Veille stratégique – Février 2024 2/2

FRANCE 

Le ministre des Armées alerte face aux menaces russes en mer Noire

Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu a alerté, dans un entretien radiophonique jeudi 22 février, sur les “tentatives de prises de contrôle” russes sur des patrouilles aériennes et maritimes françaises, évoquant un incident s’étant déroulé récemment. 

  • Monsieur Lecornu a révélé qu’un “système de contrôle aérien russe avait menacé d’abattre des avions français en mer Noire” alors que ces derniers se trouvaient dans une zone internationalement libre. 
  • L’Etat-major des Armées a par la suite communiqué plusieurs détails sur cet incident, précisant que l’appareil visé était un Awacs qui menait une “mission d’appréciation de situation dans les eaux internationales au-dessus de la mer Noire”, avant qu’une base russe ne l’ait contacté pour le sommer de quitter la zone.
  • Selon le même communiqué, l’échange radio se démarque par un ton particulièrement agressif. 
  • Le ministre a par ailleurs annoncé que la France avait continué à mener des opérations similaires dans la zone malgré les menaces russes.

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EUROPE

Les pays européens ancrent leur soutien à Kiev dans la durée

Alors que l’aide américaine est toujours bloquée au Congrès et que les troupes ukrainiennes sont en difficulté, les pays européens continuent de se mobiliser pour soutenir Kiev. Le 16 février, l’Allemagne et la France ont conclu des accords bilatéraux de sécurité avec l’Ukraine, qui seront valables pour une durée de dix ans et reconductibles tant que le pays ne sera pas membre de l’OTAN. Évoquant l’hypothèse d’une nouvelle agression russe, Paris et Berlin s’engagent notamment à consulter les autorités ukrainiennes sous vingt-quatre heures. Une coalition capacitaire co-pilotée par le Royaume-Uni et la Lettonie a par ailleurs été lancée le 15 février et ambitionne de livrer un million de drones à Kiev, dont les drones FPV (drones à vue à la première personne).

  • Les accords bilatéraux font suite au sommet de Vilnius de juillet 2023. Si l’OTAN n’a pas fourni de calendrier précis concernant l’adhésion de l’Ukraine, les membres du G7 se sont engagés à soutenir Kiev sur le long terme. En janvier, le Royaume-Uni a été le premier pays à conclure un accord bilatéral avec l’Ukraine.
  • Alors que l’accord franco-ukrainien comprend une aide militaire supplémentaire allant « jusqu’à 3 milliards d’euros » en 2024, l’Allemagne a annoncé un soutien militaire immédiat de 1,1 milliard d’euros. L’objectif est notamment de renforcer les capacités ukrainiennes dans le domaine de l’artillerie et la défense aérienne.
  • D’autres accords similaires sont en cours de négociation. Le 22 février, le Danemark a conclu à son tour un accord bilatéral de sécurité avec Kiev. Copenhague avait annoncé quelques jours plus tôt « faire don » de son artillerie, en l’occurrence de ses munitions, à l’Ukraine.

 L’UE lance une mission maritime en mer Rouge

Officiellement lancée par l’Union européenne le 19 février, la mission Aspides sera opérationnelle dans quelques semaines.  Alors que les rebelles Houthistes perturbent le trafic maritime depuis l’offensive du Hamas contre Israël en octobre dernier, l’opération permettra d’assurer la surveillance et la protection des navires commerciaux de la mer Rouge jusqu’au détroit de Bab el-Mandeb. La frégate allemande Hesse a déjà pris la direction de la mer Rouge le 8 février, tandis que la Belgique, la France et l’Italie – qui assurera le commandement opérationnel – ont également annoncé leur participation.

  • Prévue pour une durée d’un an et dotée d’un budget de 8 millions d’euros, la mission Aspides rejoindra la force multinationale de protection maritime lancée par les Etats-Unis en décembre dernier.
  • Si les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont mené des frappes contre les positions des Houthis au Yémen, la mission Aspides se veut purement défensive.
  • Initialement, il a été envisagé de rediriger la mission anti-piraterie Atalante.  Pour des raisons de politique intérieure, l’Espagne s’y était toutefois opposée et a annoncé ne pas prendre part à cette nouvelle mission de l’UE. 

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AMÉRIQUES

Les Etats-Unis opposent un nouveau veto à une résolution pour un cessez-le-feu immédiat  à Gaza    

Mardi 20 février, lors d’une réunion d’émergence au sujet de la crise au Moyen Orient, les quinze Etats siégeant au Conseil de sécurité de l’ONU ont voté un projet de résolution présenté par l’Algérie. Au cœur de la proposition de cette dernière, la réclamation d’un “cessez-le-feu immédiat” à Gaza. Dont il ne sera pas question, tout du moins pour le moment, puisque le veto des Etats-Unis a fait échouer l’initiative, qui avait réussi à rassembler , treize voix pour et une seule abstention de la part du Royaume Uni. 

  •  Annoncé depuis plusieurs semaines, le véto américain a néanmoins accru l’isolement diplomatique des Etats-Unis au sujet de la guerre au Moyen Orient, notamment en ce qu’il s’agit de la troisième proposition pour la résolution du conflit boycottée par Washington. 
  • A l’issue du vote, l’ambassadrice nord-américaine auprès des Nations Unies Conseil de sécurité, Linda Thomas Greenfield, a justifié son opposition par le risque qu’un cessez-le-feu immédiat aurait supposé pour les négociations en cours qui voient implique également Israël, l’Egypte et le Qatar au sujet des otages israéliens dans les mains de Hamas. Cependant, selon l’ambassadeur palestinien a l’ONU, Ryad Mansour,  les representants des deux derniers ont indiqué que ce n’était pas le cas.      
  • Face aux critiques internationales, tant de la part des chancelleries que des ONG impliquées sur le terrain, dont Médecins sans frontières et Amnesty, les Etats-Unis préparent et sponsorisent leur contre-proposition. 
  • En cours d’élaboration, le texte devrait prévoir, d’après les informations ayant fuité dans la presse, la suspension des combats pendant au moins six semaines , censée permettre la libération de tous les otages et l’accès de l’assistance humanitaire dans le territoire palestinien. La proposition contiendrait également l’opposition à une offensive israélienne majeure à Rafah.   
  • A ce stade, la date de soumission du texte au Conseil de sécurité de l’ONU  n’a pas encore été fixée, d’autant plus que les Etats-Unis ont exprimé , par la voix anonyme d’un officier de l’administration de Joe Biden, leur volonté de ne pas précipiter le vote, laissant au contraire le temps aux membres du Conseil de discuter de la proposition. Quant au message que le dessin américain souhaite transmettre en ce qui concerne son soutien à Israël, les analyses vont autant dans la direction d’une remise en cause historique que dans celle de la préservation du statu quo actuel.  
  • Outre le risque d’exacerbation de la catastrophe humanitaire en cours, la stratégie américaine a néanmoins peu de chances d’aboutir, puisque il est difficilement envisageable que la Russie et la Chine, toutes les deux membres permanents du Conseil de sécurité, appuient une proposition provenant de Washington.    

Le front sud-américain uni dans sa condamnation de l’action israélienne à Gaza   

Au cours de la conférence de presse censée clore sa participation au 37ème sommet africain qui s‘est tenu à Addis Abeba, le 18 février, le président bresilien Lula Da Silva a qualifié l’action israélienne dans la Bande de Gaza de “genocide”, comparant la situation du peuple palestinien a celle qui a eu lieu “quand Hitler decida de tuer les Juifs”.

  • Cette déclaration a suscité la colère du gouvernement israelien, qui a accusé le président bresilien de “banaliser” l’Holocauste de facon “immorale” et par la voix de son ministre des Affaires Étrangères,  M. Katz, a déclaré Lula “persona non grata”, mesure qui restera en vigueur jusqu’à ce que celui-ci ne décide de s’excuser pour ses mots. Le Brésil a rappelé en réponse ses représentants à Tel Aviv pour des consultations.     
  • Loin de représenter une voix solitaire sur le continent, la position brésilienne est symptomatique du malaise de la plupart des Etats d’Amérique du Sud,  à l’exception notable de l’Argentine du néo-président Milei, vis-à-vis de la réponse israélienne aux attaques du 7 octobre 2023. D’après l’ancien président du Dialogue Inter-américain, la critique à l’égard de l’intransigeance de Netanyahu dépasse le clivage gauche-droite. Menaçant de s’étendre rapidement au sein de l’Amérique Latine, cette crise diplomatique témoigne de l’échec israelien dans la promotion de sa cause dans le Sud global.
  • Le lendemain de l’intervention de Lula, le président colombien, Gustavo Petro, et celui de la Bolivie, Luis Arce, ont exprimé promptement leur solidarité sur les réseaux sociaux à l’égard de leur homologue, en le félicitant pour avoir eu le courage de dire  et de défendre la vérité. Le président du Venezuela, Nicolas Maduro,  dont le gouvernement est en train de durcir la répression contre l’opposition, a repris ses mots en renforçant le parallèle entre Hitler et les responsables du gouvernement israelien. 
  • Plus indirectement, le Mexique et le Chili, ont sollicité la Cour Pénale Internationale de La Haye afin qu’elle enquête sur de possibles crimes commis par Israël à l’égard des civils palestiniens, dont pourtant l’Etat hebreu ne reconnaît pas la juridiction. 

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RUSSIE/NEI

L’armée ukrainienne se retire de la ville d’Avdiivka

Samedi 17 février, l’armée ukrainienne s’est retirée d’Avdiivka, ville située à quelques kilomètres au nord de Donetsk. Cela représente une victoire symbolique pour l’armée russe, qui se livrait depuis octobre 2023 à un bras de fer avec l’Ukraine pour prendre l’agglomération. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’était rendu à Avdiivka en décembre 2023, exprimant sa volonté de conserver la ville. Les gains tactiques réels pour la Russie sont quant à eux, assez limités, si ce n’est qu’en reculant, les Ukrainiens atteindront moins facilement Donetsk, capitale séparatiste. Le nouveau commandant en chef de l’armée ukrainienne, Oleksandr Syrsky, a de son côté affirmé que ce retrait se justifiait par la préservation de la vie de ses soldats et le passage à des lignes de défenses plus solides, où les Ukrainiens ne risqueraient plus l’encerclement. 

  • Ce développement s’inscrit dans une conjoncture défavorable pour l’Ukraine. Après l’échec de sa contre-offensive estivale, l’armée ukrainienne rencontre des difficultés non seulement dans l’oblast de Donetsk, mais également sur d’autres points du front, tant au nord qu’au sud. 
  • Cette crispation de la défense ukrainienne semble liée à un manque croissant de moyens, notamment en termes de munitions et de soldats. Le blocage de l’aide américaine n’arrange en rien le cas ukrainien. 
  • Dans ce contexte difficile et après deux années de guerre, Kiev mise en outre sur la diplomatie : Volodymyr Zelensky a signé mi-février des accords de défense bilatéraux avec la France et l’Allemagne. 

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AFRIQUE

Le Rwanda, accusé d’ingérence en République Démocratique du Congo, de plus en plus isolé sur la scène internationale

Le 16 février, les présidents de la République Démocratique du Congo (RDC) et du Rwanda, Félix Tshisekedi et Paul Kagame, se sont entretenus afin de tenter d’enrayer la dégradation de la situation sécuritaire à l’Est de la RDC, sans s’accorder pour autant. Le gouvernement congolais accuse le Rwanda de soutenir militairement le mouvement rebelle tutsi du M23, ce que Kigali nie. Toutefois, les États-Unis, qui soutiennent pourtant habituellement le Rwanda, ont demandé à Kigali de retirer ses troupes de RDC pour mettre fin à l’aggravation des violences. Le 20 février, ils ont été suivis par la France qui a également demandé le départ des troupes rwandaises et l’arrêt des combats.

  • Un rapport d’experts des Nations Unis publié en décembre 2023 documente le soutien du gouvernement rwandais au M23.
  • Depuis 2021, le M23 multiplie les affrontements avec les forces armées de RDC dans la région du Nord-Kivu, à l’Est du pays, dont les sous-sols sont riches en minerais. Dernièrement, les rebelles tutsis concentrent leurs efforts sur la capitale régionale, Goma.
  • Les forces congolaises ne parviennent pas à venir à bout du M23, malgré l’appui de contingents militaires du Burundi et dernièrement d’Afrique du Sud.
  • Le Rwanda dénonce de son côté l’incapacité des autorités congolaises à assurer les droits des Tutsi de RDC.

La Somalie signe un accord de défense avec la Turquie

Le 21 février, le gouvernement et le parlement somaliens ont avalisé un accord de défense d’une durée de dix ans avec Ankara. Cette dernière aidera la Somalie à défendre ses côtes et appuiera la reconstruction des forces navales somaliennes.

  • Cet accord de défense s’inscrit dans un contexte de vives tensions entre la Somalie et l’Éthiopie après qu’Addis-Abeba ait signé un accord le 1er janvier 2024 avec le Somaliland lui garantissant un accès à la mer via le Golfe d’Aden. L’Éthiopie devrait en retour être le premier pays à reconnaître l’indépendance du Somaliland de la Somalie. De son côté, la Somalie ne reconnaît pas l’indépendance autoproclamée de son ancienne province et considère donc cet accord comme caduc.
  • La Turquie est un des principaux partenaires de la Somalie, notamment sur le plan économique. De plus, la Somalie accueille déjà la plus grande base militaire turque à l’étranger.

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ASIE

L’Australie prévoit une montée en puissance de sa flotte militaire

Le mardi 20 février, Canberra a présenté un plan visant notamment au renforcement significatif de sa marine. Les annonces réalisées portent sur une augmentation de 6,5 milliards d’euros des dépenses militaires, l’objectif étant de détenir à terme vingt-six grands navires de surface, contre onze actuellement. La flotte australienne atteindrait ainsi sa plus grande dimension depuis la Seconde Guerre mondiale. Ce plan, devant porter le budget national de défense à 2,4% du PIB, prévoit en outre de doter plusieurs bâtiments de missiles américains Tomahawk.

  • Le projet présenté s’ancre dans une logique régionale de course aux armements, symbolisée notamment par le renforcement de la puissance navale chinoise. Membre de l’alliance AUKUS aux côtés des États-Unis et du Royaume-Uni, l’Australie cherche dès lors à contrecarrer l’influence grandissante de Pékin dans la zone.
  • Pour de nombreux experts, pareil renforcement de la flotte de Canberra est d’autant plus essentiel que de nombreux projets de défense nationaux ont rencontré des dépassements de délai importants. Par exemple, le choix australien de renoncer à un accord passé avec la France pour se doter de trois sous-marins nucléaires américains a largement retardé la montée en puissance maritime du pays.

La junte birmane impose une conscription obligatoire d’au moins deux ans

En Birmanie, le service d’information du pouvoir putschiste a annoncé, samedi 10 février, l’application d’une loi exigeant des hommes de 18 à 35 ans et des femmes de 18 à 27 ans la réalisation d’un service militaire s’étendant au moins sur deux années. Cette loi avait été adoptée en 2010 mais jamais appliquée : elle prévoit la possibilité d’étendre la conscription à cinq ans, et d’emprisonner pour une durée équivalente ceux qui chercheraient à y échapper. La décision de la junte témoigne d’une nouvelle tentative de répondre aux nécessités et de mettre fin au conflit qui l’oppose à des groupes rebelles dans le pays depuis le coup d’État de 2021.

  • L’entrée en vigueur théorique de la conscription obligatoire se place dans le sillage de la prolongation, fin janvier, de l’état d’urgence en Birmanie, empêchant la tenue d’élections promises depuis l’arrivée au pouvoir des militaires.
  • Surtout, l’annonce du gouvernement putschiste intervient alors que ce dernier multiplie les revers militaires. Les groupes rebelles se sont ainsi emparés de plusieurs localités au cours des derniers mois, et notamment de la ville de Laukkai le 5 janvier dernier. Situation qui alimente les critiques à l’encontre du chef de la junte, Min Aung Hlaing, et favorise les désertions au sein de l’armée birmane : à la mi-janvier, 300 soldats ont par exemple choisi de fuir en traversant la frontière indienne. 

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AFRIQUE DU NORD/MO

Israël frappe près de Saïda et poursuit son escalade au Liban

 Lundi 19 février, les forces armées israéliennes ont lancé deux frappes aériennes sur la ville libanaise de Ghaziyeh, constituant une première depuis le début des échanges de tirs transfrontaliers avec le Hezbollah. L’une a touché un entrepôt de fabrication de générateurs et de pneus, tandis que l’autre est tombée à proximité d’une usine de marbre, causant d’importants incendies. De son côté, Tsahal affirme que la cible était un dépôt d’armes appartenant au groupe libanais soutenu par l’Iran. Ces frappes à près de 30 kilomètres de la frontière avec Israël constituent une escalade significative alors qu’elles s’enfoncent graduellement dans le territoire libanais. 

  • Ces nouvelles frappes actent une intensification des combats, alors que dix civils ont été tués la semaine précédente à Nabatiyeh, s’ajoutant aux 259 autres morts au Liban, pour la majorité des combattants du Hezbollah.
  • L’escalade se vérifie également dans la rhétorique des deux parties, le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant ayant menacé de déployer toute la force de son armée pour frapper jusqu’à Beyrouth, à seulement 45 km de Ghaziyeh. 
  • La France a pris la tête des efforts pour désamorcer les tensions et aurait proposé un plan de désescalade en trois phases. Il appellerait les deux parties à accepter un cessez-le-feu, le Hezbollah à se retirer de la frontière pour laisser place à l’armée libanaise, ainsi qu’à engager des pourparlers sur la délimitation de la frontière. Cette proposition reprendrait certaines conditions de la résolution du CSNU ayant mis un terme à la guerre de 2006 entre Israël et le Liban. 

Emma JOYEUX

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