de redistribution des forces américaines est encore assez floue. Néanmoins, le 19 février, une unité de combat a été remplacée par une équipe d’instructeurs.
  • Le secrétaire d’Etat s’est également rendu en Angola et en Ethiopie. Comme le Sénégal, ces deux pays ont été choisis par la diplomatie américaine pour les efforts démocratiques dont leurs dirigeants ont fait part, mais également parce qu’ils sont symptomatiques de la présence grandissante de la Chine sur le continent africain. Les Etats-Unis ont donc tenu à resserrer les liens économiques qui les unissent à ces pays, comme en attestent les cinq protocoles d’accord commercial signés avec le Sénégal.

ETATS-UNIS :

Dans une tribune pour l’édition internationale du New York Times du 20 février 2020, Sirajuddin Haqqani, présenté par le journal comme le « chef adjoint » du mouvement taleb, a conditionné la garantie sécuritaire contre les menaces terroristes pesant sur les Etats-Uns au retrait des troupes américaines et de tout engagement de troupes internationales d’Afghanistan ainsi qu’à la reconnaissance de son mouvement comme principal interlocuteur politique. Cette tribune intervient alors qu’un accord de paix doit être signé la semaine prochaine entre les talibans et les Etats-Unis.

  • Sirajuddin Haqqani est aussi le chef d’un réseau qui a été qualifié de « terroriste » par les Etats-Unis en 2012. Accusé d’avoir planifié plusieurs attentats, sa tête est mise à prix pour 10 millions de dollars dans le cadre du programme « Reward for Justice ».
  • Cette initiative semble bénéficier des faveurs quasi unanimes de la communauté internationale : l’OTAN afin de favoriser une stabilité géopolitique et permettre désengagement stratégique ; la Russie en raison son histoire avec le mouvement taleb et de leurs intérêts convergents dans la lutte contre l’Etat Islamique ; les talibans afin de se reconstruire comme un mouvement national relativement unifié et comme pouvoir politique pesant réellement sur la scène politique afghane. 
  • Cependant, cette tribune a reçu un accueil mitigé aux Etats-Unis. En effet, le Pentagone craint une force taleb unifiée, libérée de sa surveillance et dont les intentions restent suspicieuses pour les Etats-Unis. De plus, les relations peu transparentes du mouvement taleb avec le Pakistan inquiètent. Enfin, le peu de lisibilité des acteurs nationaux, qui ne sont pas nécessairement sous le contrôle de Sirajuddin Haqqani et présentent une menace sécuritaire pour les Etats-Unis, notamment terroriste, est un autre bémol qui pourrait conduire à l’échec de ce futur pourparler.

MOYEN-ORIENT :

Samedi 15 février, le chef d’état-major adjoint de l’armée de l’air iranienne, le général Hamid Vahedi, a affirmé que les Mirage F1 disposaient dorénavant d’un nouveau radar de conception locale et pouvaient également  « emporter des armes de conception nationale ». Dans le contexte actuel de tensions avec l’Iran, le caractère ostentatoire de ce maintien de capacités opérationnelles peut être perçu comme une démonstration de force. De plus, le secret entretenu sur les capacités du radar et la nature de l’armement à transporter attise l’inquiétude de la communauté internationale. L’histoire des engagements de ces avions iraniens de la firme française Dassault pourraient également être source de frictions.

  • En 1991, peu avant le lancement de l’opération « Tempête du Désert » visant à libérer le Koweït de l’emprise du régime de Saddam Hussein, 24 Mirage F1 de la force aérienne irakienne s’étaient envolés vers l’Iran afin d’éviter d’être détruits par la coalition emmenée par les États-Unis. Une fois les hostilités terminées, Téhéran avait décidé de conserver ces appareils à titre de « réparation » pour la guerre qui l’avait opposé à l’Irak durant les années 1980. 
  • En décembre 2014, la Tasnim News Agency avait affirmé, citant un responsable du ministère iranien de la Défense, que des tentatives avaient été faites pour mettre au point un « missile de croisière pouvant être emporté par des avions de combat Mirage ». Les médias iraniens soulignent aujourd’hui que le Mirage F1 peut assurer des missions de défense aérienne et être utilisé pour faire de l’appui au sol.
  • Les circuits d’approvisionnement et de maintien de capacités opérationnelles iraniens ont soigneusement été gardés secrets, notamment parce que ces circuits enfreignent parfois le droit international en utilisant des entreprises écrans – comme ce fut dévoilé lors de la condamnation du britannique Alexander George pour trafic illégal d’armes. 

Comité de rédaction

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