- Emma, comment es-tu devenue réserviste ?
Je suis devenue réserviste dans le cadre du parcours civique de Sciences Po qui s‘étale sur les trois années du collège universitaire. C’est la deuxième année que Sciences Po avait un partenariat avec la Gendarmerie nationale. Pour ma part, j’ai été envoyée dans le département de Seine-et-Marne qui recevait des réservistes pour la première fois dans le cadre de ce partenariat.
La formation pour devenir réserviste opérationnel consiste d’abord en un stage d’acculturation de trois semaines durant lesquelles nous visitons toutes les unités du département. Cela nous permet d’appréhender les spécificités de ces différents unités (maitres-chiens…) mais aussi le travail essentiel de coopération avec les partenaires de la Gendarmerie que ce soient les pompiers ou la Police nationale. Ce stage d’acculturation permet aussi de présenter les valeurs de la Gendarmerie, l’institution et son fonctionnement.
La seconde étape consiste en une formation opérationnelle d’une durée de deux semaines en caserne ; à la caserne militaire de Beynes dans les Yvelines pour ma part. Nous y sommes formés aux règles militaires et aux techniques d’intervention avec et sans arme sur ce qu’on appelle en gendarmerie « l’adversaire ». Un moment crucial de la formation est également l’apprentissage et l’obtention du certificat d’aptitude à la pratique du tir (CIAPT). Il se divise en deux volets : le premier juridique et théorique (montage et démontage de l’arme) et le deuxième pratique (tir sur cible). L’accent est mis sur le cadre légal d’usage des armes à feux et l’apprentissage des bons gestes de manipulation et de sécurité.
A l’issue de ces deux semaines de formation, nous sommes capables d’être envoyés en missions opérationnelles auprès des personnels d’active. Selon nos disponibilités, nous choisissons des périodes de réserve sur le site Min@utore. Nous pouvons être déployés sur l’ensemble du département, tant dans des petites brigades que dans des compagnies (Meaux, Fontainebleau, Melun, Provins pour la Seine-et-Marne).
- Quelles étaient tes motivations ?
Mon parcours de réserve s’inscrit dans mon projet professionnel qui est de devenir officier de gendarmerie ou commissaire de police. Cette formation de réserviste est un réel atout car elle m’a permis de découvrir le fonctionnement de la Gendarmerie et le travail quotidien du gendarme. Cette expérience pourra me permettre de mieux aborder mes potentielles fonctions futures.
- Pourquoi avoir choisi de faire de la réserve en gendarmerie en particulier ?
Il n’y a pas de réserve citoyenne opérationnelle en Police nationale donc la gendarmerie était l’option principale pour découvrir réellement le métier. Partageant les valeurs de la gendarmerie et désirant contribuer à la protection des citoyens, j’ai voulu m’investir et donner de mon temps à cette mission de service publique qui me semble essentielle à la garantie des libertés individuelles et collectives du citoyen.
- A quelles missions as-tu pris part ? Quelles sont les activités d’un.e jeune réserviste dans la gendarmerie ?
Les missions sont diverses et dépendent de la spécificité du département dans lequel le réserviste est affecté. J’ai, par exemple, réalisé des missions BSM c’est-à-dire des missions de sécurité dans les transports en commun et dans les gares, qui sont menées par patrouilles autonomes de réservistes. En effet, le réseau de transports en commun d’Ile-de-France nécessite une vigilance particulière. En outre, le but de la réserve est, aussi et surtout, de renforcer les brigades territoriales. Dans ce type de mission, on se porte volontaire dans différentes brigades pour faire des journées complètes en patrouille où l’on intervient réellement aux côtés de l’active. Les réservistes sont également souvent appelés sur des missions de sécurisation d’événements exceptionnels comme pour le Tour de France ou des marchés de Noël de villages. Il y a aussi des missions inter-régionales en Etat-major ou de police route… La diversité des missions est particulièrement enrichissante. Chaque réserviste a un parcours différent et plus il acquière de l’expérience plus il sera un atout pour l’active et sera en mesure d’agir sur le terrain.
L’une des difficultés en tant qu’étudiante est de réussir à jongler entre les cours, le travail personnel et les missions en brigades. C’est pour cela que j’effectuais principalement ces dernières durant les week-ends ou les vacances scolaires. Il faut savoir être bien organisé et anticiper les obligations académiques car on se porte volontaire 1 mois auparavant, sans par ailleurs avoir la certitude d’être retenu pour la mission.
- Que t’a apporté la réserve ? Des éléments t’ont-ils surprise ?
La réserve de la gendarmerie nationale apporte sur le plan personnel un enrichissement conséquent. Grâce à cette dernière, j’ai découvert que j’étais capable de faire des choses dans l’action et sous pression. Être gendarme réserviste renforce la confiance en soi, la capacité à gérer le stress, à faire confiance aux autres et à coopérer car en patrouille l’esprit d’équipe est l’une des choses les plus essentielles. Ce fut un accomplissement personnel dans le sens où je ne me serais jamais imaginée capable de porter l’uniforme et d’adopter une posture d’autorité pour faire respecter les lois.
La réserve permet aussi un apport en tant que citoyenne en s’engageant pour l’ensemble de la population présente sur le territoire national. Elle permet avant tout de se sentir utile aux autres tout en en faisant face aux problèmes sociétaux. Lors des missions, nous sommes souvent confrontés à la misère sociale ce qui permet d’aborder sa vie citoyenne avec beaucoup d’humilité, notre but étant d’aider le citoyen. Enfin, cette expérience permet de porter un regard complètement différent, notamment sur les questions juridiques et de sécurité, en étant plus ouverts, mieux informés et plus en phase avec la réalité de terrain.
Je dirais que j’ai été surprise par la bienveillance des gendarmes et la bonne ambiance dans les brigades. Les gendarmes plus âgés en particulier souhaitent nous apporter de leur expérience et nous apprendre leur métier. La seconde chose qui m’a surprise est le changement de regard de la population à l’instant où l’on porte un uniforme. Force est de constater la méfiance de certaines parties de population qui perçoivent en la figure du gendarme une potentielle menace.
- Qu’as-tu pensé de ton expérience et souhaites-tu la poursuivre après ton retour de 3A ?
Je suis très contente de mon expérience qui correspondait à mes attentes. Ce sont des missions gratifiantes sur le plan personnel et on se sent utile et engagé dans une cause qui en vaut le coup.
Oui, je souhaite poursuivre la réserve après mon retour de 3A ! La première année, nous signons un contrat d’une durée d’un an que nous renouvelons par la suite mais cette année a été assez mouvementée avec le coronavirus. Beaucoup de nos missions dans le département ont été supprimées bien que nous ayons pu nous porter volontaires sur certaines missions pour aider à la lutte contre l’épidémie. En tout cas, je souhaite totalement poursuivre mon engagement, a minima pendant mon master avant de passer le concours de commissaire de police ou d’officier de gendarmerie.
- As-tu des conseils à donner pour ceux qui souhaiteraient rejoindre la réserve ?
Il ne faut pas hésiter à s’engager dans son département lorsqu’on en a l’opportunité. C’est d’autant plus intéressant lorsqu’on a une brigade de gendarmerie à côté de chez soi car cela permet de vraiment connaître le territoire dans lequel on peut être déployé.
De plus, il n’y a pas à hésiter lorsqu’on est une fille ; dans la plupart des cas, il n’y a vraiment aucune différenciation lors de l’intégration, de la formation ou sur le terrain. Nous ne sommes jugées que sur la qualité du travail fourni ainsi que son degré d’engament donc il n’y a pas d’appréhension à avoir sur ce point.
Enfin, il ne faut pas hésiter à demander conseil lors des premières missions. L’important est de montrer que l’on est volontaire et lorsqu’on ne sait pas faire une chose, il faut demander. Dans l’ensemble, les gendarmes d’active sont là pour nous aider de même que les gendarmes réservistes plus gradés qui nous apportent l’expérience nécessaire à la bonne réalisation de ces missions de services publics.
- Concrètement, comment peut-on participer au partenariat Sciences Po – Gendarmerie nationale ?
Lors de la présentation du parcours civique, il y a plusieurs réunions de présentation notamment avec les acteurs du partenariat. Pour la Gendarmerie nationale, un mail vous sera envoyé et il faudra vous porter volontaire pour assister à une réunion d’information dans un des bâtiments de la Garde nationale lors de laquelle toutes les informations nécessaires vous seront fournies. Ensuite, des documents vous seront renvoyés pour s’assurer que vous voulez faire partie de la réserve puis le processus est pris en charge par Sciences Po.
Propos recueillis par Chloé Mazari