Veille stratégique – Octobre 2/2

EUROPE

Le Royaume-Uni et l’Allemagne signent un accord de défense « historique »

Le Royaume-Uni et l’Allemagne ont signé un accord de défense inédit, mercredi 23 octobre 2024, visant à renforcer leur coopération militaire. Cet accord, intitulé « Trinity House Agreement », marque un tournant dans les relations entre Londres et Berlin en permettant, entre autres, des exercices militaires conjoints plus fréquents et l’utilisation d’une base écossaise par des avions allemands. Le renforcement du flanc oriental de l’OTAN face à l’augmentation des menaces, notamment de la Russie, est au cœur de cet accord.

  • Ce partenariat entend non seulement renforcer la sécurité de l’Europe de l’Ouest, mais aussi stimuler la croissance économique grâce à des initiatives telles que la construction d’une usine de canons d’artillerie en acier britannique, créant plus de 400 emplois.
  • Cet accord marque un rapprochement stratégique entre les deux pays après des années de tensions suite au Brexit, signalant une coopération militaire renforcée malgré la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.
  • En plus de sécuriser la façade nord de l’Atlantique, le Trinity House Agreement ouvre la voie à de nouvelles initiatives de défense, dont le développement d’armes de longue portée pour répondre aux menaces croissantes, notamment face aux actions militaires de la Russie en Europe de l’Est. (Le MondeLes Echos)

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AMÉRIQUES

Cuba en situation « d’urgence énergétique » 

Le 18 octobre, la principale centrale thermoélectrique du pays, située dans la province de Matanzas (à l’ouest de l’île), a subi un incident interne. Le réseau d’électricité s’est effondré sur l’ensemble du territoire. Le 20 octobre, Cuba a été confronté au passage de l’ouragan Oscar, avec des vents atteignant 130 km/h, dans une situation de panne d’électricité presque totale. Le 22 octobre, quatre jours après la panne, le gouvernement a annoncé le rétablissement du service d’électricité pour plus de 70% de la population.

  • Le président Miguel Diaz-Canel avait dénoncé le 17 octobre la « situation d’urgence énergétique » de Cuba face aux difficultés pour acheter le combustible nécessaire à l’alimentation de ses centrales. L’embargo imposé par les Etats-Unis à l’île depuis 1962 a en effet été renforcé par les administrations Trump et Biden. 
  • Dans cette situation de précarité énergétique, accentuée par un sentiment d’instabilité face aux phénomènes météorologiques, des troubles à l’ordre public se sont déclenchés le 19 octobre. L’île subit régulièrement des coupures d’électricité, pouvant durer plus de vingt heures par jour dans certaines provinces. (Le Monde , France 24)

Le Conseil de sécurité de l’ONU renouvelle le régime de sanctions sur Haïti 

Le 18 octobre, le Conseil de sécurité de l’ONU a unanimement adopté la résolution 2752 relative au renouvellement du régime de sanctions imposé à Haïti depuis octobre 2022. Haïti fait face à une recrudescence de violences liées à des gangs depuis 2021. Ces sanctions incluent un embargo mondial sur les armements et équipements militaires à destination de l’île, un gel des ressources financières et une interdiction de voyager visant sept patrons des différents groupes armés qui régissent l’île.
  • Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021, l’influence des gangs ne cesse de croître. La capitale de Port-au-Prince serait contrôlée à 80% par différents groupes armés. La situation s’est dégradée depuis la démission du Premier ministre Ariel Henry en février 2024, suite à des pressions et émeutes. Selon le dernier rapport du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, plus de 3 600 personnes ont été assassinées dans le pays lors du premier semestre 2024.
  • En complément du régime de sanctions pris par l’ONU depuis 2022, le déploiement d’une Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) avait été votée en 2023, dont la direction a été confiée au Kenya. Cependant, après un an, 500 militaires sur les 2500 envisagés ont été déployés et la situation reste critique. (IRIS , ONU)

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RUSSIE/ NEI

Sommet des BRICS à Kazan en Russie : un point de bascule du Sud Global ? 

La 16e réunion annuelle des BRICS s’est tenue du 22 au 24 octobre à Kazan, en Russie. Il s’agissait d’un sommet important pour Vladimir Poutine qui souhaite réfuter un éventuel « isolement diplomatique ». Pour la première fois, les BRICS+ se sont réunis au format « dix », incluant les cinq nouveaux pays devenus membres à part entière le 1er janvier 2024 (Égypte, Iran, EAU, Arabie saoudite et Éthiopie). Des représentants d’autres pays de l’Est et du Sud, intéressés par la coopération avec le groupe, étaient également présents. Au total, 36 pays et 6 organisations internationales, ainsi que le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, ont participé au sommet dont l’envergure a été soulignée par la Russie et la Chine.

  • Si la Russie souhaite incarner un leadership du « Sud Global », la Chine reste le fer de lance de l’organisation. La dédollarisation du monde au profit du yuan a été évoquée, ainsi que des mécanismes de paiements mutuels au sein des BRICS. Une alternative au système SWIFT a également été discutée. 
  • Le sommet a été marqué par de nombreuses rencontres bilatérales, notamment russo-chinoise et sino-indienne en marge du sommet des BRICS. La Chine et l’Inde ont ainsi trouvé un accord concernant leur litige frontalier. 
  • Alors que la crise au PMO a été abordée, le conflit russo-ukrainien a été éclipsé. « La crise ukrainienne n’est pas un problème central pour les BRICS » a déclaré le 24 octobre le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov. Parallèlement, la Chine a avancé un consensus sino-brésilien autour de la résolution du conflit.  
  • La création d’un statut de pays partenaire et l’adoption de nouveaux critères d’affiliation ont été débattus, parmi lesquels il n’y aurait pas de condition démocratique spécifique. Dans cette perspective, la Biélorussie, le Venezuela, et même les talibans afghans seraient intéressés. La Turquie souhaiterait également rejoindre les BRICS ainsi que la Malaisie, l’Azerbaïdjan et la Thaïlande. (TASSFrance InfoTASSBBC)

Guerre en Ukraine : l’escalade nord-coréenne

L’arrivée de milliers de soldats nord-coréens en Russie, confirmée par Washington, et leur probable utilisation en appui des troupes russes dans le conflit, est un signe inquiétant de l’internationalisation du conflit.

  • Depuis début octobre, au moins 3 000 soldats nord-coréens ont été déployés en Russie, principalement à Vladivostok, avant d’être répartis dans plusieurs sites d’entraînement. Ces troupes doivent intervenir en appui des forces russes en Ukraine, une première dans ce conflit, marquant une véritable internationalisation des combats.
  • Ce déploiement soulève des inquiétudes tant en Europe que dans la région indo-pacifique. Le Pentagone a averti que ces soldats seraient considérés comme des « cibles légitimes » sur le champ de bataille. Par ailleurs, la Chine, alliée de la Corée du Nord, pourrait se retrouver en difficulté, car elle tente de maintenir une image de médiateur tout en restant proche de Moscou et de Pyongyang.
  • L’un des enjeux majeurs est de comprendre ce que Moscou offre en échange de ce soutien militaire nord-coréen. Selon des sources locales ukrainiennes, la Corée du Nord fournirait également des volumes d’artillerie considérables, augmentant l’intensité des combats. En retour, il est probable que Pyongyang reçoive des technologies nucléaires russes, une perspective préoccupante pour la sécurité internationale. (Ouest France , Le Monde ) 

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AFRIQUE

Tchad : Réformes sécuritaires et tensions politiques 

Le 16 octobre, à son retour d’une mission aux Émirats arabes unis, le président de la République du Tchad, Mahamat Idriss Déby, a écarté par décret plusieurs hauts responsables des forces de défense et de sécurité. Ces évictions suivent celle du ministre de la Sécurité, qui avait été annoncée à la télévision d’Etat le 12 octobre dernier. Ces ajustements des forces de sécurité interviennent alors que la situation politique et sécuritaire se détériore au Tchad. En effet, dans le cadre d’une opération visant à effectuer des « fouilles systématiques » pour récupérer des armes et « sécuriser la ville de N’Djamena », des militaires ont été mobilisés dans la capitale. A cela s’ajoute « une recrudescence d’arrestations arbitraires et des détentions au secret par les services de renseignement au Tchad » selon l’Organisation mondiale contre la torture. Ces enlèvements orchestrés par l’Agence nationale de sécurité de l’État (ANSE) forment un véritable « système parallèle » qui opère « en dehors du cadre législatif », permettant à Mahamat Idriss Déby de se débarrasser de toute opposition. Un ancien prisonnier de l’ANSE a affirmé que ces arrestations marquent le commencement d’un régime totalitaire.

  • Suite à l’assassinat de son père par des rebelles, Mahamat Idriss Déby a pris la tête de la junte au pouvoir en 2021. En mai 2024, il a été officiellement déclaré président élu par le Conseil constitutionnel. Le parti d’opposition avait accusé Mahamat Idriss Déby d’avoir truqué les résultats et d’avoir réprimé violemment toute opposition. 
  • Le président du premier parti d’opposition au Tchad, Succès Masra, a annoncé le 20 octobre, refuser de participer aux élections législatives et communales prévues le 29 décembre. Dénonçant la possibilité de fraude à l’électorat, il a déclaré : « participer à ces élections revient à cautionner un résultat qui est déjà enregistré dans les ordinateurs du camp d’en face ». 
  • Le 21 septembre, un autre parti d’opposition, le GCAP, a menacé de ne pas participer aux élections. Inquiets du « climat délétère de dictature et de terreur », ils ont posé des conditions à remplir pour envisager leur participation. (RFILe Monde)

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ASIE

Un réchauffement des relations sino-indiennes sur le toit du monde ?

Le 23 octobre 2024, lors du sommet des BRICS à Kazan en Russie, les dirigeants chinois Xi Jinping et indien Narendra Modi se sont rencontrés pour la première fois en cinq ans, signalant peut-être un rapprochement entre les deux pays les plus peuplés du monde. Cette rencontre survient deux jours après un accord partiel concernant la frontière himalayenne disputée, une zone sensible où les tensions militaires avaient culminé en 2020, provoquant la mort de 20 soldats indiens et de 4 soldats chinois. Des troupes des deux côtés s’étaient de nouveau affrontées dans la région du nord du Sikkim en 2021, puis dans le secteur de Tawang de la frontière en 2022. Le mois dernier, le ministre indien des Affaires étrangères, avait déclaré qu’environ 75 % du « désengagement » à la frontière avait été réglé. Ainsi, cet accord prévoyant une répartition des patrouilles dans la zone tampon de la « ligne de contrôle » intervient après un long processus de tensions et d’apaisement, sans pour autant résoudre le différend de fond, un contentieux frontalier de 3 340 kilomètres.

  • Si cette rencontre marque une volonté des deux nations d’améliorer leurs relations, les différends de fond persistent, et l’accord paraît fragile. Malgré tout, ce dernier pourrait permettre de calmer une escalade militaire qui s’intensifie depuis 2020, alors que les deux pays renforcent leurs troupes sur place et que New Delhi accuse Pékin d’édifier des villages de peuplement près de la ligne informelle de démarcation.
  • L’annonce du rapprochement des deux géants asiatiques doit être comprise dans le contexte du sommet des BRICS de Kazan, où les deux puissances souhaitent projeter une image de coopération au sein de ce club géopolitique, bien que leurs visions pour les BRICS divergent. Ce dialogue sino-indien constitue aussi une petite victoire diplomatique pour la Russie, qui promeut un rapprochement stratégique avec la Chine et l’Inde afin de bâtir un bloc anti-occidental solide, bien que cette dynamique soit freinée par les tensions sino-indiennes structurelles.
  • Pour l’Inde, l’enjeu est également économique, alors que plusieurs médias, dont Bloomberg, ont rapporté que des entreprises indiennes exercent des pressions sur le gouvernement pour assouplir les restrictions imposées à la Chine, affirmant qu’elles nuisent aux industries de pointe en Inde, notamment dans le secteur des semi-conducteurs. Cependant, la ministre indienne des Finances, Nirmala Sitharaman, a déclaré mardi que l’Inde resterait prudente en assouplissant les restrictions sur les entreprises chinoises.
  • Enfin, il ne faut pas surestimer ce rapprochement comme un changement de politique pour l’Inde. En effet, le pays, tout en cherchant une entente temporaire avec la Chine, continue de diversifier ses alliances, notamment avec l’Occident, témoignant de sa stratégie de multi-alignement pour renforcer son poids diplomatique. (BBC-1BBC-2FranceInfo)

Regain de tensions en péninsule coréenne

Le 17 octobre 2024, la Corée du Nord a franchi une étape importante dans les tensions avec la Corée du Sud en inscrivant désormais cette dernière comme « Etat hostile » dans sa Constitution, une première depuis que les deux nations ont signé un accord inter-coréen en 1991 définissant leur relation comme spéciale et orientée vers la réunification. Ce revirement survient après une série d’incidents marqués, notamment le dynamitage par Pyongyang des deux routes et voies ferrées reliant les deux pays. Ces infrastructures, symboles de rares périodes de rapprochement depuis la fin de la guerre de Corée en 1953, sont désormais « complètement bloquées », renforçant la distance entre les deux Corées. Face à cette escalade, Pékin a appelé à une résolution politique de la situation, en quête d’apaisement sur la péninsule.
  • Cette inscription constitutionnelle intervient dans un contexte de recrudescence des tensions, exacerbées par des allégations de Pyongyang selon lesquelles Séoul aurait envoyé des drones au-dessus de la capitale nord-coréenne pour y disperser des tracts provocateurs. Ces accusations ont entraîné des menaces de représailles de la part de Kim Jong-un, qui a mobilisé ses troupes aux frontières, prêt à répondre militairement en cas d’autres incursions. En réponse, la Corée du Sud a intensifié sa surveillance et pris des mesures de sécurité dans les zones frontalières, considérant ces actions nord-coréennes comme un signal de refus de tout dialogue de paix.
  • Cette série de confrontations met en lumière le recentrage de la Corée du Nord vers une rhétorique de défense et de menace, visant à renforcer la loyauté interne en présentant la Corée du Sud comme un ennemi étatique, une rupture nette avec la vision d’une « unification fraternelle ».
  • Ce regain de tensions souligne également un tournant idéologique de Pyongyang, où le rêve de réunification cède progressivement la place à des alliances stratégiques avec la Russie et un partenariat crucial avec la Chine. Dans un contexte où les États-Unis et leurs alliés surveillent de près la région, le rapprochement entre la Corée du Nord, la Chine et la Russie pourrait remodeler l’équilibre des forces en Asie de l’Est, augmentant la pression sur Séoul, qui demeure fidèle à ses alliés occidentaux. (BBCFrance Info)

La Chine persévère dans ses intimidations autour de Taïwan

Le 23 octobre 2024, la Chine a de nouveau intensifié la pression militaire sur Taïwan en positionnant un porte-avions dans le détroit séparant les deux régimes, point névralgique des tensions bilatérales. Ce mouvement intervient une semaine après des exercices militaires d’encerclement organisés par Pékin, mobilisant des navires de guerre et un nombre record d’avions, et faisant suite à des manœuvres de tirs à munitions réelles proches des côtes chinoises. Le ministre taïwanais de la Défense, Wellington Koo, a déclaré que l’île surveillait de près ce porte-avions, alors que les autorités taïwanaises restent en alerte face à une potentielle escalade.
  • Les manœuvres record du 14 octobre faisaient suite à un discours du président taïwanais William Lai, dans lequel il s’était engagé à « résister à toute annexion ». La réaction de Pékin ne s’était pas fait attendre : la Chine a alors lancé des exercices militaires qualifiés de « punition » pour contrer cette déclaration, simulant des attaques terrestres, maritimes et aériennes sur l’île, que Pékin considère comme sienne.
  • Les tensions entre les deux rives du détroit se sont considérablement accrues depuis l’élection en 2016 de Tsai Ing-wen, issue du Parti démocrate progressiste (DPP) pro-indépendance, suivie de l’arrivée au pouvoir de Lai Ching-te en mai dernier. Ces dirigeants sont régulièrement accusés par Pékin de chercher à élargir le fossé entre Taïwan et la Chine continentale, ce qui justifie, selon la Chine, un renforcement militaire constant autour de l’île.
  • Alors que Pékin insiste sur une réunification pacifique, elle réitère régulièrement qu’elle n’exclut pas le recours à la force. L’issue de la crise reste incertaine, mais les observateurs estiment que Pékin vise avant tout à renforcer son influence régionale et à dissuader Taïwan de toute déclaration officielle d’indépendance. De son côté, Washington considère ces manœuvres comme une escalade injustifiée et réitère son soutien à la paix et à la stabilité dans la région. 
  • Enfin, en cas de déclenchement d’un conflit par la Chine, certains analystes questionnent la capacité des États-Unis à s’engager sur trois fronts, alors que Washington doit déjà soutenir l’Ukraine et Israël et pourrait potentiellement être appelé à défendre Taïwan, comme le président Biden s’y est engagé à plusieurs reprises. Cependant, il est bon de rappeler que toute préparation d’une invasion de grande ampleur serait rapidement détectée par l’Occident, étant donné que le rassemblement nécessaire d’hommes, de navires et d’équipements s’étalerait sur plusieurs mois. En effet, pour avoir des chances de succès, une invasion de Taïwan devrait constituer la plus grande opération amphibie de l’histoire sur un terrain extrêmement défavorable aux chinois. (BBCCFRCSISFrance InfoWar on Rocks)

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AFRIQUE DU NORD/ MOYEN-ORIENT

Éliminations des leaders de groupes terroristes 

Le 17 octobre, Tsahal, la force militaire d’Israël, a éliminé Yahya Sinouar, l’un des cerveaux de l’attaque du 7 octobre 2023 et chef du Hamas, organisation terroriste palestinienne en lutte contre l’État hébreu. Le 22 octobre, le Premier ministre irakien a annoncé la mort de neuf dirigeants du groupe Etat islamique (EI) en Irak, dont son chef local, Jassim al-Mazrouei, lors d’une opération des forces anti-terroristes au nord du pays. Les huit autres étaient des dirigeants de première ligne des groupes de l’EI. Le 23 octobre, le Hezbollah a fait état, dans un communiqué, de la mort d’Hachem Safieddine, cousin du feu leader du mouvement islamiste libanais.

  • Yahya Sinouar représentait une figure emblématique et était le chef de file dans le combat palestinien contre Israël. Pour Hachem Safieddine, sa mort survient quelques semaines après celle du chef du Hezbollah,  Hassan Nasrallah, également tué lors d’une frappe israélienne, le 27/09 dernier. Hachem Safieddine était le candidat le plus susceptible de succéder au leader du Hezbollah pour en prendre les commandes. Quant à Jassim al-Mazrouei, il aurait pris le contrôle de la province irakienne de l’EI il y a moins d’un an. 
  • Ces éliminations de chefs et potentiels futurs leaders de mouvements terroristes témoignent des efforts mis en place par les services de renseignement et les forces antiterroristes contre Daech, et de la poursuite des actions d’Israël contre le Hezbollah et le Hamas. Si la mort des dirigeants de groupes terroristes constitue une réussite en les affaiblissant un temps, leur recomposition et la poursuite de leurs actions demeurent très probables. 
  • En effet, Daech sévit toujours au Moyen-Orient malgré la défaite du califat à la suite de la coalition antiterroriste dans le cadre de l’opération Chammal, lancée en 2014. Il en va de même pour le Hamas et le Hezbollah, respectivement fondés en 1987 et 1982 et qui, depuis, ne cessent de se renforcer et d’exercer une pression conséquente par la capture d’otages civils, ce malgré les efforts déployés pour la suppression de ces groupes terroristes. (L’Express)

Israël-Hamas-Hezbollah : vers des cessez-le-feu impossibles ?

Dès le 22 octobre, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a entamé une nouvelle tournée dans la région du Moyen-Orient pour relancer les négociations indirectes entre les parties prenantes du conflit israélo-palestinien. Il a affirmé que la mort du chef du Hamas, Yahya Sinouar, offrait une « occasion importante » pour mettre fin à la guerre à Gaza. Par ailleurs, le 24 octobre a eu lieu la conférence internationale de soutien au Liban à Paris, durant laquelle le Président Macron a appelé à agir « au plus vite » à l’aide d’un cessez-le-feu au Liban. Le même jour, un responsable du Hamas aurait annoncé à l’AFP que le mouvement islamiste palestinien serait prêt à un arrêt des hostilités à Gaza si Israël s’engageait à un cessez-le-feu et se retirait de la bande de Gaza.
  • Si les Etats-Unis considèrent que l’assassinat par Israël d’Yahya Sinouara a ouvert une voie aux pourparlers, il est en réalité peu probable qu’un accord de paix en découle, puisque l’administration américaine ne pourra désigner ce protagoniste comme principal obstacle à la fin du conflit, ce qui pointerait le rôle de Nétanyahou dans l’obstruction d’un accord. 
  • La conférence qui s’est déroulée à Paris, si elle a permis de récolter près d’un milliard de dollars pour venir en soutien au Liban, n’a pas donné lieu à de réelles avancées diplomatiques, ce qui était prévisible au vu de l’absence des principaux concernés à cet évènement : Israël et l’Iran. Pour l’heure, les bombardements israéliens vers le Liban continuent, notamment dans la banlieue sud de Beyrouth, aggravant la situation sécuritaire. (RFINHK World)

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FRANCE

Soupçons de corruption et de favoritisme : des hauts gradés de l’armée française accusés

Trois généraux et six officiers supérieurs sont accusés d’avoir favorisé, entre 2011 et 2015, la société International Chartering Systems (ICS) dans l’attribution de marchés publics de transport militaire. ICS aurait été choisie malgré des coûts élevés, tandis que des prestataires tels que Salis, mandaté par l’OTAN, offraient des alternatives moins coûteuses. L’enquête révèle que ce favoritisme a causé des surcoûts de 16 millions d’euros pour l’État français, selon le Parquet national financier (PNF). En réponse, le ministère a renforcé ses procédures de contrôle interne pour limiter les risques de telles dérives à l’avenir. L’affaire a également des implications politiques, car elle concerne des officiers de haut rang et pourrait mener à des réformes pour mieux encadrer les marchés de défense.

  • Dans les années 2010, l’armée française fait appel à des entreprises privées pour des missions de transport lourd en zones de conflit, faute de capacités de transport suffisantes. Ces missions concernent des zones comme l’Afghanistan, le Mali et l’Irak, et sont effectuées par des compagnies étrangères possédant des appareils de grande capacité, tels que l’Iliouchine Il-76 et l’Antonov An-124. L’armée dépend de ces prestataires pour ses transports de fret, situation qui a permis des pratiques abusives.
  • Parmi les accusés, le colonel Philippe Rives se distingue. En tant que chef d’État-major du Centre de soutien des opérations et des acheminements (CSOA), il aurait orienté les décisions vers ICS et rejoint cette société en tant que directeur adjoint, après avoir facilité l’attribution des contrats en sa faveur. Cette transition a soulevé des questions de conflit d’intérêts, bien que la commission de déontologie militaire n’y ait vu aucun problème à l’époque.
  • Les accusés expliquent que les opérations militaires menées par la France exigeaient un prestataire flexible et réactif pour répondre aux impératifs logistiques rapides dans des zones de conflit. Le ministère des Armées soutient cette position en rappelant les pressions exercées pour acheminer le matériel en toute urgence. Le ministère admet que des pratiques contestables ont eu lieu, mais plaide pour une prise en compte des conditions exceptionnelles et de l’urgence opérationnelle. Sauf pour le cas de Rives, aucun des accusés n’aurait bénéficié directement de ces actes.
  • Le procès, tenu à la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris, a mis en lumière des failles dans le contrôle des marchés publics de défense. Il souligne les faiblesses du système de transparence au sein des institutions militaires, ce qui rend possible des conflits d’intérêts et du favoritisme dans des contrats cruciaux pour la sécurité nationale. Ce scandale soulève des inquiétudes sur la capacité de l’État à gérer les fonds publics destinés à la défense sans abus.  (France Info)

Hausse des cyberattaques

La DGA (Direction générale de l’armement) alerte sur une augmentation significative des actes de malveillance, tels que les cyberattaques et tentatives d’espionnage industriel, ciblant les entreprises françaises de l’armement. Depuis le début de la guerre en Ukraine, les risques se sont accrus, en particulier pour les PME et TPE du secteur, jugées plus vulnérables. Les cyberattaques visent à extorquer des informations sensibles ou à perturber les opérations.
  • Le secteur de la défense est un pilier stratégique, et les attaques visent souvent des domaines comme le spatial, le naval et d’autres technologies avancées. La DGA collabore étroitement avec l’ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information) pour élever le niveau de sécurité numérique des entreprises. Bien que des standards de cybersécurité soient recommandés, la DGA évite d’imposer des normes contraignantes pour ne pas surcharger les entreprises.
  • Les mesures de protection physique ont également été renforcées, à la suite d’incidents troublants. Il est souligné que la résilience de ces entreprises est cruciale pour la sécurité nationale, d’autant plus que la France souhaite maintenir son indépendance technologique et ne pas dépendre d’acteurs étrangers pour ses besoins en armement et en technologie de défense.
  • Le contexte géopolitique actuel, marqué par la guerre en Ukraine et les tensions internationales, crée un terrain propice à des ingérences étrangères dans l’industrie de l’armement française. La DGA indique que des mesures supplémentaires seront envisagées pour accompagner les entreprises dans la lutte contre ces menaces, en renforçant la coopération et en encourageant la sensibilisation. (Opex 360

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VEILLE LÉGISLATIVE

Résilience des infrastructures critiques et renforcement de la cybersécurité : dépôt du projet de loi de transposition des directives NIS2, REC et DORA

Le 15 octobre 2024, le gouvernement a déposé un « projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité ». Ce projet de loi transpose trois directives européennes qui « visent à renforcer la sécurité des activités d’importance vitale et la lutte contre les menaces cyber » sur trois volets : résilience des activités d’importance vitale (directive REC), cybersécurité (directive NIS2) et résilience numérique du secteur financier (directive et règlement DORA).

  • Le projet de loi crée plusieurs obligations aux opérateurs publics et privés qui exercent des « activités d’importance vitale » (OIV). Ces opérateurs doivent élaborer un plan de résilience pour recenser leurs risques, leurs dépendances, les mesures de contingence ainsi que les mesures de protection. 
  • Par ailleurs, le projet de loi étend les secteurs d’activités régulés et le nombre d’entités concernées par les mesures de gestion des risques et de partage d’informations, le faisant passer de 600 à 15 000 (y compris des collectivités territoriales), désormais classées comme entités « essentielles » ou « importantes ». Dans son avis, le Conseil d’État a toutefois regretté que de telles dispositions ne soient pas codifiées dans le code de la défense.
  • Le gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte. Le Sénat étant la première assemblée saisie, il doit à présent examiner le texte. En principe, chaque texte législatif est renvoyé pour examen à l’une des commissions permanentes. Cependant, le Sénat peut également décider de créer une commission spéciale, notamment lorsque plusieurs commissions permanentes sont concernées par le texte. Tel est le cas sur ce projet de loi : la création de la commission spéciale, dont les membres ont été nommés le 5 juin dernier, a été actée en séance publique ce 17 octobre. Elle comprend trente-sept membres au plus et présente un caractère temporaire : elle cesse d’exister au terme de l’examen du texte. (CE, avis ass. gén., 6 juin 2024, Projet de loi relatif à la résilience des activités d’importance vitale, à la protection des infrastructures critiques, à la cybersécurité et à la résilience opérationnelle numérique du secteur financier, n° 408329 ; Exposé des motifs)

Interdiction du port de la barbe pour les sapeurs-pompiers professionnels sur le fil du rasoir : pas d’urgence à suspendre cet ordre

Au début du mois de février 2024, sept sapeurs-pompiers professionnels de la Loire n’étaient plus admis à exercer leurs fonctions « tant qu’ils se présenteraient au service en portant la barbe ». Ces sapeurs-pompiers ont alors formé un recours devant le juge des référés du tribunal administratif de Lyon. Ils demandaient « la suspension de l’exécution de la consigne de rasage de la barbe » et leur réintégration dans le service. Après le rejet de leur recours pour défaut d’urgence, les intéressés se sont pourvus en cassation devant le Conseil d’État. Le 18 octobre 2024, le Conseil d’État statuant au contentieux a confirmé les ordonnances et a refusé de suspendre en référé l’ordre de rasage de barbe.
  • Le Conseil d’Etat considère que « pour faire cesser les effets [de la décision attaquée du directeur du SDIS], il suffit aux intéressés de se conformer à l’instruction donnée par la hiérarchie » comme tout agent public. Or, en l’espèce, les requérants ne font pas état de « circonstances particulières telles que l’obéissance à l’instruction emporterait pour eux, ou pour un intérêt public, des conséquences elles-mêmes graves et immédiates ». Ce faisant, la condition d’urgence n’est pas apparue satisfaite, faisant obstacle à ce que le juge des référés prononce la suspension de l’instruction litigieuse.
  • La décision du juge des référés réserve toutefois la question de l’interdiction générale du port de la barbe pour les sapeurs-pompiers. En effet, si la condition d’urgence n’a pas justifié, en l’état, de suspendre la décision du directeur du SDIS par la voie du référé suspension, le Conseil d’État se prononcera sur le fond de la question par une nouvelle décision. Il rendra alors une décision définitive sur l’opportunité de l’ordre de rasage de la barbe pour les sapeurs-pompiers professionnels. (CE, 3/8 CHR, 18 octobre 2024, M. B… et autres c. SDIS de la Loire, n° 492819, Inédit)

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VEILLE BITD

Rafale standard F5 : les premières commandes notifiées aux industriels

Sébastien Lecornu a annoncé le 8 octobre 2024 le lancement des premières commandes permettant de structurer le nouveau standard F5 du Rafale, sur la base aérienne 113 de Saint-Dizier. Ces commandes ont été notifiées aux industriels français Dassault Aviation, Thales et Safran. Attendu pour la prochaine décennie, le Rafale F5 succèdera au Rafale standard F4. Il sera doté d’innovations en matière de connectivité et pourra être accompagné d’un drone furtif dans une stratégie de combat collaboratif agile, un point d’étape dans la transition vers le Système de Combat Aérien du Futur (SCAF) européen.

  • Le Rafale F5 sera apte à l’emport, au tir du futur missile nucléaire ASN4G (qui entrera en service au cours de la prochaine décennie), sera équipé d’un radar de pointe doté de calculs par intelligence artificielle, d’un nouveau système de guerre électronique ainsi que d’armes de saturation.
  • Condensé d’innovations prenant en compte l’évolution des menaces, le Rafale F5 est pressenti comme une réelle révolution dans l’aviation de combat, dont la compétitivité et la performance face au F-35 américain sera à suivre. (Capital, Opex360, DGA)

Merci aux membres du pôle qui ont participé à la rédaction de cette veille !

Lylou REMOUE

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