Témoignage – Réserve militaire

Propos recueillis par : Claire Mabille

Après un bac ES, Joël entre en licence de sciences politiques à Créteil (Paris XII). En parallèle de sa troisième année, il fait un DU de gestion de sûreté/sécurité à Paris V. Il effectue un M1 de politiques publiques à Créteil en 2018, puis intègre le master de politiques publiques de Sciences Po, spécialité sécurité et défense. Joël est également réserviste au 3ème régiment d’infanterie de marine (RIMa).

Qu’est ce qui t’a donné envie de t’engager dans l’armée ?

J.C. : En CM1, j’étais parti en classe de mer à Quiberon, où se situe le fort de Penthièvre – un fort d’entrainement commando. J’étais sur la plage avec des amis, en train de ramasser des crabes, et en face on voyait les militaires s’entraîner sur les murailles, c’était la classe ! Ensuite, des militaires en zodiaque ont débarqué sur la plage, et là, j’ai décidé que je voulais faire ça. C’est un peu un rêve de gosse.

Comment es-tu rentré dans l’armée ?

J.C. : J’ai eu ma première expérience dans l’armée en 2015, juste après mon bac : pendant deux semaines, j’ai fait une préparation militaire parachutiste au 3ème RPIMa [1] à Carcassonne . Ensuite, en 2017, j’ai effectué une PMS [2]. On m’a alors proposé d’entrer dans la réserve. Mais comme je n’avais pas fini ma licence, j’aurais signé en tant que caporal [3]. Donc j’ai préféré attendre la validation de mon diplôme d’études supérieures pour signer mon contrat dans la réserve en tant que sergent. J’ai  suivi une formation de trois semaines à l’école nationale des sous-officiers d’active à Saint-Maixent en juin 2018, puis j’ai officiellement intégré le 3ème régiment d’infanterie de marine en tant que sergent dans la 7ème compagnie [4].

Tu es donc dans la réserve depuis plus d’un an. Quelles sont les activités d’un réserviste ?

J.C. : Le plus souvent, ce sont des « weekends tir » qui durent du vendredi au dimanche. Le vendredi est dédié à la perception du matériel et à l’entraînement, le samedi est consacré au tir. On s’exerce notamment au module BRAVO (tir à 100m, 75m, 50m et 25m) en temps limité. On peut aussi s’entraîner au combat en forêt : un scénario est monté par notre commandant d’unité, qui le transmet ensuite au lieutenant, qui donne une mission à chaque chef de groupe, et enfin, nous partons en mission avec notre groupe. La dernière fois, j’ai dormi une heure en 41 heures d’activité ! J’ai la chance d’être dans un régiment très dynamique qui permet de participer à des activités exceptionnelles. L’année dernière, une trentaine de réservistes sont partis un mois pour un exercice OTAN en Norvège. Et juste après, ils se sont entraînés avec les forces spéciales…

 

« Au-delà du fait militaire, la réserve a une vraie dimension humaine, comme la cohésion et le partage de valeurs »

Comment parviens-tu à mener de front ton activité de réserviste et tes études ?

J.C. : Tout d’abord, on est prévenu par mail des activités environ un mois en avance, voire plus lorsque les activités demandent une mobilisation particulièrement importante. On a donc du temps pour s’organiser. La fréquence des activités dépend beaucoup des régiments, dans le mien on essaie d’en avoir deux ou trois par trimestre. Nous avons le choix de venir ou non  aux activités. L’idéal est d’effectuer une trentaine de jours par an – c’est ce que demande mon commandant d’unité. Mais ce semestre, par exemple, je sais que je ne vais pas pouvoir me rendre aux activités. J’ai cours le samedi, et puis le rythme de Sciences Po, ça change de la fac’… 

Il y a quelque chose qui t’a particulièrement marqué dans ton expérience de la réserve ?

J.C. : J’ai  été envoyé trois semaines en mission Sentinelle cet été à Rouen, et le regard des gens m’a vraiment frappé. En tant que civil, quand tu croises des militaires, ça t’attire l’œil alors tu les regardes une dizaine de secondes, mais ensuite, c’est fini. En revanche, quand tu es de l’autre côté, en tant que militaire, les gens te regardent en permanence ! C’est particulièrement vrai à Rouen, où les habitants ont peu l’habitude de voir des militaires. La réaction des gens variait beaucoup : certains venaient nous remercier, d’autres étaient inquiets, voire méfiants. C’est vrai qu’être armé en permanence, même lorsque l’on va manger au Flunch, c’est une expérience particulière.

La protection du feu d’artifice le 13 juillet m’a également beaucoup marqué. C’était dans un petit village au sud de Rouen, où se réunissaient environ quinze mille personnes venant de tous les alentours. Il y avait une cinquantaine de gendarmes, mon commandant d’unité, mon lieutenant et deux groupes Sentinelle dont le mien. Là-bas, je me suis vraiment senti utile. Quand on voit la marée humaine qui arrive sur soi, petit à petit, on devient vraiment conscient des risques et de ses responsabilités. Non seulement c’était ma première mission, mais je l’ai faite en tant que sergent. J’avais la responsabilité de sept autres militaires, et s’il y avait le moindre souci c’était à moi de prendre la décision de demander le renfort des pompiers, des FSI [4], ou d’autres unités Sentinelle en contactant mon commandant. J’étais un peu anxieux en arrivant à Rouen, mais je suis rapidement entré dans ma mission et le feu d’artifice s’est très bien déroulé.

Qu’est-ce que la réserve t’apporte, sur le plan personnel comme professionnel ?

J.C. : Tout d’abord, le contact avec les autres. Au-delà du fait militaire, la réserve a une vraie dimension humaine, comme la cohésion et le partage de valeurs. Cette dimension est renforcée par la diversité des profils : tout le monde vient de milieux différents. Il y a des étudiants, des ingénieurs, des ouvriers… Le cadre et la discipline qui sont imposés m’ont aussi beaucoup apporté. Enfin, participer à l’opération Sentinelle a donné du sens à mon engagement dans la réserve. On se sent vraiment utile – que ce soit pour protéger les civils, mais aussi pour aider les FSI. Ils nous ont accueillis les bras ouverts : notre arrivée a permis à certains de prendre leurs congés, à d’autres de dédier davantage de temps à des missions ne relevant pas de la sécurisation.

Au niveau professionnel, ça me permet d’apprendre le métier de militaire – j’aimerais passer le concours OST [5] et être militaire de carrière plus tard. Et si je deviens officier, cette expérience dans la réserve m’aura permis de mieux connaître le travail de mes subordonnés, parce que je suis moi-même à leur place en ce moment. 

  • Retrouvez ici d’autres témoignages.

 

[1] 3e RPIMa : 3ème régiment de parachutistes d’infanterie de marine
[2] Préparation militaire supérieure
[3] Dans l’armée de terre, les grades partent de première classe. On s’élève ensuite au grade de puis caporal (chef de trinôme), puis caporal-chef. On passe alors dans le corps des sous-officiers, dont le premier échelon est sergent (qui commande sept à dix personnes en tant que chef de groupe).
[4] Ancienne infanterie coloniale, relevant de l’armée de terre, spécialisée dans les débarquements amphibies.
[5] Forces de sûreté intérieure
[6] Concours d’officier sur titre

Comité de rédaction

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