FRANCE
Dévoilement de la nouvelle vision stratégique de la Direction générale de l’armement pour une « France unie et résiliente »
Mercredi 15 mars, l’actuel délégué général pour l’armement Emmanuel Chiva a publié la vision stratégique de la Direction générale de l’armement (DGA) 2023 et a dévoilé le nouveau logo de la direction. Ce document concrétise la dimension militaro-technologique de la future loi de programmation militaire pour la période 2024-2030 évoquées par Emmanuel Macron (cf. Veille stratégique – Janvier 2023 2/2). Cette vision stratégique érige au rang de leitmotiv la volonté de « transformer sans casser ce qui fonctionne, donner au ministère et aux Armées les outils et armements nécessaires à nos futures capacités, appréhender l’avenir sans céder à l’urgence du présent, valoriser les femmes et les hommes qui font et sont la DGA ».
- La nouvelle vision stratégique de la DGA se décline en 5 missions visant simultanément à renforcer les capacités opérationnelles et à favoriser les partenariats industriels tout en préservant la Base industrielle et technologique de défense (BITD) française et en améliorant les facultés d’anticipation. Le document insiste notamment sur la nécessité de « déployer une stratégie pragmatique de coopération internationale », faisant ainsi écho aux multiples difficultés politico-industrielles rencontrées récemment (ex : le Système de combat aérien du futur entre l’Allemagne, l’Espagne et la France). À cet égard, des « modèles alternatifs de coopération » sont mentionnés, sans précision. En outre, le document promeut un renforcement de l’Agence de l’innovation de Défense tout en insistant sur la nécessité de prendre en compte les enjeux relatifs au multi-champs et au multi-milieux. Ainsi, une des “missions” décrites est simultanément consacrée à la dissuasion nucléaire et au cyberespace.
- Rappelons que la DGA a été créée en 1977, succédant à la Délégation ministérielle pour l’armement. Elle a vocation à « conduire au bénéfice des armées la conception des systèmes de défense, les opérations d’armement et la structuration » en prenant en considération la politique d’exportations d’armement, la dissuasion nucléaire et la BITD européenne. Selon Emmanuel Chiva, cet « outil unique, envié dans le monde entier » nécessitait une mise-à-jour doctrinale au vu de la demande du Ministre des Armées Sébastien Lecornu de la mise en place d’une « économie de guerre ».
Fin de la deuxième phase de l’exercice interarmée ORION 2023
Du 16 février au 10 mars a eu lieu la phase « entrée en premier » de l’exercice ORION 2023 (cf. Veille stratégique Février 2023 2/2) organisé par le Commandement pour les opérations interarmées, entité rattachée au ministère des Armées. Durant ces trois semaines, plus de 7 000 soldats français sont intervenus dans 14 départements méridionaux afin de simuler la reprise d’une tête de pont ennemie. Cet exercice a vocation à entraîner les forces armées françaises à un éventuel conflit de haute intensité mais également à les préparer aux nouveaux milieux et champs de conflictualité – dimension terrestre, aérienne, spatiale, maritime, cyber, électromagnétique et informationnelle.
- L’exercice ORION 2023 a débuté en mai 2022 avec une phase de planification opérationnelle et devrait se terminer en mai 2023. Son coût total devrait avoisiner les 35 millions d’euros. Le scénario de l’exercice est celui d’un conflit entre un pays allié à la France (Arnland) menacé par un pays hostile (Mercure) recourant à des milices armées. L’exercice se décompose en quatre phases : planification opérationnelle, entrée en premier dans un environnement contesté, travaux civil-militaires et enfin opération aéroterrestre d’envergure de niveau divisionnaire.
- Prévu depuis 2020, l’exercice ORION 2023 apparaît d’une importance capitale au regard du conflit russo-ukrainien aux frontières européennes. Simultanément, ORION 2023 a vocation à préparer les troupes tricolores aux opérations de grande ampleur telles que l’opération Serval (Mali, 2012) ou l’opération RESEVAC au Yémen en 2015. Le second objectif mentionné par le Ministère des Armées relève de l’interopérabilité des forces armées à l’échelle française et internationale.
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EUROPE
La Pologne et la Slovaquie cèdent les premiers avions de chasse à l’Ukraine
Le jeudi 16 mars 2023, lors d’une conférence de presse commune avec son homologue tchèque Petr Pavel, en visite à Varsovie, le président polonais Andrzej Duda a confirmé que la Pologne allait bel et bien transférer des avions de combat MiG-29 “Fulcrum” à l’Ukraine. Quatre premiers appareils seront envoyés avant d’être rejoints par une dizaine d’autres avions dont l’entretien est pour l’instant nécessaire. Le lendemain, le premier ministre slovaque, Eduard Heger, a fait savoir que Bratislava fournirait 13 MiG-29 à Kiev. Ces appareils avaient été retirés du service en septembre 2022. Bratislava a également annoncé la cession de système de défense aérienne 2K12 Koub.
- La Pologne et la Slovaquie sont les premiers pays à livrer des avions de combat opérationnels aux Forces armées ukrainiennes. Les MiG-29 sont des appareils de de conception soviétique que les ukrainiens savent déjà piloter. Ces livraisons pourraient inciter d’autres pays à fournir des avions de chasse à Kiev, dont les demandes en la matière étaient particulièrement importantes afin de conserver une relative liberté d’action opérative dans le ciel ukrainien.
- En outre, James Heappey, le ministre anglais de la Défense, a annoncé le mardi 14 mars qu’il étudiait la possibilité de livrer des Eurofighter Typhoon Tranche 1 aux pays ayant décidé de livrer des avions de combat à l’Ukraine. La Pologne conditionnait auparavant la cession de ses MiG-29 à leur remplacement par des appareils aux capacités opérationnelles équivalentes par les États-Unis, ce qui avait été refusé.
- Varsovie est en passe de définitivement mettre à la retraite ses avions de combat MiG-29. Ils seront remplacés par des FA-50 et FA-50PL (construit en Pologne sous licence), et par des F-35A Lightning II, de conception américaine.
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AMÉRIQUES
À San Diego, l’AUKUS dévoile le plan de développement de ses sous-marins
Lundi 13 mars sur la base navale de Point Loma à San Diego, le président américain Joe Biden, le premier ministre australien Anthony Albanese et son homologue britannique Rishi Sunak ont formellement annoncé les étapes d’un plan de développement de sous-marins à propulsion nucléaire et armement conventionnel s’inscrivant dans le cadre de l’AUKUS (accord de coopération militaire rendu public en 2021 par les trois pays). Joe Biden a ainsi esquissé les contours du “premier projet” de cet accord, “le SSN Aukus, un sous-marin nucléaire dernier cri, basé sur la nouvelle conception britannique, qui incorporera les technologies américaines les plus avancées”. L’Australie et Royaume-Uni devraient ainsi lancer les travaux de construction du premier sous-marin de cette nouvelle classe d’ici la fin de la décennie, pour une première livraison à l’Australie prévue début 2040.
- Les sous-marins australiens actuels de la classe Collins doivent être retirés du service à la fin de la décennie 2030. La jonction vers la classe Aukus devrait être réalisée en plusieurs étapes, passant notamment par l’achat par l’Australie de trois sous-marins à propulsion nucléaire américains de classe Virginia. Cet achat devrait avoir lieu “au début des années 2030, sous réserve de l’approbation du Congrès”, “avec la possibilité d’en vendre jusqu’à deux de plus si nécessaire”. La Maison-Blanche a également annoncé par communiqué un renforcement de la présence navale américaine en Australie à partir de 2023 pour former le personnel civil et militaire sur les chantiers navals.
- Ce plan de développement, qui s’inscrit dans le cadre d’une stratégie d’endiguement de l’influence chinoise dans le Pacifique, a été sévèrement dénoncé par Moscou et Pékin. La Chine considère ainsi que le contrat d’armement constitue une violation du traité de non-prolifération nucléaire et dénonce une “mentalité digne de la Guerre froide”. La Russie, par la voix de son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, a elle dénoncé les logiques agressives du “monde anglo-saxon”. Face aux accusations de prolifération, Joe Biden a mis l’accent sur le fait que “ces sous-marins sont à propulsion nucléaire, et non pas équipés d’armes nucléaires” et que “l’Australie ne produira pas de combustible nucléaire” dans le cadre de l’accord militaire.
Incident entre un drone MQ-9 Reaper américain et deux Su-27 russes au-dessus de la Mer Noire
Mardi 14 mars, les autorités américaines ont accusé deux avions de combat Su-27 “Flanker” russes d’être responsables de la perte d’un drone MQ-9 Reaper de l’US Air Force, qui effectuait alors une mission de renseignement dans l’espace aérien international de la mer Noire. Le communiqué publié par le commandement militaire américain en Europe [US EUCOM] affirme que les avions russes ont déversé du carburant devant le Reaper et volé « d’une manière imprudente, peu respectueuse de l’environnement et non professionnelle » jusqu’à entrer en collision avec le drone, causant ainsi sa perte. Le 16 mars, une vidéo de l’incident a été déclassifiée par les services américains et diffusée via la plateforme “Defense Visual Information Distribution Service”, afin de contrer toute tentative de contre-argumentation russe.
- Via un communiqué publié dans la soirée du 15 mars, le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, estimait lui que “les causes de l’incident [étaient] la non-observation par les Etats-Unis de la zone de limitation des vols annoncée par la Russie et établie du fait de la conduite de l’opération militaire spéciale, ainsi que le renforcement des activités de renseignement contre les intérêts de la Russie”.
- La récupération de l’épave du drone, qui selon le général Mark Milley pourrait actuellement reposer à près de 1500 mètres de profondeur, pourra difficilement être réalisée par les États-Unis dans un futur proche du fait de la fermeture de l’accès à la Mer Noire par la Turquie.La Russie n’a quant à elle pas caché son intérêt pour l’épave et les potentiels renseignements sensibles qu’elle pourrait contenir.
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RUSSIE/NEI
Moscou utilise ses missiles Kinjal pour mener d’importantes frappes sur le territoire ukrainien
Jeudi 9 mars, l’Ukraine a connu la vague de frappes aériennes russes la plus intensive depuis le début du conflit, justifiée par Moscou comme des « représailles » à l’incursion de saboteurs le 2 mars dernier. En l’espace de 24h, l’armée russe a lancé 81 missiles, dont les modèles hypersoniques Kinjal, et une dizaine de drones explosifs iraniens Shahed sur plusieurs zones du pays, parfois éloignées du front comme Lviv. De nombreuses infrastructures énergétiques et civiles ont été visées, provoquant la mort de plus d’une dizaine de civils et la coupure de courant, de chauffage et d’eau dans plusieurs régions. Sur le front, Bakhmout, ville emblématique de la résistance ukrainienne, est toujours le centre d’intenses combats et Volodymyr Zelensky affirme que 1100 soldats russes y ont été tués en l’espace d’une semaine.
- Le jeudi 2 mars, le groupe néonazi Corps de volontaires russes (RDK) a revendiqué une attaque sur l’oblast russe de Briansk. Moscou a accusé Kiev d’avoir commandité cette action (voir veille précédente).
- Le missile hypersonique Kh-47M2 Kinjal, signifiant la dague en russe, a été utilisé pour la première fois ce jeudi dans le cadre du conflit russo-ukrainien. Pouvant atteindre 12 000 km/h, il est capable de dévier rapidement de sa trajectoire et de défier les défenses antiaériennes ukrainiennes. L’Ukraine a ainsi été incapable de les détecter et de les abattre.
- De plus en plus de voix s’élèvent contre le Kremlin, et en particulier sur les premières lignes du front. Dans plus d’une quinzaine de vidéos adressées à Poutine et publiées sur Telegram depuis le mois de février, des mobilisés russes se plaignent d’être de la « chair à canon » et de ne pas être entraînés ni dotés de l’équipement nécessaire pour participer aux assauts. Ces protestations sont relayées par les épouses et les mères de ces soldats, qui demandent que leurs proches soient épargnés et que les salaires soient versés.
Vladimir Poutine visé par un mandat d’arrêt international pour crimes de guerre
Vendredi 17 mars, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) Karim Khan a annoncé que le président russe Vladimir Poutine et sa commissaire aux droits de l’enfant, Maria Lvova-Belova, faisaient l’objet d’un mandat d’arrêt international pour crimes de guerre. Ils sont suspectés d’avoir personnellement participé à « la déportation de centaines d’enfants [ukrainiens] retirés d’orphelinats ou de foyers », qui ont été « donnés à l’adoption » en Russie. Sous couvert d’une action humanitaire pour protéger les enfants ukrainiens, plus de 16 220 d’entre eux auraient ainsi été déportés et adoptés en Russie depuis le début de conflit, et auraient subi un changement forcé de nationalité ainsi qu’une « rééducation patriotique ». En réaction à cette annonce, Moscou, qui n’a pas ratifié le Statut de Rome, a dénoncé des décisions « nulles et non avenues », tandis que l’Ukraine et les pays occidentaux ont salué le « signal très fort » envoyé par la CPI, démontrant sa capacité à « poursuivre le plus hauts dirigeants russes ».
- La Cour pénale internationale a été créée en 1998 par le Statut de Rome dans l’objectif de juger les personnes accusées de crimes contre l’humanité, génocide, crimes de guerre ou d’agression. Aujourd’hui, 123 Etats ont ratifié le Statut, mais la Russie et les Etats-Unis n’en font pas partie et d’autres, comme la Chine et l’Inde, n’en sont même pas signataires. Moscou n’est donc pas tenu d’extrader ses dirigeants. Cependant, cette décision pourrait contraindre le président russe dans ses prochains déplacements à l’étranger puisque tout pays signataire est tenu d’appliquer la juridiction de la CPI.
- Cette décision intervient alors que Kiev demande depuis plusieurs mois la création d’un tribunal spécial pour juger les crimes d’agression russes, pour lesquels la CPI n’est pas compétente dans le cadre de ce conflit. Dimanche 5 mars, le Centre international pour la poursuite du crime d’agression (CIPA) a d’ailleurs été officiellement créé. Ce parquet intérimaire, qui fonctionne sous la tutelle d’Eurojust, devrait commencer ses travaux d’enquête sur les crimes commis en Ukraine pendant l’été 2023 à la Haye. Jeudi 16 mars, une commission d’enquête de l’ONU a abondé dans le sens de Kiev en reconnaissant la déportation des enfants ukrainiens comme un « crime de guerre ».
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ASIE
La Corée du Nord procède à trois tirs de missiles en l’espace de dix jours
Dimanche 12 mars, la Corée du Nord a annoncé le tir de deux missiles de croisière depuis le sous-marin 8.24 Yongung en mer du Japon, informations non confirmées par les services de renseignement et experts sud-coréens. Selon l’agence officielle nord-coréenne KCNA, les deux missiles ont volé pendant plus d’une heure et parcouru plus de 1500 km, en suivant une trajectoire « en forme de huit » avant d’atteindre leur cible. Il s’agit, selon Pyongyang, de tester ses « moyens de dissuasion nucléaire dans différents espaces » à la veille du lancement de l’exercice conjoint Freedom Shield 2023 entre les Etats-Unis et la Corée du Sud. Quelques jours plus tôt, le pays avait déjà tiré plusieurs missiles à courte portée en Mer Jaune. Jeudi 16 mars, le jour même du sommet de la réconciliation entre les dirigeants japonais et sud-coréen à Tokyo, la Corée du Nord a procédé au lancement d’un missile balistique intercontinental Hwasong-17 en direction de la mer du Japon.
- La manœuvre militaire Freedom Shield entre la République de Corée et les États-Unis est la plus importante depuis 2018. Elle est conçue pour renforcer l’alliance entre les deux Etats et renforcer la sécurité et la stabilité dans la péninsule coréenne. Washington et Séoul avaient organisé un peu plus tôt des exercices aériens conjoints en présence d’un bombardier lourd américain à capacité nucléaire B-52. Ces exercices sont perçus par la Corée du Nord comme des répétitions générales à une invasion de son territoire ou à un renversement de son régime. Kim Yo Jong, la sœur du dirigeant nord-coréen, a averti Washington et Séoul que toute interception de missiles nord-coréens en océan Pacifique serait considérée comme une « déclaration de guerre ».
- Cette nouvelle série de tirs fait suite à cinq autres tirs effectués depuis le début de l’année 2023 et souligne l’agacement de Pyongyang face à la reprise des coopérations entre Tokyo et Séoul, largement soutenue par Washington. Ce réchauffement des relations pourrait conduire à une meilleure coordination des politiques et des stratégies de défense contre la Corée du Nord.
Sommet historique entre la Corée du Sud et le Japon
Jeudi 16 mars s’est déroulé le premier sommet en douze ans réunissant le président sud-coréen, Yoon Seok-youl et le premier ministre japonais, Fumio Kishida, salué par leur allié américain. Les deux dirigeants se sont engagés à reprendre les échanges de haut niveau, les liens commerciaux et les coopérations sécuritaires. Plus précisément, les deux pays devraient approfondir le partage de renseignement dans le cadre de l’accord sur la sécurité générale des informations militaires (GSOMIA) et créer des postes d’officiers de liaison à Tokyo et Séoul. Dans le domaine économique, Tokyo devrait abandonner les restrictions sur les exportations de produits chimiques de pointe essentiels à l’industrie sud-coréenne des semi-conducteurs tout en faisant bénéficier son voisin d’un traitement préférentiel sur le plan commercial. En échange, Séoul devrait retirer sa plainte déposée à l’Organisation mondiale du commerce à l’encontre de ces mesures.
- L’intensification des provocations de Pyongyang et les ambitions régionales croissantes de la Chine sont des préoccupations stratégiques communes propices à un rapprochement entre les deux nations.
- En matière de partage de renseignement, le GSOMIA, signé en 2016, permettait l’échange d’informations directement entre la Corée du Sud et le Japon sans passer par les États-Unis. En 2019, Séoul avait menacé de dénoncer cet accord suite aux restrictions commerciales imposées par Tokyo. Si le GSOMIA avait finalement été renouvelé de justesse sous la pression américaine, il était dans une position précaire depuis.
- Si le sommet Yoon-Kishida représente un tournant dans leurs relations, les différends mémoriels liés à la colonisation de la péninsule coréenne par le Japon entre 1910 et 1945 restent présents. La décision du président sud-coréen de créer un fonds géré par le gouvernement pour dédommager les travailleurs forcés pendant la guerre a par exemple été dénoncée par des victimes et des activistes en Corée du Sud et par les conservateurs au Japon.
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AFRIQUE
Reprise du dialogue entre les Etats-Unis et l’Ethiopie
Le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken était en visite en Ethiopie et au Niger mercredi 15 et vendredi 17 mars, afin de soutenir le processus de paix entamé au Tigré et renforcer le partenariat américain en Afrique face à l’influence chinoise et russe. La diplomatie américain a ainsi annoncé une aide humanitaire de plus de 300 millions à l’Ethiopie, et a conditionné la reprise du partenariat économique entre les deux pays au respect de l’accord de paix ainsi qu’à « l’établissement de la responsabilité » des crimes de masse commis au Tigré.A l’issue de sa visite au Niger, le secrétaire d’Etat a également annoncé l’octroi par les Etats-Unis de 150 millions de dollars afin « d’apporter un soutien vital aux réfugiés et autres personnes touchées par le conflit et l’insécurité alimentaire » dans la région du Sahel africain.
- Antony Blinken est le plus haut responsable américain à s’être rendu en Ethiopie depuis le début du conflit entre le gouvernement fédéral et les rebelles de la région du Tigré en novembre 2020. Les relations entre les deux pays, alliés historiques, s’étaient fortement dégradées en raison des accusations de crimes de guerres portées contre le gouvernement éthiopien. Addis-Abeba n’est ainsi plus bénéficiaire depuis janvier 2022 de l’Agoa, mécanisme états-unien permettant à des pays africains d’être exemptés de taxes sur certaines exportations.
- Le conflit avait débuté en novembre 2020 lorsque le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed avait envoyé l’armée nationale dans la région du Tigré face au Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF), accusé d’avoir attaqué des bases militaires. Le conflit s’était ensuite étendu régionalement et aurait causé 500 000 morts selon les autorités américaines. Un accord de paix du Tigré a depuis été signé le 2 novembre 2022 en Afrique du Sud sous l’impulsion de l’Union Africaine et des Etats-Unis.
Poursuite des combats en RDC malgré le cessez-le-feu prévu pour la venue des émissaires de l’ONU
Une délégation de l’ONU s’est rendue en République démocratique du Congo (RDC) du 9 au 12 mars afin de suivre les affrontements opposant le Mouvement du 23 mars (M23) et l’armée congolaise à l’est du pays, dans la province du Nord-Kivu. Alors que les combats progressent depuis plusieurs mois et que les demandes d’arrêt des hostilités sont restées lettre morte, la trêve prévue durant la visite des émissaires de l’ONU n’a pas été respectée et les combats se sont poursuivis. A l’issue de leur visite, les représentants de l’ONU ont appelé à l’ouverture de négociations, au retrait du M23 des territoires occupés et ont estimé qu’« il n’y a plus à démontrer que le Rwanda soutient le M23 ».
- L’est de la RDC est en proie à la violence depuis la reprise des armes par le M23 à la fin de l’année 2021. Issu des deux guerres régionales qui ont éclaté à la fin du XXe siècle, le M23 avait repris de l’activité en 2012 puis en 2021, accusant Kinshasa de ne pas respecter son engagement à intégrer les anciens combattants du M23 dans l’armée régulière. Kinshasa et l’ONU accusent le Rwanda de soutenir le mouvement afin d’avoir accès aux réserves de minerais de l’est de la RDC, ce que Kigali a toujours nié.
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AFRIQUE DU NORD/MO
Face à la menace du feu nucléaire iranien, le difficile positionnement d’Israël face au conflit russo-ukrainien
Ce jeudi 16 mars, Benjamin Netanyahou s’est rendu à Berlin pour y défendre sa réforme de la justice, mais aussi pour exprimer ses inquiétudes face à l’essor de la menace nucléaire iranienne. Selon le Premier ministre, « aucun danger n’est plus important et plus préoccupant pour Israël que la poursuite du programme nucléaire iranien », c’est pourquoi il souhaite convaincre Berlin et Londres de la mise en place d’un embargo sur la livraison d’armes en direction de Téhéran.
- Israël a mis de côté ses réticences pour aider l’Ukraine, une première depuis l’invasion russe. Lors d’une visite du ministre des Affaires étrangères, Elie Cohen, le 15 février dernier, l’Etat hébreu a ratifié plusieurs licences d’exportation pour la vente de systèmes de brouillage anti-drones destinés à Kiev. Ceci permettrait de mesurer l’efficacité de ces derniers pour contrer les drones iraniens, employés par l’armée russe. Jusqu’alors, Israël justifiait son inaction par la crainte de tensions avec la Russie qui pourrait nuire à la sécurité du pays du fait de l’alliance entre la Syrie et le Kremlin.
- Dans ce cadre, Benjamin Netanyahou a organisé, le 13 mars, une première discussion politique à propos de l’accroissement de l’aide apportée à l’Ukraine. Cependant, plusieurs représentants israéliens aux sensibilités pro-russes se sont opposés et ont bloqué le projet de transfert des armes à Kiev. Aucune autre décision n’a été prise pour le moment.
Riyad et Téhéran rétablissent leurs relations diplomatiques
A l’issue de pourparlers en Chine, l’Iran et l’Arabie Saoudite ont annoncé, le 10 mars dernier, le rétablissement de leurs relations diplomatiques. Selon l’IRNA (l’Agence de presse de la République islamique, ou Islamic Republic News Agency), les ambassades et représentations diplomatiques devraient rouvrir dans les deux prochains mois. En effet, Ali Shamkhani, secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale iranien a entretenu « des négociations intensives avec son homologue saoudien en Chine afin de résoudre les différends entre Téhéran et Riyad ».
- En 2016, l’exécution du clerc chiite Nimr Baqr al-Nimr par Riyad avait entrainé des représailles par des manifestants de la République islamique. Leur attaque de missions diplomatiques saoudiennes en Iran avaient alors entraîné la rupture des liens diplomatiques entre les deux Etats.
- La France, les Etats-Unis, l’ONU, ainsi que plusieurs pays arabes tels que le Liban, la Jordanie, le Qatar et les Emirats arabes unis ont salué l’annonce. La Maison Blanche a cependant estimé qu’il restait tout de même à voir « si l’Iran remplira ses obligations », tandis que Paris a appelé l’Iran « à renoncer à ses actions déstabilisatrices ». De son côté, le chef de l’opposition israélien et ancien Premier ministre, Yaïr Lapid a jugé cet accord comme « un échec total et dangereux de la politique étrangère du gouvernement israélien ».
- C’est la première fois que la Chine joue un rôle déterminant en matière de médiation diplomatique dans la région. Depuis le relatif désengagement des États-Unis décidé sous l’administration Obama, le Moyen-Orient intéresse d’autres puissances comme la Russie et la Chine qui y voient des opportunités stratégiques afin de contester l’hégémonie américaine.
Veille rédigée par Léana, Simon, Elias, Camille, Baptiste, Pauline et Raphaëlle.