Compte rendu de lecture : L’autre moitié du soleil, Chimamanda Ngozi Adichie

Un de nos lecteurs a souhaité partager son conseil lecture du moment : L’autre moitié du soleil, Chimamanda Ngozi Adichie, Folio, 658 p. Retrouvez ci-dessous son résumé et son avis sur un roman qui nous plonge dans la courte histoire de la République du Biafra. English version here.

 

La guerre du Biafra (1967-70), a « introduit l’Afrique dans la campagne américaine de Nixon et fait dire à tous les parents du monde qu’il fallait finir son assiette » écrit l’autrice nigériane Chimamanda Ngozi Adichie dans L’autre moitié du soleil (2007). SPDS vous présente aujourd’hui trois bonnes raisons de découvrir cette histoire méconnue.

L’autre moitié du soleil est avant tout l’occasion de partir à la rencontre d’un géant dont nous ne connaissons rien, ou presque : le Nigéria, aujourd’hui pays le plus peuplé d’Afrique avec ses 212 millions d’habitants. Ancienne colonie britannique, d’abord administrée en deux parties – le Nord, majoritairement musulman, et le Sud, historiquement plutôt à dominante animiste –, elle a été unifiée en 1914 par le gouverneur Frederick Luggard, par ailleurs théoricien de l’indirect rule1Le concept d’indirect rule prône une administration coloniale reposant sur les structures traditionnelles déjà existantes, notamment via les chefs indigènes. Cette pratique du Colonial Office britannique permettait, pragmatiquement, de réduire la présence coloniale nécessaire pour administrer les colonies, tout en s’assurant une bonne collaboration des populations locales., avant de devenir indépendante en 1960. Dans son roman, Chimamanda Ngozi Adichie nous fait voyager dans ce Nigéria post-indépendance, entre la bouillonnante métropole de Lagos dans le Sud-Ouest, l’intellectuelle Nsukka, ville universitaire du Sud-Est, ou encore l’influente Kano, ancienne cité-État haoussa du Nord. Le lecteur découvre donc, au fil des pages, le Nigéria, ses particularités et ses différences ethniques, dans un pays qui n’en aurait pas été un (mais probablement plusieurs) sans la colonisation. Elle-même originaire du Sud-Est, Chimamanda Ngozi Adichie décide de nous lier au destin des Igbos, l’un des trois principaux groupes ethniques nigérians, qui, se sentant stigmatisé, décide de proclamer son indépendance en 1967 sous le nom de République du Biafra. C’est le début d’un conflit désastreux qui durera jusqu’en 19702Le Biafra a fini par déposer les armes, encerclé par les forces nigérianes. , faisant 100 000 morts dans les combats, et entre 500 000 et 2 millions dans la famine qui s’ensuivit.

Lire L’autre moitié du soleil est également l’occasion de se plonger dans la désolante réalité d’une guerre civile. Alors que le tragique de la guerre bouleverse aujourd’hui la vie de millions d’Ukrainiens, le roman de Chimamanda Ngozi Adichie embarque le lecteur dans une expérience similaire du point de vue des souffrances, l’emmenant au cœur d’une région assiégée, le Biafra, bombardée au quotidien et soumise à un blocus économique. Le récit asphyxiant déplie la mécanique d’un conflit civil, entre mobilisation générale des hommes igbos, propagande promettant à la jeune république une victoire finale malgré l’enchaînement des défaites, incompréhension face au soutien jugé trop faible de la communauté internationale. Grâce à ses recherches sur la sécession biafraise et les témoignages qu’elle a recueillis, Chimamanda Ngozi Adichie dépeint avec brio ce que signifie le quotidien de la guerre pour une population civile, entre les privations, la vie dans les camps de réfugiés, la peur de la mort des proches…

Enfin, L’autre moitié du soleil mérite d’être lu pour la qualité du récit de son autrice, récompensé par le prestigieux Orange Prize en 2007. Chimamanda Ngozi Adichie nous fait rentrer dans l’intimité de personnages variés et touchants : Olanna, jeune femme de la bourgeoisie lagotienne ayant étudié en Angleterre, Odenigbo, intellectuel panafricaniste idéaliste, Ugwu, son boy, simple villageois émerveillé par la culture de son maître, Kainene, sœur jumelle d’Olanna et femme d’affaires sarcastique, et puis Richard, Anglais tombé amoureux de la culture locale. Leurs vies sont l’occasion pour l’écrivaine d’explorer des thématiques transverses : la famille, l’amour, les relations entre modernité et tradition, le rapport à l’autre, aux Blancs, aux Occidentaux.

Comité de rédaction

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