Veille stratégique – Avril 2021 (1/2)

Russie / NEI

Tensions militaires entre la Russie et l’Ukraine

La Russie semble masser des troupes à la frontière de l’Ukraine. Plusieurs médias font en effet état de mouvements dans les villes à proximité de la frontière est de l’Ukraine ainsi qu’en Crimée. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov a répondu aux accusations de « provocation » exprimées par le président ukrainien Volodymyr Zelensky en affirmant que la Russie était libre de déplacer ses troupes au sein de son territoire. Toutefois, un haut fonctionnaire de l’administration présidentielle russe, Dmitri Kozak, maintient que la Russie pourrait intervenir pour « défendre » les Russes en Ukraine. Il affirme en effet que l’Ukraine s’apprêterait à purger les populations ethniquement russes. Les services de renseignement ukrainiens considèrent au contraire que, sous couvert d’aider les populations russes, la Russie cherche à « pénétrer plus loin dans le territoire ukrainien ». De leur côté, l’Union Européenne, les États-Unis et la France s’inquiètent des actions entreprises par Moscou. Le ministre des Affaires étrangères français Jean-Yves le Drian s’est entretenu le 9 avril avec ses homologues américains et allemands à la suite de quoi a été publié un communiqué rappelant « le plein soutien de la France à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine ».

  • Dans la région disputée du Donbass, à l’est de l’Ukraine, les tensions sont vives. Une vingtaine de soldats ukrainiens ont perdu la vie depuis le début de l’année 2021. Les deux camps s’accusent mutuellement d’être à l’origine de la montée des tensions. 
  • Depuis 2014 le gouvernement de Kiev ne maîtrise plus une partie de l’Ouest de son territoire qui est aux mains des séparatistes soutenus par Moscou, et qui ont formé les républiques populaires autoproclamées de Lougansk et Donetsk. Le conflit opposant le gouvernement central à ces séparatistes se poursuit et a causé plus de 14 000 morts depuis 2014.
  • La France, par le biais des rencontres au « Format Normandie » (avec l’Allemagne, la Russie et l’Ukraine), s’est impliquée pour trouver une solution pacifique au conflit. Elle tente de faire respecter les Accords de Minsk, signés en 2015 et instaurant un cessez-le-feu entre les belligérants. 

Vladimir Poutine signe la loi l’autorisant à se présenter pour deux mandats supplémentaires

Le Président russe Vladimir Poutine a signé le lundi 5 avril la loi lui permettant de se présenter pour deux mandats supplémentaires à la tête du pays. Cette loi avait été adoptée par le parlement russe en mars. Elle concrétise le référendum constitutionnel de l’été 2020 qui prévoyait entre autres « la réinitialisation des mandats » du président. La Constitution russe interdisait de réaliser plus de deux mandats consécutifs, mais la révision constitutionnelle de 2020 précise que cette restriction ne s’applique pas à ceux qui ont occupé le poste avant la révision.

  • Vladimir Poutine a été élu à la présidence pour deux mandats entre 2000 et 2008. Sous la présidence de Dmitri Medvedev entre 2008 et 2012 il a occupé le poste de Premier ministre. Il a ensuite été réélu pour un troisième et quatrième mandat en 2012 et 2018. 
  • Cette loi lui permettrait, en cas de succès aux élections présidentielles, de conserver son poste au Kremlin jusqu’en 2036 (le président russe est élu pour 6 ans).
  • La prochaine élection présidentielle en Russie devrait se tenir en 2024.

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Asie

Mer de Chine méridionale : le ton monte entre la Chine et les Philippines

Dimanche 4 avril, les Philippines ont mis en garde Pékin contre une escalade militaire en mer de Chine méridionale. « Nous sommes prêts à défendre notre souveraineté nationale et à protéger les ressources maritimes des Philippines » a déclaré le secrétaire à la Défense Delfin Lorenzana. Depuis mars, 220 « navires de pêche » soupçonnés d’appartenir à des milices chinoises ont jeté l’ancre près du récif de Whitsun, officiellement pour « se protéger des mauvaises conditions météorologiques » selon Pékin. « Le temps a été clément jusqu’à présent, ils n’ont donc aucune autre raison de rester là-bas. Ces navires devraient être sur le point de partir. Partez maintenant ! », a ajouté M. Lorenzana à l’encontre de la flottille, encadrée de bâtiments militaires chinois. En réponse, le ministère des Affaires étrangères chinois a appelé « les Philippines à cesser les allégations sans fondement sur la question de la mer de Chine méridionale ».

  • Cette situation rappelle les agissements de Pékin dans les années 1990 à l’égard de l’atoll de Mischief et de Scarborough en 2012. En effet, la Chine a déjà envoyé ses milices maritimes près des îlots et récifs philippins qu’elle convoitait, interdisant depuis aux Philippines l’accès ces récifs.
  • Les revendications chinoises en mer de Chine méridionale sont contestées par Brunei, la Malaisie, Taïwan, le Vietnam et les Philippines, et la Cour permanente d’arbitrage (CPA) de la Haye leur a dénié tout fondement juridique en 2016. Pourtant, Pékin continue de revendiquer plus de 80% de cette zone hautement stratégique , par laquelle transite plus de 40% du trafic maritime mondial et qui recèle de gisements sous-marins de pétrole et de gaz ainsi que de ressources halieutiques.
  • Bien que depuis 2016 un rapprochement avec Pékin eût été engagé par le président philippin Rodrigo Duterte, la posture offensive chinoise a fortement dégradé les relations entre les deux pays. Profitant de la situation, les Etats-Unis ont réaffirmé leur engagement à défendre les Philippines, conformément à la clause de défense mutuelle prévue par le traité de défense qui lie les deux pays depuis 1951.

Birmanie : enquête de l’ONU et preuves de violations des droits de l’homme

Mercredi 7 avril, le groupe de résistance nommé CRPH (Comité pour représenter le Pyidaungsu Hluttaw, l’organe législatif birman) a affirmé avoir reçu « 180 000 éléments […] montrant des violations à grande échelle des droits humains par les militaires ». Constitué de députés déchus du parti d’Aung San Suu Kui et agissant dans la clandestinité, ce groupe vise à rassembler les preuves d’exécutions extrajudiciaires, de tortures, de détentions illégales commises par la junte militaire afin de les transmettre aux enquêteurs de l’ONU.

  • En 2018, un mécanisme indépendant d’enquête des Nations unies sur la Birmanie a été créé après les exactions perpétrées par l’armée birmane sur la minorité musulmane rohingya. Le mécanisme indépendant d’enquête a alors commencé à rassembler des preuves sur les violations des droits de l’homme commises par la junte depuis le putsch du 1er février.
  • Selon l’Association d’assistance aux prisonniers politiques (AAPP), plus de 600 civils ont été tués par l’armée qui réprime férocement les manifestations contre le coup d’Etat. Parmi les victimes se trouvent au moins une cinquantaine d’enfants et d’adolescents. La junte, quant à elle, comptabilise 248 morts qu’elle qualifie de « terroristes » et environ 2 700 personnes ont été arrêtées. Une guerre civile pourrait bien se profiler alors que les manifestations et les grèves se poursuivent et que la répression se durcit.
  • Limogé par la junte mais toujours en fonction, l’ambassadeur birman à l’ONU, Kyaw Moe Tun a imploré la communauté internationale à passer à l’action en mettant en place « une zone d’exclusion aérienne » pour contrer les raids du régime contre des minorités, ainsi que des sanctions contre la junte et un embargo sur les armes. Cependant la communauté internationale reste divisée en raison des refus chinois et russe de sanctionner le régime. 

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Afrique

Le gouvernement du Niger dénonce une tentative de putsch

Mercredi 31 mars, le gouvernement nigérien a annoncé qu’un groupe de militaires avait tenté de s’emparer du pouvoir dans la nuit. Des tirs se sont fait entendre dans le quartier de la présidence à Niamey sans que le coup d’Etat puisse aboutir. Le cerveau de l’opération serait un officier de l’armée de l’Air nigérienne. Cette tentative de putsch est intervenue à deux jours de l’intronisation du président récemment élu Mohamed Bazoum.

  • Mahamane Ousmane, qui a été président du Niger de 1993 à 1996 avant d’être renversé par un coup d’Etat, et qui à s’oppose Mohamed Bazoum, conteste les résultats de l’élection présidentielle. La manifestation censée se tenir mercredi 31 mars à Niamey suite à son appel a pu être interdite par le gouvernement au motif des évènements de la nuit précédente.

Nouvel échec des négociations autour du remplissage du barrage de la Renaissance

Du dimanche 4 au mardi 6 avril, des négociations ont eu lieu à Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo (RDC), au sujet d’un potentiel accord de remplissage du barrage éthiopien de la Renaissance sur le Nil bleu. Présidés par la RDC en sa qualité de présidente de l’Union Africaine (UA), les pourparlers n’ont pas abouti et les ministres des Affaires étrangères des trois pays concernés n’ont même pas assisté à la lecture du communiqué final.

  • L’absence d’accord pourrait renouveler l’expérience d’un remplissage non-réglementé observé à l’été 2020. Mais alors que cette première retenue d’eau ne concernait que 4,9 milliards de mètres cubes et s’était avérée sans conséquences pour l’Egypte et le Soudan, la manœuvre prévue en juin prochain par l’Ethiopie concernerait 15 milliards de mètres cubes d’eau.
  • Le Caire et Khartoum craignent des répercussions sur le débit du Nil en aval. Les années à venir seront vraisemblablement encore plus problématiques puisque, à terme, le barrage doit retenir 74 milliards de mètres cubes d’eau.

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Amérique

Appel du Venezuela à une intervention onusienne de déminage à sa frontière avec la Colombie

Dimanche 4 avril, le président vénézuélien Nicolas Maduro a annoncé son intention de requérir l’aide des Nations unies pour désamorcer des champs de mines à la frontière avec la Colombie. Le chef d’Etat accuse des groupes de narcotrafiquants colombiens d’en être à l’origine. Ces dernières semaines, des combats ont eu lieu entre armée vénézuélienne et « terroristes » issus vraisemblablement de branches dissidentes des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc). Le bilan officiel avancé par le Venezuela fait état de quinze morts dont six militaires et neuf membres des groupes armés.

  • Les relations entre le Venezuela et la Colombie sont extrêmement tendues depuis 2019 et la reconnaissance par la seconde de l’opposant Juan Guaido comme président de la République.
  • L’appel a priori légitime à l’intervention des Nations unies permet à Nicolas Maduro de réinvestir la scène internationale dans son bon droit. Cela lui est d’autant plus facile que Juan Guaido n’a jamais été en mesure de prendre le pouvoir malgré le soutien de nombreux Etats.

Limogeage massif à la tête des armées brésiliennes

Mardi 30 mars, le président brésilien Jair Bolsonaro a limogé les chefs d’état-major des trois armées après que ces derniers se sont montrés trop solidaire du ministre de la Défense congédié la veille. En cause, le refus de ce dernier d’utiliser les forces armées brésiliennes pour appuyer des manifestations antidémocratiques ou encore de condamner la décision de la Cour suprême ayant rétabli les droits politiques de l’ancien président Lula.

  • Cette vague de renvois est un camouflet pour le président brésilien, visiblement lâché par une partie des militaires alors qu’il fait précisément d’eux l’un des piliers de son pouvoir.
  • Si des officiers généraux se détachent de lui, Jair Bolsonaro reste en revanche très populaire auprès des officiers subalternes et de la police militaire.

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Proche et Moyen-Orient

Visite de Lloyd Austin en Israël

Le dimanche 11 avril, Lloyd Austin, Secrétaire d’Etat à la Défense américaine, entame une tournée de deux jours en Israël. C’est la première visite d’un haut représentant de l’administration Biden au sein du pays. L’objet est de marquer l’alliance israélo-américaine comme un élément clé de la sécurité régionale, avec un engagement américain « fort envers Israël et le peuple israélien », pour reprendre les mots de Lloyd Austin ce dimanche. Son homologue, Benny Gantz, a déclaré après l’avoir accueilli à Tel Aviv qu’« Israël considère les États-Unis comme un partenaire à part entière sur tous les théâtres d’opérations », et a à ce titre notamment évoqué l’Iran.

  • Cette visite s’inscrit en parallèle des discussions autour d’un possible retour de la puissance américaine au sein de l’accord international de 2015 sur le programme nucléaire iranien.
  • Ces dernières semaines, Israël et l’Iran ont été à la source d’actes de sabotage mutuels, visant notamment plusieurs bateaux en mer, tandis que dans le même temps Israël tente de freiner la présence militaire iranienne en Syrie à travers des frappes aériennes qui lui sont imputées par le régime de Bachar Al-Assad.

Tensions entre l’Iran et Israël

Le 11 avril dernier, une panne de courant suspecte au sein du complexe nucléaire de Natanz, au sein de la province d’Ispahan, a amené Téhéran à évoquer un acte de sabotage israélien à son encontre. Ali Akbar Salehi, chef de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique, a parlé d’un « acte de terrorisme unilatéral ». Du côté israélien, la responsabilité de l’attaque n’a pas pleinement été niée, si bien que la visite actuelle du secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, en terres israéliennes, est accompagnée de remous médiatiques sur l’implication du pays dans l’incident. Les services de renseignement iraniens n’ont pas hésité à désigner le Mossad comme commanditaire de la cyberattaque, d’autant plus que celle-ci intervient seulement neuf mois après une explosion qui avait endommagé la même centrale.

  • Bien que mis en avant par la presse comme exceptionnels, ces événements s’inscrivent en réalité dans la continuité d’actes de sabotage réalisés par des acteurs régionaux souhaitant empêcher la « ligne Biden », prônant au sein de la zone un retour à la diplomatie classique.
  • Dans le même sens, les autorités iraniennes avaient pointé du doigt la responsabilité israélienne dans l’endommagement d’un de leurs navires militaires dû à une explosion, le Saviz, stationné en mer Rouge. Médias en ligne et responsables américains avaient alors mis en exergue une notification par l’Etat hébreu de ses intentions de mise en œuvre de l’attaque à Washington. Israël aurait ainsi réagi à l’attaque de deux de ses navires, les 26 février et 29 mars derniers, où l’Iran était déjà désigné responsable.
  • C’est plus profondément l’expansionnisme iranien dans la région auquel tente de s’opposer Tel-Aviv, inquiet des actions perses visant à contourner les sanctions internationales pesant sur Damas. Toutefois, comme l’affirme Assaf Orion, chercheur au sein de l’Institut israélien d’études sur la sécurité nationale, le risque d’escalade paraît faible, l’Iran privilégiant davantage la riposte sur d’autres fronts (cybersécurité, terrains extérieurs) que frontale. Quant à Israël, faire pression sur l’administration Biden en choisissant l’offensive pourrait s’avérer périlleux.

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Europe

La task-force Takuba a atteint fin mars sa pleine capacité opérationnelle, grâce à l’arrivée du contingent suédois. Afin d’acter cette étape majeure dans le développement de la task-force, les ministres de la Défense français, estoniens et tchèques ont effectué, du 31 mars au 2 avril, un déplacement commun au Mali. Selon la ministre des Armées Florence Parly, « cette étape est majeure d’un point de vue tactique et opérationnel ». La ministre a en outre souligné : « il s’agit également d’un symbole fort : des militaires européens combattent ensemble au Sahel contre les groupes armés terroristes ». Lancée le 27 mars 2020 à l’initiative de la France, la task-force Takuba fait partie de l’opération Barkhane. Les trois task-groups (franco-estonien, franco-tchèque et franco-suédois) qui la constituent ont pour objectif d’aider, conseiller et accompagner (Assist, Advise, Accompagny) la montée en gamme des forces maliennes. A travers cette fonction de mentoring, la task-force cherche à renforcer la lutte contre le terrorisme dans la région. Enfin, elle représente également un « laboratoire d’intégration au combat » pour les Etats européens qui y participent.  

  • Quatre pays européens sont actuellement engagés dans la task-force Takuba : la France, l’Estonie (dont le contingent a été déployé dès l’automne), la République Tchèque et la Suède.
  • L’Italie et la Grèce devraient envoyer des hommes d’ici la fin de l’année 2021. Par ailleurs, jeudi 8 avril, le gouvernement danois a également confirmé être d’accord pour envoyer un contingent d’une centaine de personnes. Ce contingent serait composé de forces spéciales, d’une unité chirurgicale et d’officiers d’état-major. Il pourrait être déployé en 2022. Cette décision doit cependant être approuvée au Folketing (le parlement danois).
  • Enfin, des officiers danois, belges, néerlandais et portugais sont présents au quartier général de la force à N’Djamena ou à Gao. Si ce déploiement est d’une utilité opérationnelle limitée, il permet aux officiers concernés d’enrichir leur connaissance du terrain et de favoriser l’interopérabilité des forces.

 

Cette veille a été rédigée par Claire, Rhéa, Théo, Gaspard et Maëlle

Comité de rédaction

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