FRANCE
À l’Élysée, l’organisation d’une conférence internationale pour Gaza ou la réaffirmation de la position d’équilibre française
Le jeudi 9 novembre s’est tenue dans le palais présidentiel une conférence internationale en faveur de la population de Gaza. Celle-ci a été organisée dans l’urgence à la demande d’Emmanuel Macron. L’événement a reçu un accueil mitigé, tant auprès des pays arabes – doutant de son utilité – que des alliés occidentaux les plus favorables à Israël. Ainsi, les premiers n’ont été représentés par aucun chef d’État à Paris, tandis que les seconds ont été nombreux à privilégier l’envoi d’une simple délégation ministérielle voire diplomatique. Malgré tout, on dénombre environ 80 organisations et pays participants. En ouverture de la conférence, Emmanuel Macron a appelé pour la première fois au cessez-le-feu dans la région. Les discussions ont en outre permis de rassembler des promesses de soutien humanitaire à hauteur d’un milliard d’euros, et d’étudier des pistes concrètes d’acheminement de l’aide internationale vers l’enclave. La France, quant à elle, s’est engagée à fournir 100 millions d’euros en faveur de la population de Gaza.
- L’événement a été l’occasion pour Emmanuel Macron de réaffirmer la position diplomatique d’équilibre officiellement prônée par la France, entre soutien à Israël et défense des populations civiles palestiniennes. Il s’agit là d’une réponse indirecte à l’agacement de plus en plus prononcé qui agite les rangs diplomatiques, dénonçant notamment un trop grand alignement sur la politique de l’État hébreu. Alignement qui risquerait, selon eux, de détériorer durablement l’image française auprès des pays arabes.
- La volonté de réorienter le discours national en direction de l’aide apportée aux habitants de Gaza avait déjà irrigué le récent voyage présidentiel au Proche-Orient, particulièrement en Cisjordanie, en Jordanie et en Égypte. Emmanuel Macron avait ainsi annoncé l’envoi d’un « navire-hôpital », le porte-hélicoptères amphibie Tonnerre, en Méditerranée.
- Toutefois, la proposition faite par le président français à Benyamin Netanyahou de créer une coalition internationale contre le Hamas a perturbé l’effort de recentrage rhétorique en faveur de la population palestinienne, cette proposition étant particulièrement mal perçue par les pays arabes.
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EUROPE
L’Allemagne réaffirme son intérêt pour le SCAF
Le 1er novembre, le magazine britannique The Times a publié un article laissant entendre que l’Allemagne pourrait se retirer du projet du Système de combat aérien du futur (SCAF), une hypothèse réfutée deux jours plus tard par Berlin. En parallèle, le chef de la force aérienne allemande (Luftwaffe) a annoncé vouloir accélérer la mise au point de certains composants du SCAF comme les drones de combat.
- Lancé en 2017, le SCAF est censé remplacer le Rafale français et l’Eurofighter allemand et espagnol à partir de 2040. Il est cependant concurrencé par le programme Global combat air (GCAP) porté par le Royaume-Uni, l’Italie et le Japon.
- Selon The Times, l’Allemagne aurait justement envisagé de rejoindre le GCAP, une décision motivée par les retards du SCAF, l’augmentation des coûts et les tensions entre les industriels franco-allemands.
- Interconnectés via un cloud de combat aérien, les drones accompagneront l’avion de combat de nouvelle génération (Next Fighter Generation) en faisant de la reconnaissance, du brouillage de radars ou encore en effectuant des frappes.
L’Europe spatiale relancée à Séville
Les vingt-deux pays membres de l’Agence spatiale européenne (ESA) se sont réunis à Séville les 6 et 7 novembre. Alors que l’Europe est en retard dans le secteur, un accord a été retenu pour maintenir son accès autonome à l’espace et moderniser sa stratégie. Les ministres se sont notamment accordés sur l’ouverture à la concurrence du marché des nouveaux lanceurs, ainsi que sur le lancement d’une compétition entre industriels pour fournir un cargo réutilisable chargé de ravitailler la station spatiale internationale (ISS).
- A l’ère du New Space et de la recomposition de la géopolitique spatiale, plusieurs observateurs ont considéré que le sommet de Séville était un moment décisif. Dominé par les États-Unis, le secteur est marqué par une compétitivité accrue caractérisée par les ambitions chinoises et indiennes.
- L’Europe est confrontée à une crise des lanceurs et doit désormais faire appel à Space X. Alors que le dernier vol de la fusée Ariane 5 a eu lieu en juillet dernier, Ariane 6 ne sera pas opérationnelle avant 2024. Le lanceur Vega-C rencontre quant à lui des difficultés techniques tandis que les fusées Soyouz ne sont plus utilisables depuis le début de la guerre en Ukraine.
- Afin de garantir sa viabilité économique, un accord a été trouvé pour subventionner Ariane 6 à hauteur de 340 millions d’euros par an jusqu’en 2030. Les pays membres se sont également engagés à commander quatre lancements institutionnels par an à Ariane 6 en contrepartie d’une baisse des coûts de 11%.
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AMERIQUES
Vol inaugural du B-21 « Raider », futur bombardier stratégique de l’US Air Force
Le 10 novembre a eu lieu entre la base de Palmdale et celle d’Edwards en Californie le premier vol du B-21 “Raider”, futur bombardier stratégique de l’armée de l’air américaine. Présenté pour la première fois au public en décembre 2022, le B-21 “Raider” a vocation à remplacer le B-2 “Spirit”, développé comme lui par Northrop Grumman.
- Le B-21 est un avion furtif ayant vocation à transporter des charges utiles lourdes, en particulier des armes thermonucléaires.
- D’après le Secrétaire à la Défense américain Lloyd Austin, le B-21 « Raider » se démarquerait de son prédécesseur par ses matériaux “plus résilients” et la possibilité d’intégrer de “nouvelles armes qui n’ont pas encore été inventées”.
- Selon Northrop Grumman, ce bombardier sera le “composant principal d’une plus grande famille de systèmes qui fourniront des renseignements, des capacités de surveillance et de reconnaissance, d’attaque électronique et de mise en réseau multi-domaines”.
- Le coût de production d’un B-21 “Raider” est estimé par l’US Air Force à 692 millions de dollars. La commande initiale passée par les autorités américaines est de 100 avions, affectés en priorité à la base aérienne d’Ellsworth dans le Dakota du Sud.
- Malgré ces coûts de production conséquents, le B-21 se distingue par une maintenance plus simple et moins onéreuse que celle des bombardiers stratégiques actuels.
Perturbations du processus de paix entre l’État colombien et les forces paramilitaires
Le père du footballeur Luis Diaz, enlevé le 28 octobre par les paramilitaires colombiens de l’Armée de Libération Nationale (ELN), a été libéré jeudi 9 novembre après d’intenses tractations avec les autorités colombiennes. L’autre principale faction armée dissidente au sein du pays, l’EMC-FARC, a elle annoncé dimanche 5 novembre sa décision de quitter la table des négociations de paix, lancées il y a près d’un an par le président Gustavo Petro.
- L’enlèvement très médiatisé du père de Luis Diaz a mis en péril le processus de paix et l’accord de cessez-le-feu en place depuis le 3 août. Gustavo Petro a ainsi déclaré que cet enlèvement avait rompu la « confiance » entre les parties.
- Dans un communiqué, le groupe EMC-FARC justifie sa décision de quitter la table des négociations par des “manquements” à l’accord conclu avec le gouvernement, sans toutefois en préciser la nature exacte. Pour le groupe paramilitaire, la “non-conformité” de l’Etat aurait été “totale”, le gouvernement continuant de “privilégier une vision militariste” dans les territoires où le groupe est présent.
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RUSSIE/NEI
Jeux d’influence en Asie centrale
Alors que le front russo-ukrainien s’est figé dans une guerre de positions, Moscou tente d’affirmer et de développer sa coopération avec les Etats post-soviétiques d’Asie centrale, en réaction aux sanctions économiques occidentales. En visite au Kazakhstan le 9 novembre, Vladimir Poutine a qualifié cet État de “plus proche allié” de la Russie, en affichant une volonté de développer leur coopération gazière, nucléaire et hydroélectrique. Le même jour, un sommet de l’Organisation de Coopération Économique (OCE) s’est tenu en Ouzbékistan, lors duquel des partenariats énergétiques régionaux ont également été discutés. Le sommet a par ailleurs pris une tournure ouvertement anti-occidentale, lorsque les présidents turc et iranien ont critiqué le soutien américain et européen envers Israël.
- L’OCE, fondée en 1985 et siégeant à Téhéran, se compose de dix Etats membres, principalement d’Asie centrale, ainsi que l’Iran, la Turquie et le Pakistan. Leur coopération répond à des intérêts stratégiques, comme favoriser l’accès des pays enclavés à la mer via le Pakistan, projet à l’ordre du jour le 9 novembre.
- Si l’influence russe reste importante dans la région, plusieurs Etats tentent actuellement de multiplier leurs partenariats, notamment avec des pays occidentaux. Ainsi, début novembre, Emmanuel Macron s’est déplacé au Kazakhstan et en Ouzbékistan, d’une part pour appuyer la vente d’une centrale nucléaire au Kazakhstan, d’autre part pour bénéficier des métaux rares dont regorgent les sous-sols de ces pays, ressources de plus en plus critiques.
Un pas de plus pour l’Ukraine vers l’intégration européenne
Le mercredi 8 novembre, la Commission européenne a recommandé l’ouverture des négociations pour l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne. S’il est très peu probable que cela change la donne du conflit, cette recommandation fait figure de double reconnaissance. D’une part, les nombreuses réformes mises en œuvre par l’Ukraine pour correspondre aux normes européennes, efforts importants alors même que le pays est en guerre, sont bien prises en compte. D’autre part, le statut de l’Ukraine comme un État légitime et indépendant de la Russie est réaffirmé par l’UE.
- Depuis la révolution de Maïdan de 2014, dont la revendication principale était de rapprocher l’Ukraine de l’UE, le pays fait de nombreux efforts pour intégrer l’Union, processus que l’invasion russe a accéléré.
- Cependant, même si l’Ukraine répond désormais à de nombreuses normes européennes (notamment au niveau législatif et médiatique), il lui reste des progrès à faire dans plusieurs domaines pour satisfaire les conditions d’intégration : la protection des minorités nationales, la lutte contre la corruption et la destruction des structures oligarchiques.
- Le 8 novembre, la Commission a également recommandé que débutent les négociations pour l’élargissement à la Moldavie, ainsi que celle de la Bosnie-Herzégovine sur le plus long terme .
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AFRIQUE
Un rapport parlementaire dresse un état des lieux implacable de la politique africaine de la France et propose des pistes pour la faire évoluer
Le 8 novembre 2023, les députés Bruno Fuchs (MoDem) et Michèle Tabarot (LR) ont présenté un rapport sur la politique française en Afrique. Les deux députés y pointent notamment le double standard pratiqué par Paris, qui continue de soutenir le régime autoritaire de Mahamat Idriss Déby Itno au Tchad mais condamne les coups d’État militaires au Mali, au Burkina Faso et au Niger. De tels positionnements rendent selon eux la politique française illisible et nourrissent la défiance des populations africaines. Les auteurs dénoncent également le manque de connaissances des décideurs français et la prééminence du ministère des Armées sur le Quai d’Orsay en ce qui concerne les sujets touchant à l’Afrique. Enfin, Bruno Fuchs et Michèle Tabarot critiquent l’Agence Française de Développement (AFD), disposant d’importants moyens mais souffrant paradoxalement d’un manque de visibilité sur place. Afin de remédier à ces problèmes, ils proposent par exemple de créer une filière spécialisée sur l’Afrique au ministère des Affaires étrangères et de nommer des ambassadeurs issus des diasporas. Concernant l’AFD, les deux députés préconisent de renforcer sa communication sur ses projets pour améliorer la visibilité de la France.
- Les derniers coups d’État au Sahel ont provoqué la fin de l’opération militaire française Barkhane en août 2022 et le retrait progressif des troupes françaises qui y étaient déployées. La présence française au Sahel se limite désormais au Tchad, abritant près de 1000 militaires.
- Le rejet de la présence militaire française, qui s’exprime également de manière plus parcellaire au Sénégal par exemple, a imposé une refonte de la stratégie française sur le continent, où les troupes stationnées sont en train d’être réduites.
- La France dispose aujourd’hui de forces prépositionnées au Gabon (350), au Sénégal (400), en Côte d’Ivoire (900) et à Djibouti (1500).
La guerre fait rage entre l’armée malienne et la rébellion touareg
Le 7 novembre 2023, dans le cadre de leur lutte contre les mouvements rebelles touareg, des drones d’origine turque de l’armée malienne ont frappé des individus situés à proximité de deux bases militaires ainsi qu’une réunion de notables, à Kidal. Les forces maliennes et les groupes rebelles touareg se disputent actuellement le contrôle des bases du Nord Mali, qui viennent d’être désertées par la Minusma (mission des Nations unies au Mali) après que la junte malienne a demandé aux forces onusiennes de quitter le pays en juin 2023. Après être parties de Gao, au Nord-Est du Mali, les forces maliennes ont repris la base de Tessalit le 21 octobre. L’armée malienne a ensuite effectué des premières frappes contre les combattants touareg à Kidal dans la nuit du 3 au 4 novembre.
- La plupart des groupes politico-militaires touareg et arabes, en rébellion avec le pouvoir central malien, se sont regroupés au sein du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD) depuis que l’armée malienne a réengagé le combat contre les forces rebelles pour reprendre le contrôle de la partie septentrionale du pays.
- Les forces maliennes rompent ainsi les Accords d’Alger de 2015, qui prévoyaient une autonomie des territoires touareg à l’intérieur du Mali et l’intégration des rebelles à l’armée malienne.
- L’armée malienne est assistée de mercenaires du Groupe Wagner dans ses opérations au Nord du pays.
- Les rebelles du CSP-PSD sont pour leur part soutenus officieusement par le Groupe de soutien de l’Islam et des musulmans, affilié à Al-Qaida. Son chef, Iyad Ag Ghali, est ainsi lui-même un ancien rebelle touareg.
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ASIE
Le Myanmar accueille un exercice naval conjoint avec la Russie
Du 6 au 9 novembre, le Myanmar a organisé son premier exercice naval conjoint avec la Russie, selon les médias d’État. Les deux nations ont effectué des manœuvres dans la mer d’Andaman, à 157 kilomètres (85 miles) à l’ouest de Myeik, dans l’extrême sud du Myanmar.
- La Russie est l’un des principaux soutiens et fournisseurs d’armes de la junte militaire du Myanmar, qui a pris le pouvoir et évincé le gouvernement élu d’Aung San Suu Kyi en février 2021. Selon le rapporteur spécial du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unis pour le Myanmar, le pays aurait acheté pour plus 406 millions de dollars d’armes et de matériels militaires auprès de la Russie.
- L’exercice conjoint a impliqué des avions et des navires de guerre et s’est concentré sur la défense contre les menaces aériennes, maritimes et terrestres, ainsi que sur d’autres mesures de sécurité maritime.
- Ces exercices interviennent à un moment où l’armée du Myanmar doit faire face aux offensives coordonnées des combattants de la résistance pro-démocratique et des organisations armées des minorités ethniques qui se sont emparées de villes stratégiques dans la région septentrionale de Sagaing et dans l’État de Shan, à l’est.
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AFRIQUE DU NORD/MO
Sur pressions américaines, Israël cède des « pauses humanitaires » limitées au nord de Gaza
La Maison Blanche a annoncé qu’à partir du 9 novembre, Israël consentait à instaurer des « pauses humanitaires » quotidiennes pendant 4 heures au nord de l’enclave palestinienne. Le porte-parole de Tsahal a toutefois précisé que ces trêves seraient « locales, limitées géographiquement et en termes de durée ». En parallèle, le premier ministre israélien Netanyahu a déclaré pour la première fois qu’Israël « ne cherchait pas à gouverner Gaza » ni à l’« occuper » mais a réaffirmé son refus catégorique d’un cessez-le-feu, considérant qu’il constituerait une « reddition ».
- Cette annonce semble traduire la stagnation voire l’échec des négociations portées par le Qatar sur la libération d’otages en échange d’une trêve humanitaire. Depuis le début du conflit, on estime que 239 personnes sont encore retenues captives dans la bande de Gaza. S’agissant du nombre de déplacés à l’intérieur de l’enclave palestinienne, il s’élève désormais à 1,5 million de personnes sur les 2,4 millions d’habitants au total. Le corridor utilisé pour cet exode forcé permet depuis mercredi dernier à 50 000 personnes par jour de tenter de traverser la zone du nord au sud.
- L’administration Biden apparaît quant à elle déjà mobilisée pour réfléchir à l’après-conflit, malgré les réticences de son allié israélien. Le sujet a notamment fait l’objet d’une seconde tournée du secrétaire d’État Antony Blinken au Proche-Orient les 4 et 5 novembre. Il a affiché sa volonté de faire renaître la solution à deux États, alors que les dirigeants de la région accordent pour l’instant la priorité à l’établissement d’un cessez-le-feu.