Veille stratégique – Novembre 2021 (1/2)

FRANCE 

Première rencontre franco-américaine depuis la crise des sous-marins  

Vendredi 29 octobre, avant l’ouverture du sommet du G20, les présidents français et américain se sont rencontrés pour la première fois depuis la rupture du contrat de sous-marins entre Paris et Canberra et l’annonce du pacte de défense anglo-saxon AUKUS au détriment de la France.  Si le président américain n’a pas présenté d’excuses à son homologue français, il a souligné la « maladresse » et le « manque d’élégance » de l’attitude américaine dans le dossier. Le Président français a quant à lui assuré vouloir à présent « se tourner vers l’avenir ».

Les deux chefs d’Etat ont également abordé la coopération des deux pays dans la lutte antiterroriste dans le Sahel, ainsi que le rôle de la France et de l’Europe en Indopacifique, et ont convenu d’approfondir leurs relations bilatérales dans certains secteurs stratégiques tels que le nucléaire, le spatial et les exportations d’armement. Les Etats-Unis ont également souligné l’importance stratégique d’une défense européenne et ont appelé à renforcer les liens entre l’OTAN et l’Union Européenne.

  • La France espère toujours être reconnue comme un acteur majeur dans la région Indopacifique par les Etats-Unis. Seule puissance de l’Union Européenne à maintenir en permanence des forces dans la région, elle compte 1,6 millions de ressortissants qui vivent dans ses départements (Mayotte, La Réunion) collectivités (Wallis et Futuna, Polynésie Française, Nouvelle Calédonie) et territoires d’outre-mer (les Terres antarctiques et australes) dans l’Océan Indien. Ces territoires représentent plus de 9 millions de km² au sein de la ZEE française et lui permettent d’y maintenir des forces armées. Au total, plus de 7000 personnels sont déployés en permanence dans la région, répartis en trois forces de souveraineté : les FANC présentes en Nouvelle Calédonie , FAPF présentes en Polynésie Française ainsi que deux forces de présence (les FFEAU aux Emirats arabes unis, FFDj à Djibouti) qui lui assurent  un moyen de protection de sa ZEE et de ses citoyens mais également de participer aux activités militaires conjointes de maintien de la sécurité dans la région avec les pays riverains. 

La France envoie un satellite militaire de communication dans l’espace 

Samedi 23 octobre, la France a envoyé depuis la Guyane le satellite 4A du programme Syracuse, un satellite de communication militaire qui permettra aux forces françaises de communiquer à haut débit et de protéger l’appareil spatial français contre le risque d’attaque. Le satellite, qui présente une meilleure résistance au brouillage, à l’interception ainsi qu’aux attaques cyber, prendra 8 mois pour rejoindre son orbite géostationnaire et sera pleinement opérationnel à la fin de l’année 2022. Dans un climat de militarisation accrue de l’espace, ce déploiement a également pour but de crédibiliser la stratégie française et sa capacité industrielle. Lancé en 2015, le programme Syracuse représente un investissement total de 4 milliards d’euros et s’étend jusqu’en 2025.

  • La France a considérablement renforcé les moyens budgétaires alloués au spatial militaire et civil (environs 2 milliards d’euros annuels) et a adopté en 2019 une stratégie spatiale de défense. Elle reste toutefois loin derrière le trio de tête États-Unis (50 milliards), Chine (10 milliards) et Russie (4 milliards).
  • Le risque d’attaque dans le milieu spatial est une réelle menace. L’an dernier, le commandement spatial américain avait accusé ses homologues russes d’avoir « conduit un test non destructeur d’une arme antisatellite depuis l’espace ». 

La France et l’Inde veulent renforcer leur partenariat stratégique 

A l’occasion du 35e dialogue stratégique annuel Inde-France, les deux pays se sont engagés à renforcer leur partenariat dans le domaine de la défense et de la sécurité. Ce partenariat prévoit le partage accru du renseignement et le renforcement des capacités conjointes dans les domaines maritimes, cyber et spatial. Les deux pays cherchent à établir un partenariat majeur en Indopacifique afin de faire face aux défis de la région.

  • Alliée de l’Inde dans la région Indopacifique à qui elle apporte son soutien, la France temporise son rapprochement avec l’Inde en raison de son partenariat avec la Chine, ennemie de l’Inde. Lors du dialogue annuel Chine-France au début de l’année, les représentants français n’avaient par exemple pas manqué de déclarer que Pékin restait “un important partenaire de coopération stratégique de la France”.

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    EUROPE

Le mandat d’Eufor Althea prolongé en Bosnie-Herzégovine dans un contexte national de plus en plus tendu

Mercredi 3 novembre, le Conseil de sécurité des Nations unies a voté l’adoption de la résolution 2604 (2021), prolongeant de douze mois le mandat de l’opération de maintien de la paix Eufor Althea en Bosnie-Herzégovine. Cette opération, qui compte près de 600 hommes, est en place depuis 2004. Son renouvellement a donné lieu à un débat agité entre les représentants des Etats membres du Conseil et des Etats concernés par la résolution. D’une part, l’absence de mention dans la résolution du rapport publié le 30 octobre par Christian Schmidt, le haut représentant de la communauté internationale (OHR) en Bosnie-Herzégovine (chargé de la supervision de la mise en œuvre des aspects civils des accords de Dayton) a été critiquée par de nombreux Etats. Le rapport, qui souligne que la Bosnie-Herzégovine fait face à sa « plus grande menace existentielle de l’après-guerre » et évoque le risque « très réel » d’un nouveau conflit, met notamment l’accent sur la responsabilité du leader serbe Milorad Dodik dans l’exacerbation des tensions. Or, la Russie, qui soutient Milorad Dodik, a accusé le rapport d’être un « document extrêmement biaisé et anti-Serbe, visant à détruire les espoirs de paix et de coopération entre les peuples en Bosnie », et interdit par conséquent sa mention par la résolution de l’ONU. D’autre part, le représentant croate, qui accuse les règles électorales actuelles de priver les populations croates de Bosnie-Herzégovine de leur droit à élire leur représentant à la présidence de l’Etat, a demandé leur modification– demande à laquelle le délégué serbe s’est opposé, soulignant qu’un accord de toutes les parties était nécessaire à la modification des règles établies par les accords de Dayton.

  • La Bosnie-Herzégovine existe depuis un peu plus de vingt-cinq ans, depuis que l’accord de paix de Dayton a mis fin en 1995 au conflit entre Serbes, Croates et Bosniaques, créant un État fédéral composé de deux entités : la Fédération croato-bosniaque et la Republika Srpska (RS) en juillet 1995.

  • Cette composition fragile est depuis plusieurs mois mise à l’épreuve par les déclarations et les actions de Milorad Dodik, le leader de la Republika Srpska au pouvoir depuis 1998. Brandissant régulièrement la menace sécessionniste depuis son élection, ses ultimatums avaient fini par ne plus être pris au sérieux. Cependant, depuis juillet, le boycott par les députés serbes des institutions nationales, la création à Banja Luka d’une Agence du médicament (alors que la même agence existe déjà au niveau fédéral à Sarajevo), l’annonce du retrait des systèmes communs judiciaire, sanitaire et fiscal, et celle de la création d’une armée serbe ont contribué à donner au projet de Milorad Dodik une forte crédibilité.

La construction d’un mur à la frontière biélorusse validé par le Parlement polonais

Vendredi 29 octobre, le Parlement polonais a définitivement validé le projet du gouvernement de construction d’un mur à la frontière avec la Biélorussie. Ayant pour objectif d’empêcher les réfugiés de passer en Pologne, ce mur, dont le coût est évalué à 353 millions d’euros, devrait s’étendre sur plus de 100 kilomètres. Ce vote intervient une semaine après que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a déclaré aux dirigeants réunis à Bruxelles qu’« il n’y aura[it] pas de financement de barbelés et de murs ». Douze Etats membres ont en effet demandé à l’UE de financer la construction de « barrières » à leurs frontières.

  • Des milliers de migrants (principalement originaires du Moyen-Orient) ont tenté d’entrer en Pologne via la Biélorussie depuis l’été. L’UE et la Pologne ont accusé le président biélorusse, Alexandre Loukachenko, d’encourager délibérément l’entrée illégale d’étrangers en Pologne et d’autres pays via son territoire en représailles des sanctions imposées par Bruxelles à Minsk pour violation des droits de l’homme.

  • Depuis ce vote, la situation à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie a continué de se dégrader. Mercredi 3 novembre, le ministère polonais des Affaires étrangères a déclaré que des hommes en uniforme non-identifiable armés de fusils étaient passés de Biélorussie en Pologne dans la nuit du 1er novembre. Quelques jours après, le gouvernement polonais a annoncé qu’un soldat biélorusse avait tenté de tirer des fusées éclairantes sur une patrouille frontalière et que cinq autres avaient essayé d’abattre des clôtures.

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AFRIQUE

Coup d’État au Soudan : vers un échec de la transition démocratique ?

Lundi 25 octobre, l’armée soudanaise, entraînée par le général Abdel Fattah Al-Burhane, a organisé un coup d’État au Soudan, dissolvant le gouvernement, arrêtant plusieurs dirigeants civils et déclarant l’état d’urgence. Les Soudanais sont descendus en masse dans la rue pour dénoncer le pouvoir militaire malgré la répression de l’armée qui a fait au moins sept morts et cent quarante blessés à la date du 27 octobre. Pour justifier son putsch, le général Al-Burhane a évoqué la dégradation des conditions de vie qu’il impute aux dirigeants civils alors même qu’il partageait le pouvoir avec eux au sein du Conseil de souveraineté, organe de transition institué en 2019 après la chute du dictateur Omar Al-Bachir. À la suite de ce coup de force, l’Union africaine a suspendu la participation du Soudan à ses institutions, et les États-Unis et la Banque Mondiale ont gelé la majeure partie de leur aide au Soudan.

  • Ce putsch intervient après plusieurs semaines de tensions entre civils et militaires au pouvoir, dont les partisans respectifs manifestaient à Khartoum (voir notre veille stratégique #5), dans un contexte de marasme économique et de manipulation des prix (veille stratégique #3). Le premier ministre civil de transition, Abdallah Hamdok, arrêté le 25 octobre, a été ramené chez lui le lendemain et assigné à domicile, sous « surveillance étroite ». Des efforts de médiation internationale sont en cours à Khartoum pour esquisser une sortie de crise. Jeudi 4 novembre, peu après un appel avec le Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, le général Al-Burhane a ordonné la libération de quatre ministres arrêtés le 25 octobre – sans pour autant communiquer de date de libération effective. Le secrétaire d’État américain, Anthony Blinken, a pressé le général Al-Burhane de « restaurer le gouvernement mené par des civils ».

  • Ce coup d’État désavoue les efforts des États-Unis, qui s’étaient beaucoup engagés dans le dossier de la transition démocratique au Soudan, ne pouvant plus  compter sur l’Éthiopie pour constituer un pôle de stabilité et un relais de leur influence dans la région – le pays s’étant noyé dans une sanglante guerre civile. La Russie se félicite quant à elle de ce coup de force, « résultat logique d’une politique ratée », et y voit une occasion de gâcher les plans américains. Rappelons ici que l’accord pour établir une base russe à Port-Soudan, conclu du temps d’Omar Al-Bachir, était remis en cause par l’administration civile en place depuis 2019. Des acteurs russes sont par ailleurs impliqués dans le secteur des mines et des conseillers de la société Wagner seraient toujours présents au Soudan (pour plus d’informations sur l’influence russe en Afrique, lire notre article « La Russie va-t-elle remplacer la France au Mali ? »).

Poursuite de l’escalade militaire en Éthiopie : les rebelles menacent de marcher sur Addis Abeba 

Le conflit qui oppose le gouvernement fédéral aux rebelles des Forces de défense tigréennes (TDF) s’envenime de jour en jour en Éthiopie. Alors que les affrontements s’intensifient depuis plusieurs semaines (veille stratégique #5), les TDF ont repris les villes de Dessie et Kombolcha, situées à un carrefour routier stratégique à 400 kilomètres au nord d’Addis-Abeba (voir carte ci-dessous). Leurs alliés de l’Armée de libération oromo (OLA) ont annoncé s’être emparé de localités plus au sud, le long de l’autoroute menant à la capitale. Si cette dynamique se poursuit, les rebelles pourraient être en mesure de marcher sur Addis-Abeba.

  • Sans reconnaître la prise des deux villes stratégiques de Dessie et Kombolcha, le gouvernement fédéral a décrété l’état d’urgence, mardi 2 novembre. Ce nouveau cadre juridique ouvre la porte à la conscription, permettant aux autorités d’enrôler « tout citoyen en âge de combattre et possédant une arme ». Continuant de galvaniser la population, le gouvernement a également demandé aux habitants d’Addis-Abeba de faire enregistrer leurs armes à feu et de se préparer à défendre la ville. 

  • Cette escalade inquiète profondément la communauté internationale. L’émissaire américain pour la Corne de l’Afrique, Jeffrey Feltman, s’est rendu à Addis-Abeba jeudi 4 novembre, dans le but d’ouvrir des négociations pour un cessez-le-feu. Les États-Unis ont également appelé leurs ressortissants sur place à « quitter le pays dès que possible ».

  • Un rapport conjoint du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme et de la Commission éthiopienne des droits de l’homme, publié mercredi 3 novembre, relève de nombreuses exactions en Éthiopie, dont « certaines peuvent constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ». Plus de 10 000 personnes auraient péri ces derniers mois dans ce conflit devenu aujourd’hui le plus meurtrier de la planète. 

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    AMERIQUE

Washington approuve un contrat d’armement avec Riyad de 650 millions de dollars 

Jeudi 4 novembre, le Pentagone a annoncé la vente potentielle d’armes, dont 280 missiles air-air, à l’Arabie saoudite d’une valeur de 650 millions de dollars. Il s’agit du contrat d’armement le plus important conclu entre Washington et Riyad depuis l’arrivée au pouvoir du président Joe Biden.

  • Cette vente s’explique par le renforcement de la menace houthis sur le Royaume. Depuis février, les rebelles houthis ont intensifié les attaques de missiles balistiques lancés depuis le Yémen en direction du sud-ouest de l’Arabie saoudite. De surcroît, les rebelles menacent d’une chute imminente le dernier bastion des forces loyalistes, la ville de Marib. 
  • Elle nuance les prises de position du candidat Biden sur les  relations de son pays avec Riyad. Le Pentagone a en effet justifié cette vente importante par le soutien à la « politique étrangère américaine et la sécurité nationale des Etats-Unis en aidant à améliorer la sécurité d’un pays ami ». Ces propos atténuent la volonté du candidat Biden de « recalibrer » les relations entre Washington et Riyad. Ce « recalibrage » s’était d’ailleurs traduit par la suspension des ventes d’armes au Royaume dès janvier, l’arrêt du soutien américain à la coalition menée par Riyad et Abou Dhabi au Yémen, ainsi que par la déclassification d’un rapport du renseignement américain sur la mort du journaliste Khashoggi à Istanbul en 2018.
  • Cette vente peut également être vue comme une preuve donnée par les Etats-Unis à l’Arabie Saoudite de la solidité de leur alliance, dans un contexte de reprise des négociations entre les Etats-Unis et l’Iran sur le programme nucléaire de ce dernier, alors que l’Iran soutient les rebelles houthis contre lesquels se battent l’Arabie Saoudite.

L’accélération du programme nucléaire chinois inquiète le Pentagone

Le 3 novembre dernier, le Pentagone a publié un rapport dans lequel il estime que la Chine développerait un arsenal nucléaire beaucoup plus rapidement que ce que le ministère de la Défense américain avait anticipé dans l’édition précédente de ce rapport, datant de septembre 2020. Aujourd’hui, Pékin serait d’ores-et-déjà capable de lancer des missiles balistiques armés de têtes nucléaires depuis la terre, la mer et les airs. A ce rythme, la Chine pourrait se doter de 700 têtes nucléaires d’ici à 2027, avec un objectif de 1 000 têtes d’ici à 2030.Ces affirmations américaines sont fondées sur des discours de dirigeants politiques chinois et sur des images satellites analysées par la Fédération des scientifiques américains (FAS) qui auraient permis d’identifier la construction de 300 silos à missiles dans plusieurs provinces désertiques chinoises.

Par ailleurs, selon le Pentagone, la Chine « a déjà probablement mis sur pied une triade nucléaire », c’est-à-dire que le pays pourrait lancer des missiles nucléaires depuis la mer, la terre et les airs. Selon ce même rapport, cette accélération du programme d’armement permettrait à la Chine de conduire des opérations de dissuasion et de contre-attaques nucléaires rapides, notamment dans le détroit de Taïwan.

  • Si la Chine accélère sa production d’armes nucléaires, elle reste néanmoins très en retard par rapport aux Etats-Unis et à la Russie, qui disposent respectivement de 3750 et 4495 têtes nucléaires.

  • La publication de ce rapport intervient alors que la tension monte entre les Etats-Unis et la Chine depuis plusieurs semaines, notamment dans le détroit de Taïwan. En effet, Pékin a condamné en octobre le passage du destroyer étatsunien à missiles guidés USS Dewey et de la frégate canadienne HMCS Winnipeg dans le détroit de Taïwan, considérant qu’il s’agissait d’une menace pour la paix et la stabilité. Par ailleurs, les tensions entre les deux pays se sont également manifestées durant les rencontres internationales comme la COP26 et le G20 à Rome.

Les Etats-Unis place NSO Group sur liste noire

Le 3 novembre 2021, le département américain du commerce a annoncé avoir placé NSO Group, la société israélienne spécialisée dans la vente de logiciels espions, sur une liste noire de entreprises soumises à d’importantes restrictions en matière d’exportation et d’importation en raison d’une menace sur la sécurité nationale et sur les intérêts de la politique étrangère des Etats-Unis. De son côté, NSO Group nie toutes actions d’espionnage, et argue au contraire que ses technologies « aident les intérêts sécuritaires et politiques américains en luttant contre le crime et le terrorisme ».

  • Depuis cet été, NSO Group est accusé d’avoir commercialisé son logiciel espion Pegasus pour espionner des journalistes, militants et personnalités politiques. 

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ASIE

Taïwan, au cœur de l’attention internationale

Les prises de position vis-à-vis de Taïwan sur la scène internationale se multiplient depuis début octobre 2021 : une délégation de sénateurs français a rendu visite au parlement taïwanais début octobre, Joe Biden a réaffirmé le 21 octobre, lors d’un échange à Baltimore (Maryland), son engagement à défendre militairement Taïwan en cas d’attaque de la Chine, et le Parlement européen a adopté le même jour une résolution appelant à un renforcement des liens avec Taipei. Plus récemment, jeudi 4 novembre, l’eurodéputé et chef de la commission spéciale du Parlement européen sur l’ingérence étrangère, Raphaël Glucksmann, a affirmé lors de sa visite à Taïwan : « vous n’êtes pas seuls », suggérant un rapprochement entre l’UE et Taipei.

Mécontente, la Chine a répondu le lendemain au travers de son bureau des affaires taïwanaises à Pékin, qui a averti que « le continent retiendra la responsabilité criminelle des jusqu’au-boutistes de l’indépendance pour Taïwan en accord avec la loi, et ceci à vie ». De nouvelles restrictions à l’encontre de plusieurs dirigeants politiques taïwanais et leurs familles ont été adoptées, comme l’interdiction de pénétrer sur le territoire de Chine continentale et l’interdiction de coopérer avec des organisations ou individus du continent.

Par ailleurs, le risque d’un conflit armé semble devenir de plus en plus concret et est très débattu dans les médias occidentaux ces dernières semaines, où des spécialistes et des romanciers de science-fiction sont invités à réfléchir sur le sujet.

  • Les tensions dans le détroit de Taïwan se sont manifestement intensifiées depuis le 1er octobre 2021, jour de fête nationale chinoise. La Chine a renforcé son activité militaire autour de Taïwan et un nombre record d’incursions d’avions de guerre chinois a été enregistré début octobre dans la zone d’identification de défense aérienne (ADIZ) taïwanaise.

  • Par ailleurs, les Etats-Unis multiplient les actions dans la région indopacifique en participant à des entraînements militaires de soldats taïwanais, en envoyant des navires de la marine traverser le détroit de Taïwan ou des sous-marins nucléaires patrouiller dans les eaux internationales de la mer de Chine pour faire valoir leur droit à la liberté de navigation. Ces actions sont régulièrement dénoncées par Pékin, qui ne manque pas de procéder à des démonstrations de force (tirs de missiles balistiques hypersoniques) de son côté.

  • Si certains soutiennent une intervention militaire des Etats-Unis pour assurer l’indépendance de Taïwan, d’autres considèrent qu’il serait irresponsable de s’engager dans un conflit nucléaire et qu’il vaudrait mieux maintenir le statu quo, c’est-à-dire l’ambiguïté stratégique. Pour le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, il n’est pas dans l’intérêt de l’Europe que les tensions actuelles débouchent sur un conflit armé puisque cela aurait un impact direct sur la prospérité économique européenne.

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RUSSIE/NEI

Dégradation de la situation sanitaire en Europe de l’Est

La situation sanitaire des pays d’Europe orientale ne cesse de se dégrader. La Russie fait face à la pire flambée de cas de Covid-19 depuis le début de l’épidémie et dépasse tous les jours un nouveau record de contamination (40 000 cas par jour au début du mois de novembre). C’est aussi le cas en Ukraine, qui dénombrait plus de 23 000 nouveaux cas par jour le 2 novembre. Selon les experts, cette situation s’explique par le faible taux de vaccination dans les deux pays : 33 % en Russie et 17 % en Ukraine. De nombreuses régions russes – dont la capitale Moscou – ont annoncé de nouvelles restrictions, renforcé l’utilisation du passe sanitaire et déclaré une « semaine chômée » pour tenter d’endiguer l’épidémie.

Tensions à la frontière russo-ukrainienne ?

Selon plusieurs médias américains, la Russie conduirait des mouvements de troupes à 250 kilomètres de la frontière ukrainienne. En effet, des images satellites montrant des chars de combat et des véhicules d’infanterie ont été relayées par le Washington Post. Le porte-parole du ministère américain de la Défense, John Kirby, a réagi en affirmant que le Pentagone suivait les « activités inhabituelles de l’armée russe à proximité de l’Ukraine ». Néanmoins, le ministère ukrainien de la Défense a déclaré ne pas avoir repéré de mouvement de troupes à proximité de ses frontières. La Russie, par la voix du porte-parole du Kremlin, Dmitry Peskov, a catégoriquement refusé de commenter ces informations, soulignant que les mouvements d’équipements militaires au sein du territoire russe relevaient de la compétence extérieure de la Fédération de Russie, et soulignant que la Russie « n’a jamais menacé personne et ne pose aucun danger à personne ».

  • Dans le même temps, le conflit entre le gouvernement central de Kiev et les séparatistes des républiques autonomes du Donbass à l’est du pays se poursuit. Il y a deux semaines, l’utilisation de drones turcs par l’armée ukrainienne contre les séparatistes avait poussé le Kremlin à avertir Ankara d’éviter un rapprochement avec Kiev. Le ministre turc des Affaires étrangères avait rétorqué qu’une fois les drones vendus, la Turquie n’avait plus de contrôle sur leur utilisation.

La Russie et la Biélorussie renforcent leur rapprochement

Les présidents russe et biélorusse ont signé un décret sur la réalisation de l’accord concernant « l’Union des Etats » et ont par-là fait entrer en vigueur 28 « programmes d’Union ». Signé à la date symbolique du 4 novembre où est célébré le « Jour de l’Unité nationale », ce décret  s’inscrit dans un processus visant à rapprocher progressivement la Russie et la Biélorussie pour, à terme, former un Etat unique. Il prévoit principalement des mesures d’ordre économique comme l’unification progressive des monnaies des deux pays, la création d’un nouveau système de paiement commun ou l’harmonisation des principes d’imposition. Dans le domaine politique, le décret envisage l’adoption d’une politique migratoire commune ainsi que le renouvellement de la doctrine militaire jointe. De manière plus anecdotique, Vladimir Poutine a annoncé vouloir former et préparer un cosmonaute biélorusse afin qu’il rejoigne la Station spatiale internationale.

  • Les gouvernements russe et biélorusse envisagent l’intégration de leurs deux pays depuis 1999, date de la signature du traité sur la création de l’Union de la Russie et de la Biélorussie (connue en russe sous le nom d’ « Union des Etats ».

  • Cette union peine toutefois à se concrétiser, confrontée à la volonté du président biélorusse, Aleksandr Loukachenko, de conserver son indépendance vis-à-vis de la Russie. En 2019 et 2020, de nouvelles discussions avaient relancé le projet avec la signature de 31 feuilles de routes concernant l’intégration des sphères économique et politique des deux pays.

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AFRIQUE DU NORD/MOYENT-ORIENT

L’Arabie saoudite rompt ses relations diplomatiques avec le Liban

Vendredi 29 octobre, les autorités saoudiennes ont rappelé leur ambassadeur à Beyrouth, expulsé l’ambassadeur libanais de Riyad et rompu les échanges commerciaux entre les deux pays. Cette rupture serait due aux déclarations du ministre de l’Information libanais, Georges Cordahi, qui a qualifié la guerre au Yémen « d’absurde ». Néanmoins, la décision saoudienne semble cibler avant tout le Hezbollah, le ministre des Affaires étrangères saoudien ayant critiqué leur « domination continue […]sur la scène politique » libanaise. Ce mouvement chiite, qui fait partie de la coalition gouvernementale libanaise, est soupçonné de soutenir militairement les rebelles au Yémen.  Or, les rebelles Houthis seraient sur le point de prendre Marib, ce qui constituerait une défaite majeure pour la coalition saoudienne. Des mesures similaires, à l’exception de la suspension des échanges commerciaux, ont été prises par les Emirats Arabes Unis, le Bahreïn et le Koweït.

  • Cette rupture accentue l’isolement diplomatique et économique du Liban. Le pays du cèdre est victime d’une grave crise politique et économique depuis quelques années, qui a conduit 75% de la population à passer sous le seuil de pauvreté.

  • L’Arabie saoudite continue de profiter d’une politique américaine conciliante malgré les déclarations précédentes de Joe Biden sur une fin du soutien américain à la coalition saoudienne au Yémen. L’administration américaine a en effet approuvé, jeudi 4 novembre, la vente de 280 missiles AIM-120C-7/C-8 au royaume, pour une somme de 650 millions de dollars.

Reprise des négociations sur le programme nucléaire iranien le 29 novembre

Mercredi 3 novembre, l’UE et Ali Bagheri Kani, le négociateur iranien sur le nucléaire, ont annoncé une reprise des discussions à Vienne le 29 novembre afin de relancer l’accord de 2015. Présidées par le coordinateur européen Enrique Mora, les négociations comprendront des représentants de la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Chine et la Russie. Les Etats-Unis ont salué cette reprise et ont confirmé leur participation aux pourparlers. Les discussions visant à faire revenir l’Iran et les Etats-Unis au sein de l’Accord sur le nucléaire iranien étaient de facto interrompues depuis juin, en raison de l’élection du président iranien Ebrahim Raïssi. Depuis la sortie unilatérale des Etats-Unis de l’accord en 2018 et la reprise des sanctions américaines contre l’Iran, le régime de Téhéran avait poursuivi son programme nucléaire.

  • Malgré ces annonces, l’Iran continue d’être relativement isolé sur la scène internationale, notamment en raison de la persistance des tensions avec les Etats-Unis. D’une part, une attaque de drone sur la base américaine d’Al Tanf, en Syrie, a été revendiquée par l’Iran fin octobre. S’il n’y a pas eu de morts, cette attaque vise un passage stratégique pour l’Iran dans ses relations avec le mouvement Hezbollah. Le but affiché est de provoquer un retrait américain de Syrie, où les troupes états-uniennes combattent l’Etat Islamique. D’autre part, l’Iran a accusé les Etats-Unis d’avoir tenté de saisir un tanker transportant du pétrole iranien en mer d’Oman, le 25 octobre. Cette version a été démentie début novembre par les autorités américaines. Celles-ci affirment avoir simplement observé l’opération des forces iraniennes. 

Cette veille a été rédigée par Claire, Théo, Rhéa, Maëlle, Corentin, Baptiste, Camille et Rose.

Comité de rédaction

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