Veille stratégique – Novembre 1/2

EUROPE

 (Ré)élection de Trump : l’Europe à la croisée des chemins

La seconde élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis en 2024 provoque une onde de choc en Europe, confrontée à des défis sécuritaires et économiques. Ses liens controversés avec la Russie, ses critiques vis-à-vis de l’OTAN et sa méfiance envers les normes européennes suscitent de vives inquiétudes chez les dirigeants européens. Pour l’Europe, l’heure est au renforcement de son unité et de son autonomie stratégique afin de faire face à cette situation incertaine.

  • Pendant sa campagne, Donald Trump a plusieurs fois affirmé qu’il ne défendrait pas les pays de l’OTAN ne respectant pas l’objectif de 2 % du PIB en dépenses de défense. Durant son premier mandat, ces tensions avaient déjà fragilisé l’alliance. Aujourd’hui, seuls 23 des 32 membres atteignent ce seuil, et cette remise en question de l’article 5 du Traité de l’OTAN affaiblit la posture de défense collective occidentale, notamment en Europe de l’Est.
  • L’élection de Trump laisse aussi présager un retour des tensions commerciales : il a annoncé son intention d’augmenter les taxes sur les importations européennes, menaçant une économie de l’UE fortement dépendante de ses exportations vers les États-Unis. 
  • Les fractures internes de l’UE risquent également de s’accentuer, certains gouvernements populistes comme ceux de la Hongrie et de la Slovaquie voyant en Trump un allié potentiel pour leurs projets politiques « illibéraux ». Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, met en garde contre une Amérique qui pourrait profiter de ces divisions pour affaiblir davantage l’Europe.
  • Face à ces incertitudes, des dirigeants comme Emmanuel Macron appellent à une stratégie de sécurité propre à l’Europe, afin de réduire la dépendance au soutien militaire américain. En effet, cette deuxième élection de Donald Trump, couronnée du vote populaire, du contrôle du Sénat ainsi que de la probable majorité républicaine à la Chambre des représentants, suggère que la période glaciale 2016-2020 n’était pas une parenthèse dans les relations USA-UE, mais pourrait devenir une nouvelle norme. (France24aFrance24bFrance24cNATO)

La Moldavie choisit l’Europe

Le 3 novembre, la présidente proeuropéenne de Moldavie, Maia Sandu, a été réélue pour un second mandat avec près de 55 % des voix, battant son rival prorusse Alexandru Stoianoglo. Cette réélection survient dans un contexte tendu, deux semaines après un référendum sur l’inscription de l’objectif d’adhésion à l’Union européenne dans la Constitution, approuvé d’extrême justesse avec 50,46 % des voix, et marqué par des accusations d’ingérence russe. Mme Sandu a salué une victoire démocratique malgré les pressions externes et internes.

  • La victoire étroite du « oui » au référendum a révélé une division profonde au sein de la société moldave, notamment entre les zones rurales prorusses et les grandes villes, ainsi que la diaspora proeuropéenne. La courte majorité remportée par la présidente Sandu souligne cette polarisation, alors que sa réélection n’a été possible que grâce à la participation très élevée de la diaspora moldave, majoritairement proeuropéenne.
  • Dès le référendum, le gouvernement moldave et la Commission européenne avaient dénoncé une « interférence sans précédent » de la Russie, comprenant des cyberattaques contre les bureaux de vote à l’étranger et des tentatives d’influence via la corruption et des transferts organisés d’électeurs. En effet, pour le référendum, Moscou aurait activement rémunéré des Moldaves pour qu’ils votent contre l’adhésion européenne. La police moldave a indiqué enquêter sur la mise en place présumée par la Russie de « transports organisés » vers la Biélorussie, l’Azerbaïdjan et la Turquie afin de permettre aux électeurs moldaves résidant en Russie de se rendre dans les consulats ou ambassades moldaves de ces pays pour voter. 
  • Ces manœuvres montrent l’importance stratégique de la Moldavie pour Moscou, qui cherche à maintenir son influence dans cet espace post-soviétique, mais aussi à conforter son emprise sur la Transnistrie et la Gagaouzie, des régions autonomes prorusses et séparatistes de Moldavie. (France InfoLe Monde)

Les pays de la Baltique inaugurent un nouveau QG naval commun

La récente inauguration d’un centre de commandement naval à Rostock, en Allemagne, a intensifié les tensions entre l’OTAN et la Russie. Ce nouveau centre, appelé Commander Task Force Baltic (CTF Baltic), est destiné à coordonner les activités navales des États membres de l’OTAN en mer Baltique, région stratégique face à la Russie. Sous la direction d’un amiral allemand, ce quartier général surveille le trafic maritime et prépare des exercices navals en temps de paix, de crise, ou de conflit. La Russie, opposée à ce renforcement militaire à ses frontières, a convoqué l’ambassadeur allemand à Moscou pour manifester sa protestation.

  • Le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, a justifié la création de CTF Baltic en soulignant l’importance stratégique de la mer Baltique pour la sécurité européenne, particulièrement dans le contexte de la guerre en Ukraine. Ce quartier général permettrait de « protéger le flanc oriental de l’OTAN » et de répondre aux tensions croissantes depuis l’invasion russe de l’Ukraine en 2022.
  • Bien que dirigé par un amiral allemand, CTF Baltic inclut des officiers de plusieurs pays de l’OTAN, comme la Pologne et la Suède, et peut compter jusqu’à 240 militaires en cas de crise. Cette structure multinationale reflète la volonté des membres de l’OTAN de renforcer la défense collective dans la région sans relever directement de l’OTAN, conformément au traité 2+4 de 1990 qui limite la présence de troupes étrangères en ex-RDA.
  • La Russie, se sentant encerclée par l’OTAN, s’oppose à ce centre de commandement qui surveille une zone maritime sensible. Selon la diplomatie russe, l’expansion de l’OTAN dans cette région pourrait entraîner des « conséquences graves » et déstabiliser davantage la région baltique, déjà marquée par des manœuvres militaires croissantes et une surveillance renforcée des forces occidentales. La Russie considère ce projet comme une provocation, accusant l’Allemagne et l’OTAN de violer l’accord de 1990 sur la réunification allemande, qui interdirait toute militarisation de l’ancienne RDA. Moscou a comparé cette situation à la remilitarisation de la Rhénanie en 1936, évoquant le risque d’une escalade.  (20 minutesRFI)

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AMÉRIQUES

 Victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle

Dans la nuit du mardi 5 au mercredi 6 novembre, Donald Trump a été élu 47ème Président des Etats-Unis. Le républicain a obtenu la voix d’au moins 277 grands électeurs face à sa rivale démocrate, Kamala Harris, le conduisant à occuper, pour quatre ans, le poste qu’il avait de 2016 à 2020 à la Maison Blanche. Outre les 88 chefs d’accusation qui visent Donald Trump et posent question quant aux implications judiciaires sur le chef d’Etat, et donc de facto sur la gestion de la politique intérieure des Etats-Unis, cette victoire présidentielle interroge à différents niveaux géopolitico-stratégiques.

  • La politique isolationniste de Trump, “America First” (les Etats-Unis d’abord), soulève des incertitudes sur le retour de la paix dans plusieurs théâtres mondiaux en crise, où le rôle des Etats-Unis était jusque-là majeur. En Ukraine, le président Volodymyr Zelensky peut s’inquiéter du manque de volonté de Washington à lui fournir une aide face à l’agresseur russe. Donald Trump semble moins enclin à poursuivre les aides militaires et financières à Kiev, tout comme son vice-président désigné, James David Vance, qui avait expliqué, lors d’une conférence annuelle, que les Etats-Unis n’ont pas la “capacité de production nécessaire pour soutenir indéfiniment une guerre terrestre en Europe de l’Est”. Du côté du Proche-Orient, le candidat républicain se montre un fervent soutien de l’Etat hébreu et semble concrètement en faveur d’une poursuite de l’aide à Israël. Une poursuite et accentuation du soutien américain à Benjamin Netanyahou alimenteraient le conflit en cours et pourrait engendrer une escalade. 
  • L’Europe pourrait également se trouver dans une position délicate sur plusieurs aspects suite à la victoire de Donald Trump. Sur le volet économique, les tensions commerciales entre les Etats-Unis et l’Europe pourraient s’aggraver avec l’apparition de nouvelles taxes sur les importations européennes que Trump souhaite imposer dans sa volonté protectionniste. Du point de vue de la politique internationale, Donald Trump n’a jamais caché son hostilité envers la manière dont l’OTAN est dirigée et a souvent mis la pression sur les européens en les accusant de ne pas y être assez investis. Le contribution des Etats-Unis étant l’une des plus importantes à l’OTAN, son retrait, même partiel, affaiblit considérablement l’organisation atlantique et pourrait encourager d’autres puissances, telles la Russie ou la Chine, à devenir plus agressives sur le continent. 
  • Enfin, sur le plan environnemental, l’administration Trump n’a pas les mêmes aspirations que son prédécesseur Joe Biden, alors que le climato scepticisme du nouveau Président est notoire. Les Etats-Unis étant le deuxième émetteur de gaz à effet de serre, le fait qu’ils ne souhaitent plus se plier aux objectifs mondiaux pour limiter le réchauffement climatique pourrait peser sur les négociations de la COP en Azerbaïdjan qui s’ouvrent ce 11 novembre.  (Le Monde)

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RUSSIE/ NEI

Amendes record pour Google : quand la Russie présente l’addition …

En octobre 2024, la Russie a imposé une amende colossale à Google, totalisant 36 zéros, pour avoir supprimé de YouTube des contenus prorusses, certains émanant de médias proches du gouvernement. Cette sanction, équivalente à deux décillions de roubles, est inédite non seulement pour son montant astronomique, qui dépasse le PIB mondial, mais aussi pour son caractère symbolique, car il est improbable que Google puisse ou envisage même de la régler.
  • La Russie reproche à Google d’avoir supprimé des chaînes pro-Kremlin jugées essentielles pour maintenir son influence, particulièrement depuis l’invasion de l’Ukraine. Pour Moscou, ces suppressions illustrent une censure étrangère contre sa vision des événements mondiaux. 
  • Cette amende marque la volonté de la Russie de renforcer sa souveraineté numérique et de contrôler l’information diffusée sur son territoire. Moscou impose des lois pour restreindre les acteurs étrangers qu’elle juge hostiles, tout en soutenant des alternatives locales comme RuTube et en promouvant un « Internet souverain » qui limite les influences extérieures.
  • Google considère qu’une telle amende est irréaliste, tant sur le plan financier que juridique, en raison des sanctions américaines interdisant tout commerce avec la Russie. Le paiement de cette amende risquerait de mettre Google en contradiction avec les lois américaines. Cela illustre la fracture croissante entre les gouvernements et les géants technologiques sur la régulation de l’information, soulignant les tensions entre le contrôle étatique et la liberté des entreprises privées sur le web.
  • L’amende vise essentiellement à envoyer un message fort aux entreprises étrangères et à la population russe : toute tentative de censure des contenus prorusses sera sévèrement sanctionnée. En imposant une pénalité financière exorbitante, le gouvernement russe tente de dissuader les géants technologiques de prendre des mesures similaires à l’avenir.
  • Cette situation révèle les défis des grandes entreprises technologiques opérant dans des régimes autoritaires, entre pressions internationales et impératifs commerciaux. Face à des exigences contradictoires, des plateformes comme YouTube, Facebook et Twitter naviguent avec précaution. L’initiative russe pourrait inspirer d’autres pays à adopter des lois similaires sur la modération de contenu, modifiant ainsi profondément la régulation mondiale et la diffusion de l’information en ligne. (20 min)

Trump et l’Ukraine : incertitude

L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis en 2024 représente un tournant incertain pour l’Ukraine, un pays en guerre contre la Russie depuis 2022. Cette victoire pourrait remettre en question la politique de soutien à Kiev qui a été un pilier sous l’administration Biden, et pour l’Ukraine, l’avenir est désormais incertain. La candidate démocrate Kamala Harris aurait probablement continué à soutenir l’Ukraine, mais le retour de Trump à la Maison Blanche pourrait signifier une rupture de cette dynamique.

  • Depuis le début du conflit en 2022, les États-Unis ont été un allié majeur de l’Ukraine, fournissant une aide militaire et humanitaire substantielle. Cependant, Trump, qui a déjà occupé la présidence entre 2017 et 2021, a toujours affiché une position ambiguë vis-à-vis de la guerre en Ukraine. Pendant sa campagne, il a critiqué l’ampleur de l’aide américaine, la qualifiant de trop coûteuse, et a suggéré que si lui-même était président, il parviendrait à mettre fin au conflit en 24 heures par une négociation directe avec Vladimir Poutine. 
  • Cette position divise, car bien qu’il ait affirmé qu’il pourrait conclure un accord de paix rapide, il reste flou sur les détails de la manière dont cela pourrait se réaliser. Certains experts redoutent que cette rapidité de règlement implique des concessions territoriales de l’Ukraine en faveur de la Russie, ce qui pourrait nuire aux aspirations du pays, notamment en matière d’intégration à l’OTAN.
  • Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a pris soin de ne pas s’aligner trop étroitement avec un candidat ou l’autre pendant la campagne. Cependant, face à la montée de l’incertitude, Zelensky a exprimé ses craintes quant à un affaiblissement du soutien américain en cas de victoire de Trump. Lors de plusieurs déclarations publiques, il a souligné que si l’aide américaine venait à diminuer, la Russie pourrait alors conquérir davantage de territoires ukrainiens.
  • D’autre part, si le soutien américain venait à faiblir sous Trump, l’Ukraine pourrait se tourner davantage vers ses partenaires européens, notamment au sein de l’OTAN, pour compenser la diminution de l’aide américaine. Cependant, certains alliés européens pourraient également hésiter à augmenter leur soutien en raison de la fragilité politique au sein de l’Union européenne et de l’incertitude liée à la position de Washington sur l’OTAN et ses engagements en Europe de l’Est. (Le Monde)

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AFRIQUE

RDC: les rebelles du M23 continuent leur offensive dans l’est

Les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23), relancés depuis 2021 et soutenus par le Rwanda, poursuivent leur offensive dans l’est de la République Démocratique du Congo (RDC) malgré un cessez-le-feu signé en août 2024 entre la RDC et le Rwanda. Depuis fin octobre, le M23 a intensifié ses attaques dans la province du Nord-Kivu, capturant des villes stratégiques comme Kalembe et Kamandi Gite. Leur avancée se poursuit vers la localité de Pinga et le territoire de Lubero, menaçant des zones proches du lac Edouard.

  • La situation reste tendue, avec des déplacés fuyant les combats et des conditions de vie précaires dans les zones affectées, comme à Pinga, où l’hôpital manque de médicaments et d’infrastructures. 
  • Parallèlement, un mécanisme de suivi du cessez-le-feu, dirigé par l’Angola, a été lancé le 5 novembre, bien que certains analystes estiment que le M23 cherche à étendre son contrôle avant sa mise en place. (TV5Monde)

Achat de satellites russes: le Niger cherche à renforcer sa souveraineté technologique et son autonomie stratégique

Le 1er novembre, la société russe Glavkosmos et Niamey ont signé un accord prévoyant l’acquisition de trois satellites par le Niger. Glavkosmos, filiale de l’agence spatiale russe Roscosmos, s’est engagée à livrer les satellites sous quatre ans, et à louer des équipements au Niger dans l’intermédiaire. Les trois types de satellites (communication, télédétection, radar pour la défense et la sécurité) seront conçus et construits en Russie.

  • L’entreprise Starlink et Niamey avaient également signé un agrément le 29 octobre pour la fourniture de services Internet haut débit. 
  • Cet accord marque un tournant pour le Niger et plus largement pour l’Alliance des Etats du Sahel (AES), dans leur objectif de renforcement de leur souveraineté technologique et stratégique. Les trois pays de l’AES (Niger, Mali, Burkina Faso), avaient en effet signé à Bamako, en septembre, un protocole d’accord avec l’agence spatiale russe et sa filiale Glavkosmos. Celui-ci devait comprendre la fourniture d’images satellitaires et la formation de personnel spécialisé sur les activités spatiales pour une phase initiale de cinq ans. 
  • Ces accords s’insèrent dans un cadre plus large de problématiques liées au terrorisme islamiste et à l’insécurité élevée des pays de l’AES.  Disposer d’images satellites et assurer un meilleur réseau de télécommunications permettra aux trois pays de renforcer leurs capacités de réponse opérationnelle. (Courrier InternationalRFIL’Opinion)

Violences au Mozambique suite aux résultats de l’élection présidentielle du 9 octobre

Depuis la publication des résultats le 24 octobre, des milliers de manifestants se sont rassemblés en opposition dans les rues des grandes villes du pays, dont la capitale Maputo. Les rassemblements des 2 et 7 novembre ont notamment été caractérisés par des tensions accrues. Selon le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme, au moins 20 personnes ont perdu la vie dans des violences postélectorales. Le ministre de la Défense, Cristovao Chume, avait menacé le 5 novembre de mobiliser l’armée, présageant une potentielle escalade du conflit.

  • Les résultats de l’élection présidentielle avaient déclaré gagnant à près de 71% Daniel Chapo, candidat du Frelimo, le parti au pouvoir depuis 49 ans. Le principal opposant Venancio Mondlane, qui a obtenu 20% des votes, a dénoncé une élection hautement frauduleuse, et a appelé ses partisans à la dénoncer. Il a accusé le Frelimo de se maintenir au pouvoir « par la force » et le « terrorisme d’Etat ». Un recours a été déposé devant le Conseil constitutionnel par l’opposition.
  • Des irrégularités avant, pendant et après les élections ont été signalées par les  observateurs électoraux. L’ONG anticorruption Public Integrity Center (CIP) les a qualifiées d’être « les plus frauduleuses depuis 1999 », tandis que la mission de l’Union européenne a relevé des « altérations injustifiées de résultats ». Reporters sans frontières a également dénoncé le ciblage violent des journalistes en marge des manifestations, ainsi que les fréquentes coupures d’Internet provoquées par le gouvernement. (Le MondeRSFRFI , Le Monde)

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ASIE

 Un accord historique pour renforcer les relations euro-japonaises

Le 1er novembre, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, et le ministre des Affaires étrangères du Japon, Takeshi Iwaya, ont signé un nouvel accord sur la sécurité et la défense qui entrera en vigueur en janvier. Ce pacte renforce la collaboration euro-japonaise car il prévoit une augmentation des opérations militaires conjointes, un dialogue de haut niveau et une collaboration dans le secteur de la défense. Ce rapprochement est notamment motivé par la peur d’une extension du conflit ukrainien en Asie, en particulier avec l’envoi de troupes nord-coréennes en Russie. Selon Josep Borrell, ce pacte « approfondit notre capacité à nous attaquer ensemble à des menaces émergentes ».

  • Josep Borrell a déclaré « c’est le premier accord de cette nature que nous concluons avec les pays de l’Indopacifique, il est très important parce que nous sommes pleinement conscients que l’Indopacifique sera le théâtre où l’histoire de l’humanité s’écrira au cours de ce siècle. »
  • Le Japon, qui craint la menace sécuritaire que représente la Chine, a quant à lui souligné à quel point ce pacte leur était avantageux. Effectivement, le Japon prévoit d’augmenter le budget de sa défense à 2 % du PIB d’ici 2027, ce qui pourrait faire de l’Europe un allié majeur pour renforcer son industrie de l’armement. 
  • Après son voyage au Japon, Josep Borrell s’est rendu en Corée du Sud pour conclure un accord similaire. (RFILa Tribune)

 Indonésie et Russie : exercices navals conjoints visant à renforcer leurs liens militaires

Le 4 novembre, l’Indonésie et la Russie ont mené leurs premiers exercices navals conjoints. Ces exercices s’inscrivent dans un contexte où Prabowo Subianto, le président de l’Indonésie, souhaite renforcer le rôle de Jakarta sur la scène internationale. Les exercices ont duré cinq jours dans l’est de l’île de Java, où la Russie a envoyé un tanker, un remorqueur, un hélicoptère militaire et trois corvettes.

  • L’Indonésie avait pendant très longtemps privilégié une politique étrangère neutre. Elle avait refusé de prendre clairement parti dans la guerre entre la Russie et l’Ukraine et de choisir entre la Chine et les États-Unis. Cependant, Prabowo Subianto a récemment opté pour renforcer ses relations avec Moscou. Selon le professeur de relations internationales, Yohanes Sulaiman, « cela peut signifier que l’Indonésie veut travailler avec tout le monde ». 
  • L’Indonésie, étant membre de l’Asean, avait déjà participé à des exercices militaires avec la Russie en 2021. Néanmoins, c’est la première fois qu’elle organise des exercices militaires bilatéraux avec la Russie. 
  • Selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, l’Indonésie a observé un déclin de ses importations d’armes en provenance de Russie en raison des sanctions occidentales imposées à la Russie suite à l’invasion de la Crimée en 2014 et de l’Ukraine en 2022. Cependant, Prabowo Subianto a maintenu un potentiel accord de 1,1 milliard de dollars pour des avions de combat russes, conclu en 2018, malgré la menace de sanctions américaines.
  • Pour rappel, cet exercice est lié à la demande d’adhésion aux BRICS de l’Indonésie, la Russie y étant particulièrement favorable lors du sommet de Kazan (22-24 octobre 2024). (Le FigaroRFI,  Courrier International)

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AFRIQUE DU NORD/ MOYEN-ORIENT

Benyamin Netanyahou limoge le ministre de la Défense Yoav Gallant et fait face à l’opposition

Le 5 novembre, jour de l’élection présidentielle américaine, le Premier ministre israélien a limogé son ministre de la Défense Yoav Gallant, citant des différends au sujet « de la gestion de la campagne militaire » menée à Gaza et au Liban. Yoav Gallant, dont les positions étaient perçues comme relativement modérées, est remplacé par l’ancien ministre des Affaires étrangères Israël Katz. Des milliers de manifestants se sont rassemblés dans la soirée du 5 novembre à Tel-Aviv et à Jérusalem en contestation. Des feux ont été allumés sur les voies et la grande avenue de Tel-Aviv a été bloquée.

  • Le limogeage de Yoav Gallant avait déjà été envisagé fin mars 2023, avant d’être reconsidéré par le Premier ministre suite aux rassemblements en soutien du ministre de la Défense qui avaient réuni des milliers de citoyens. 
  • Le chef de l’opposition Yaïr Lapid a dénoncé cette mise à l’écart : « en plein milieu d’une guerre, alors qu’Israël se bat sur plusieurs fronts, M. Nétanyahou affaiblit et nuit à l’armée (…) simplement pour faire passer la loi d’exemption » au service militaire obligatoire pour la communauté juive ultraorthodoxe, une alliée clé de la coalition de droite du gouvernement. Yoav Gallant s’est en effet opposé à cette réforme judiciaire portée par Benyamin Netanyahou, arguant que « tout le monde doit servir dans l’armée et participer à la mission de défendre l’Etat ». (France Info, ​​Courrier InternationalLe Monde)

Pressions américaines et inquiétudes internationales : Israël annonce la réouverture du passage de Kissufim 

Le 8 novembre, le Coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT) a annoncé la réouverture prochaine du passage de Kissufim afin de faciliter le transit de l’aide humanitaire dans la partie sud de la bande de Gaza. Cette annonce intervient suite à une lettre envoyée le 13 octobre par le secrétaire d’État américain Antony Blinken et le secrétaire à la Défense Lloyd Austin exigeant la mise en place de mesures concrètes pour permettre à l’aide humanitaire d’atteindre la population palestinienne de Gaza. Un délai de 30 jours avait été fixé par ce courrier.

  • La réouverture du passage intervient dans un contexte d’inquiétudes internationales. Depuis le 6 octobre, l’intensification de l’offensive terrestre et des frappes aériennes menées par Tsahal dans le gouvernorat de Gaza-Nord force les  175 000 habitants de la zone à fuir, s’ils le peuvent, dans le sud. Les populations restantes sont coupées de tout accès à l’eau potable, à la nourriture et aux soins, dénonce Médecins sans Frontières. Le Famine Review Committee (FRC) a ainsi lancé l’alerte sur un risque accru de famine dans le nord de Gaza. 
  • L’interdiction d’exercice d’activités de l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) sur le territoire israélien, votée le 28 octobre par la Knesset, avait également participé à l’augmentation des tensions. Bien que le Parlement israélien ait invoqué des liens entre l’UNRWA et le Hamas pour justifier sa résolution, la communauté internationale, portée par la voix américaine, a dénoncé une décision « intolérable ». (ReutersFrance 24CNN , Médecins sans frontières)

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FRANCE

Le drone de surface, un enjeu stratégique pour la marine française face aux avancées internationales

Alors que la guerre en Ukraine a démontré l’efficacité des drones de surface dans le combat naval, les marines européennes, dont la France, constatent, lors du salon Euronaval, leur retard dans ce domaine par rapport à des pays comme les États-Unis, la Corée du Sud et la Turquie. Les drones navals ont permis à l’Ukraine de cibler la flotte russe en mer Noire, un tournant qui pousse aujourd’hui la France à réévaluer ses priorités stratégiques et à adapter son arsenal maritime pour ne pas être dépassée.
  • Face à l’évolution rapide de la technologie des drones navals dans d’autres pays, la France a récemment mis en place une feuille de route pour moderniser sa flotte et répondre aux nouveaux besoins de défense. En 2024, l’Agence de l’innovation de défense lancera son premier programme de recherche pour des drones de surface armés, une avancée vers une stratégie d’autonomisation des équipements de défense côtière.
  • Contrairement aux autres puissances, la France privilégie pour l’instant le développement de drones navals pour la lutte antimine et la protection des infrastructures en mer. Des prototypes de drones de surface sont en cours de conception par Naval Group, notamment la gamme « Seaquest », destinée à protéger les bâtiments français, comme le porte-avions, contre des attaques potentielles de drones kamikazes en mer Rouge et ailleurs.
  • En Europe, le développement des drones de surface est fragmenté, chaque pays ayant son propre programme. La France reconnaît le besoin d’un effort commun pour consolider les avancées et rationaliser les investissements. La Turquie, pour sa part, se distingue par des programmes de drones de surface avancés, incluant des modèles kamikazes adaptés pour diverses missions, tandis que l’Allemagne a présenté une ambition similaire à celle de la Corée du Sud avec un objectif de flotte composée d’un tiers de drones navals d’ici 2035. (Le Monde)

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VEILLE LÉGISLATIVE

PLF pour 2025 : examen des avis budgétaires de la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale

Au cours de sa réunion du mercredi 30 octobre 2024, la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale a examiné, pour avis, les crédits de la mission « Défense », de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » et du programme « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités ». Après l’examen des crédits, chaque rapporteur pour avis a présenté une thématique d’évaluation de politique publique. L’un des principaux programmes de la mission « Défense » est le programme 178 « Préparation et emploi des forces » qui se décline autour des trois forces.

  • En ce qui concerne les forces terrestres, la rapporteure Isabelle Santiago (SOC) s’est penchée sur l’avenir de l’opération Sentinelle après les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. En ce qui concerne la Marine nationale, le rapporteur Yannick Chenevard (EPR) s’est intéressé aux détroits dans l’Océan Indien comme passages stratégiques et vulnérables, soulignant notamment les conséquences de la guerre en Mer Rouge et l’engagement de la France. En ce qui concerne l’armée de l’air et de l’espace, le rapporteur Franck Giletti (RN) a étudié le spatial de défense, notamment l’autonomie stratégique spatiale militaire de la France. Enfin, en ce qui concerne la gendarmerie, la rapporteure Valérie Bazin-Malgras (DR) a discuté des réserves de la gendarmerie, notamment les défis auxquels elle doit faire face : de la consolidation des outils de recrutement, à celui de l’emploi opérationnel jusqu’à la sanctuarisation des moyens dédiés.
  • Les missions budgétaires sont déclinées en divers programmes, chacun attitré à un député appelé rapporteur pour avis. Chaque rapporteur prépare un avis budgétaire qui comprend deux parties : la première est dédiée à l’examen des crédits de paiement et des autorisations d’engagement de la mission; et, la deuxième est consacrée à une thématique d’évaluation de politique publique. Ces avis sont présentés en commission, laquelle rend par ailleurs un avis sur des amendements aux programmes concernés. Les avis budgétaires, accessibles librement en ligne, sont d’une grande richesse et permettent de cerner certains enjeux d’actualité de la politique publique de défense.
  • En ce qui concerne les autres programmes, le rapporteur pour avis de la mission « Anciens combattants », Laurent Jacobelli (RN), considère que la journée défense et citoyenneté  devrait tendre vers « une remilitarisation ». La rapporteure pour avis du programme « Environnement et prospective de la politique de défense », Anne Le Hénanff (HOR), s’est intéressée à la « révolution copernicienne de l’intelligence artificielle de défense », notamment à l’agence ministérielle pour l’IA. Le rapporteur de la mission « Soutien et logistique interarmées », Sébastien Lachaud (LFI), souligne la condition des militaires français, notamment « marquée par des fortes disparités […] difficiles à justifier ». Enfin, le rapporteur du programme « Équipements des forces » (également relatif à la dissuasion), François Cormier-Bouligeon (ERP), s’est intéressé à la direction générale de l’armement face à l’économie de guerre, notamment son action pour « favoriser l’adaptation de la BITD à l’économie de guerre ». (Assemblée nationale)

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VEILLE BITD

Salon Euronaval : rendez-vous mondial de l’industrie navale

Euronaval, le plus grand salon mondial consacré à l’industrie militaire navale, a vu du 4 au 7 novembre plus de 500 exposants prendre part à ce rendez-vous industriel et technologique à Villepinte. Il s’est tenu dans un contexte de tensions grandissantes dans le monde accompagné d’un réarmement mondial, y compris naval. Ce fut donc l’occasion pour les entreprises de la BITD française de faire valoir leur savoir-faire, alors que de nombreux pays cherchent à renouveler leur flotte de frégates et de sous-marins.

  • MBDA y a dévoilé Sea Warden, un système anti-drone adapté  à l’environnement naval, alors que les systèmes sans pilotes sont développés en masse dans tous les milieux.
  • Le salon fut également l’occasion pour la Marine Nationale d’attirer l’attention sur la construction du futur porte-avions (PA-NG, porte-avions de nouvelle génération). Il doit succéder au Charles de Gaulle à l’horizon 2038. (France24, Navalnews, Minarmac)

Filigran, fleuron de la cybersécurité français, attire les investisseurs américains

Créée en 2022, Filigran a récolté 15 millions d’euros lors de sa première levée de fonds. Seulement huit mois après, elle en attire désormais 32 millions, convoitée par les investisseurs américains. L’entreprise française développe deux plateformes open source, OpenCTI, qui permet aux entreprises de mieux comprendre et gérer leurs cybermenaces, et OpenBAS, un outil permettant de simuler des scénarios d’attaque et des stress tests. Elle compte lancer un nouveau produit mi-2025. Par ailleurs, son CEO, Samuel Hassine, n’est autre que l’ancien responsable de l’analyse des menaces à l’ANSSI.

  • Filigran compte parmi ses clients le FBI, la Commission européenne, Airbus, Bouygues Telecom ou encore Hermès.
  • Depuis sa première levée de fonds, l’entreprise a ouvert deux filiales : une en Australie, qui répondra à la demande en Asie-Pacifique, notamment au Japon, en Indonésie, en Malaisie et à Singapour ;  et aux Etats-Unis, pays qui représente près de 75% des dépenses en cybersécurité. (UsineDigitale)

Merci aux membres du pôle qui ont participé à la rédaction de cette veille !

Lylou REMOUE

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